Les litanies de Lorette (en latin Litaniæ Lauretanæ) ou Litanies de la Sainte Vierge sont, dans la tradition catholique, des invocations répétées et psalmodiées de demandes d’intercession adressées à la Vierge Marie, Mère de Dieu[cc 1]. Composées sans doute au milieu du XVIe siècle à Lorette, ces litanies furent, avec les Litanies des saints, exclusivement choisies en 1601 par le pape Clément VIII en faveur de l'Église universelle. Toujours en usage, elles demeurent une prière très populaire, réservées à la dévotion mariale.
En ce qui concerne la version actuelle, l'origine de la composition finale ne remonte par conséquent qu'au XVIe siècle. Il s'agirait d'une synthèse qui aurait été effectuée successivement et par plusieurs auteurs. L'origine d'une autre version est énigmatique. L'hypothèse d'Angelo de Santi (1897) est une nouvelle composition tenue juste avant 1575[lll 1].
Il est vraisemblable que la tradition de ces litanies était née, après la fondation de ce sanctuaire sur les bords de la mer Adriatique en 1294 par des chrétiens venus de l'Orient, laquelle remplaçait la Sainte Maison de Nazareth d'abord transférée en Dalmatie[am 1]. Les chercheurs discutent l'origine issue du rite byzantin, par exemple son hymne acathiste, parce qu'il s'agissait d'une pratique pour le samedi, laquelle était respectée à Lorette[dab 1]. Quoi qu'il en soit, on constante que les litanies consacrées à la Sainte Vierge étaient, même au sein de l'Église d'Occident, assez anciennes et abondantes, sous les formes de « Sancta Maria », d' « Ave Domina » ou simplement d' « Ave », qui se trouvent dans les manuscrits à partir du XIIe siècle[1],[lll 2],[lll 3]. D'ailleurs, dans les archives, il existe un manuscrit qui se commençait dès Kyrie eleison, avec lequel se trouvent plusieurs textes communs. Ces litanies Sancta Maria furent copiées en 1524 par un certain Giovanni da Falerone, moine de Frères mineurs de l'Observance. Plus anciennes, il est possible qu'elles aient affecté à la composition des litanies de Lorette[lll 4].
Letanie, che si cantano nella S. Casa di Loreto ogni Sabbato, et Feste della Madonna (souvent Litaniæ Deiparæ Virginis ex Sancra Scriptura, dites Deiparæ ou Scriptura) [lire en ligne] (pour le samedi et les fêtes de la Sainte Vierge[rk 1])
Kyrie eleison. Christe eleison. Kyrie eleison. |
L'origine de chaque verset était tout à fait précisée dans cette publication. À dire vrai, cette version des litanies était composée à la base de la Bible, donc plus théologique, alors que les litanies de Lorette se caractérisaient davantage de la dévotion vers la Sainte Vierge[rk 2].
Dans la chronologie, les litanies de Lorette étaient mentionnées, en 1531 (Litaniæ Virginis Mariæ), en 1547 (Litaniis) et en 1554 (Litaniarum). Sans précision ni texte, il est difficile à connaître leur détails[lcc 1]. Problème, c'est qu'il existait deux versions de litanies de Lorette. Ce qui demeure certain est que la version actuelle remplaça, finalement, d'autres litanies, y compris ces Litaniæ Deiparæ Virginis ex Sacra Scriptura. En raison de l'origine issue de la procession des Rogations[2], les litanies anciennes étaient si nombreuses qu'à la suite de l'officialisation par le Saint-Siège, la plupart furent éliminés[dab 2].
Sans doute au milieu du XVIe siècle, le prototype des litanies actuelles fut-il fixé et diffusé. Il est à noter la similitude de la structure et des éléments avec les Litanies des saints, publiées dans le bréviaire romain de l'époque, qui étaient tout à fait officielles. Leur origine serait commune[dab 3].
En ce qui concerne la version au-dessus, elle aussi aurait été composé dans la deuxième moitié du XVIe siècle. Car celles-ci étaient présentées dans une lettre de Giulio Candiotti, archidiacre de Lorette, laquelle fut datée du . Candiotti les précisa au pape Grégoire XIII comme lettanie moderne della sanctissima Vergine (Bibliothèque apostolique vaticane, manuscrit Reg. Latin 2020, folio 363)[lcc 2].
Pour sa diffusion, ceux qui jouaient le rôle principal étaient les Jésuites, et surtout Pierre Canisius (mort en 1597)[3],[dab 4]. L'usage de ce texte à Lorette remonterait en 1558 selon Gabriel Pidomson (2019)[4] alors que l'étude d'Angelo de Santi (1897) attribuait l'apparition à l'année 1576[lll 5]. Le manque de documents pendant cette période empêche les recherches.
Sans doute la première publication ne fut-elle pas effectuée en Italie. On connaît de nos jours celle qui fut sortie en 1558 à Dillingen en Souabe, où une nouvelle université avait été inaugurée en 1551. Il est possible que Canisius eût contribué à faire inclure les litanies dans ce livre[3],[cc 1] : D. Petre à Soto, Preces speciales pro salute populi Christiani … quibus addita est Letania Loretana.
Pierre Canisius continua à diffuser ce texte. Dans le livre de prière sorti en 1587, il fit imprimer les litanies de Lorette en latin (Manuale Catholicolum in usum pie precandi collectum, folio 398)[3], peut-être sa réponse à l'officialisation par le Saint-Siège. En effet, les litanies étaient très importantes dans le contexte de la Contre-Réforme en Bavière, notamment chez la maison de Wittelsbach à laquelle Canisius était lié[3]. À Munich où se trouvait la citadelle spirituelle du rite tridentin pour les fidèles germanophones, on chantait déjà, avec certitude, les litanies de Lorette en 1570 ou plus tôt[rk 3] et peut-être en faux-bourdon[rk 4]. Nicolaus Serarius[5] (mort en 1609), jésuite, y évoluait la théorie théologique des litanies, afin d'empêcher l'influence de celles des Luthériens. Il précisait encore que les litanies catholiques sont exactement à la base de la Bible, contrairement à ce que les protestantes accusaient[rk 5]. D'ailleurs, l'installation des litanies de Lorette à Rome aurait été achevée par le cardinal Francisco de Toledo, également jésuite, qui était proche des papes. Vraisemblablement lors de son décès en 1596, ces litanies étaient pratiquées à la basilique Sainte-Marie-Majeure[lcc 3].
Dans les archives, il est difficile à trouver les documents pour les litanies de Lorette, si l'on cherche les manuscrits datés avant 1575. En ce qui concerne le domaine musical, en effet, la Sainte Maison de Lorette ne conservait pas de partitions. Alors que la trace de composition en polyphonie des Litanies des saints avait apparu à Naples chez les Franciscains dans les années 1480, de même les œuvres complètes n'existaient pas avant 1575[rk 6]. Et, Costanzo Porta, compositeur distingué mais également franciscain, arriva à Lorette en , en qualité de maître de chapelle[rk 1]. Sitôt installé, il composa, en faveur du samedi, des vigiles et des fêtes importantes, unes litanies mariales à 8 voix en double-chœur[rk 1], adaptées au chœur du sanctuaire comptant dix-huit chantres[rk 7]. À vrai dire, il s'agissait d'une composition selon les litanies dites Deiparæ ou Scriptura (Costanzo Porta, Litaniæ deiparæ Viriginis Mariæ ex Sacra Scriptura depromptæ, Venise 1575[rk 8]).
Toutefois, après cinq ans de service, Porta composa une autre œuvre, maintenant unes litanies de Lorette en 1580, avant de s'en aller vers Padoue. Cela était une composition à septe voix[rk 9]. Le recueil était dédié à Vincenzo Casale, gouverneur de la maison[rk 9]. La version de Lorette que le maître Porta laissa à cette ville en 1580 était en usage encore en 1585[rk 3],[lcc 4].
Quoiqu'il fût un prêtre de la congrégation de l'Oratoire, Tomás Luis de Victoria qui était très fidèle à la Contre-Réforme suivit en 1583 avec sa composition à 8 voix en double-chœur, avant de quitter Rome[rk 10]. L'œuvre d'un autre compositeur, Annibale Stabile[6], fut chantée en , et tous les samedis pendant le Carême. L'auteur et la pièce étaient si fortement liés aux Jésuites que sur la couverture de la partition, on constate le monogramme symbolique (christogramme) de cet ordre IHS[rk 10].
Avant que les litanies de Lorette ne connaissent son immense succès au XVIIe siècle, les Jésuites restaient son promoteur principal. Ainsi, Giovanni Battista Gnocchi, prêtre-compositeur de la basilique Santa Maria della Steccata à Parme, publia ses quatre litanies de Lorette en polyphonie en 1597 ainsi qu'une Scriptura. Sans doute s'agissait-il du premier recueil en Italie tandis que la publication était dédiée à une confrérie jésuite[rk 11].
L'édition de 1580 prit les deux versions ensemble, version actuelle et version précisant des textes bibliques (voir ci-dessus). Cette édition se commençait avec une dédicace à Vincenzo Casale, gouverneur pontifical de la Sainte Maison de Lorette[rk 9].
Reste que le pape Sixte V, originaire de Grottammare qui se situe non loin de Lorette, accorda une indulgence de deux cents jours aux fidèles récitant les litanies de Lorette, par une bulle pontificale datée du , qui accordait également trois cents jours d'indulgence avec les litanies du saint Nom de Jésus[7]. Donc, il s'agissait d'une approbation indirecte qui était attachée à son indulgence, ayant pour but de promouvoir les prières de fidèles. Il est à remarquer que la publication effectuée en 1590 (ci-dessus) était tout à fait adaptée à cette bulle : « Quique Litanias ejusdem Sanctissimi Nominis [Jesu] recitaverint, trecentos ; qui Litanias ejusdem Beatissimæ Virginis Mariæ, ducentos ...... et Domo Beatæ Mariæ Virginis usitatum recitentur. » (Sixte V, Reddituri de commiso Nobis grege Dominico, article 4, le [8]).
Or, ce Saint-Père, franciscain, provoqua un conflit avec les Jésuites. Aussitôt élu en 1585, il voulait que le nom de Jésus soit affecté à toute l'Église et à tous les religieux. En 1590, il expédia une autre bulle ordonnant aux membres de renoncer le nom Jésuites en faveur de Ignatiens selon son fondateur Ignace de Loyola. Il s'agissait du commencement de la fameuse suppression de la Compagnie de Jésus. En réponse, l'ordre commença à utiliser les litanies dans l'optique de faire annuler ce règlement[9].
Le Vatican subit encore un autre problème. Texte si populaire, ses variantes étaient, dans les années 1590 après l'approbation, nombreuses et considérables, surtout parmi les compositions musicales. Finalement, les congrégations auprès du Saint-Siège réussirent à maîtriser la situation. Un manuscrit de Giovanni Pierluigi da Palestrina, litanies à 8 voix, présente cette manœuvre délicate. Utilisé à la Cappella Giulia, ce manuscrit à la base d'un texte libre fut corrigé et corrigé, jusqu'à ce que soit établi le texte de Lorette authentique[rk 12].
Les chercheurs identifièrent, avec leurs études, dans le cadre de la Contre-Réforme du XVIe siècle, l'intention du Saint-Siège ayant pour but d'éliminer les litanies non convenables. Car, la forme des litanies avait tendance à évoluer sans limite et sans contrôle, en raison de sa structure et du manque d'autorisation concrète. D'où, Pie V, qui était le personnage principal de la reforme tridentine, dénonça, en 1571 avec son motu proprio ainsi que sa bulle Superni omnipotentis, la suppression de toutes les litanies mariales[rk 13]. Il s'agissait d'une réforme liturgique, qui autorisa un nouveau Officium Beatæ Mariæ Virginis remplaçant l'ancien office Horæ Beatissimæ Virginis Mariæ[cc 2].
Il semble que cette suppression ait provoqué une grosse confusion à la Sainte Maison de Lorette où l'on chantait les litanies tous les samedis. L'hypothèse est qu'aurait été créée la version dite Deiparæ ou Scriptura, qui était construite des textes bibliques et qui ne pouvait être modifiée que par les théologiens savants. Car il n'existe pas de trace, avant 1575, de cette version[lll 1]. Cela serait la raison pour laquelle Costanzo Porta composa en 1575, pour la première fois, les litanies de Scriptura en polyphonie[rk 8],[cc 2]. Or, le Saint-Siège aurait refusé de les utiliser à Rome, lorsque l'archidiacre de Loretto, Candiotti, avait demandé son autorisation de lettanie moderne[cc 3],[lcc 5].
Le motif de cette autorisation fut donné quasiment par hasard. En effet, les erreurs dans les missels romains publiés à Venise étaient tellement nombreuses que Clément VIII avait dû décider de prohiber ces publications (dans Index librorum prohibitorum). En examinant le sujet, le Saint-Père était maintenant conscient de l'existence de trop nombreuses litanies imprimées et de leur irrégularité, ceux que Pie V constatait déjà. En d'autres termes, Clément VIII trouva dans les litanies de nombreux textes inconvenables, révoltés et dangereux. Ces livres, libretti di litanie, avaient été publiés à Venise sans autorisation[lcc 6]. Finalement, il fit déclarer, le , le décret Sanctisimmus Dominus noster Clemens Papa VIII. Quoniam multi hoc tempore[11],[ajp 1],[lcc 7], qui interdit, afin de protéger correctement la dévotion et l'invocation des fidèles, toutes les litanies manquant l'examen et l'autorisation de la Sainte congrégation des Rites. Or, les litanies les plus anciennes que le Vatican considérait comme authentiques étaient admises. Il s'agissait de celles qui se trouvaient dans les bréviaires romains, missels romains, pontificaux romains, rituels romains et en particulier, des « Litaniis de Beata Virgine quæ in Sacra Æde Lauretana decantari solent (litanies de la Sainte Vierge qui sont habituellement chantées à la Sainte Maison de Lorette) »[12],[13],[14].
Sans doute, la similitude avec les Litanies des saints qui satisfaisait le critère était-elle appréciée par le Saint-Siège. Car, le décret indiquait qu'il ne faut reciter que ces litanies et celles de la Sainte Vierge[ajp 1]. En 1608, l'évêque et chapitre d'Alexandrie demanda au Vatican sa permission de chanter les litanies du Saint-Sacrement. La réponse de la congrégation des Rites était qu'elle n'avait coutume d'approuver d'autres litanies que les litanies ordinaires et celle de la Sainte Vierge de Lorette. La congrégation continua à refuser de nouveaux textes, même s'ils étaient imprimés, alors que les litanies de Lorette étaient toujours protégées[ajp 2].
Un bréviaire romain sorti en 1674 sous le pontificat de Clément X est le témoin qu'elles étaient chantées aux basiliques du Vatican, après la messe pour rendre grâce[15].
Dans les siècles suivants, le successeur de Clément VIII, Paul V accorda, au début de son pontificat en 1606, soixante jours d'indulgence aux fidèles, à condition d'assister au chant des litanies de Lorette dans les églises des Dominicains[16],[am 2].
En constatant que les litanies non autorisées étaient exécutées dans plusieurs établissements religieux, la congrégation de l'Index ordonna en 1727 de respecter le décret de Clément VIII[ajp 1]. Puis, le pape Benoît XIII attribua en 1728 des indulgences aux litanies de Lorette[17],[18]. En 1757, Benoît XIV confirma encore le décret de Clément VIII, en y précisant que toutes les litanies hormis celles des saints et celles de la Vierge Marie devaient être mises dans l'Index[ajp 1]. Par un décret daté du , Pie VII confirma ceux que Sixte V et Benoît XIII accordaient et évolua encore leurs indulgences[19].
En précisant ces indulgences, la congrégation des Indulgences remarquait en 1878 que les litanies de Lorette peut être recitées, en facultatif, afin de terminer le rosaire[19]. Cette précision fut suivie de la lettre encyclique de Léon XIII Supremi Apostolatus Officio, datée du , dans laquelle le Saint-Père demanda, du au inclus, de réciter le rosaire et les litanies de Lorette. Dans l'optique de promouvoir les offices du rosaire, cette pratique spirituelle était chargée à toutes les paroisses ainsi que recommandée, si chaque autorité préférait, aux établissements dédiés à la Sainte Vierge[20].
Les litanies de la Sainte Vierge sont aujourd'hui l'une des litanies admises dans la liturgie catholique, avec celles qui furent autorisées plus tard, les litanies du Saint-Nom de Jésus (1886), les litanies du Sacré-Cœur (1899), les litanies de Saint Joseph (1909) et les litanies du Précieux-Sang (1960)[21]. Avec les litanies des saints, plus anciennes, ce sont les six litanies autorisées par le Saint-Siège jusqu'ici (voir aussi Modifications de texte aux litanies).
Aussitôt autorisées par le Saint-Siège, les litanies intéressaient et charmaient les musiciens. Au XVIIe siècle en Italie, la composition de ces litanies devint un véritable phénomène[dab 5]. De nombreux musiciens italiens lassèrent leurs œuvres. Selon l'étude de David Anthony Blazy (1990), il est vraisemblable que la création musicale de ce texte était habituelle en Italie pour tous ceux qui y pratiquaient la composition. On compte 212 musiciens italiens qui composèrent au moins unes litanies de Lorette entre 1601 et 1700[dab 6], avec vers 300 publications[dab 7].
Cette popularité exceptionnelle peut être expliquée par une structure symétrique, logique et assez simple de la version actuelle. D'où, il n'était pas difficile que les compositeurs maîtrisent ce texte. De surcroît, les litanies de Lorette est, pour les célébrants, plus facile à chanter entièrement par cœur[rk 14].
Il faut ajouter une autre raison. Le sanctuaire de Lorette attirait même les musiciens. Ainsi en 1585, Roland de Lassus effectua son pèlerinage, en raison duquel il commença à composer ses litanies assez nombreuses[rk 15]. Plus précisément, ses Litania Beatæ Mariæ Virginis ex sacra scriptura avaient été écrites avant 1581 tandis que Lassus composa douze œuvres de litanies laurentanæ à la suite de ce pèlerinage[rk 3],[3]. Ces compositions vraiment florissantes étaient, d'ailleurs, liées au profit de ses patrons, la maison de Wittelsbach et les Jésuites, qui restaient de grands souteneurs des litanies de Lorette[rk 3].
Certaines publications de ce siècle indiquaient que les litanies de Lorette étaient également chantées tant après quelques offices (Tierce, Vêpres, Complies) qu'à la fin de la messe. En ce qui concerne les vêpres, 80 % de publications plaçaient les litanies juste après le cantique Magnificat, ce qui présente l'importance de ces litanies[dab 8].
Il existait plusieurs raisons pour lesquelles les litanies de Lorette devinrent populaires. Il est à remarquer deux événements principaux qui favorisèrent profondément sa pratique. D'une part, la Contre-Réforme recommandait l'usage de ces litanies pour la dévotion adressée à la Sainte Marie, ce que les protestants n'admettent pas en tant que dogme. D'autre part, il ne faut pas oublier le dégât de l'épidémie de peste en Italie de 1629-1631 qui dévasta ce pays. Ainsi à Venise, dès le , les litanies furent exécutées durant une semaine, en dévotion à la Notre Dame de Nicopeia. La procession s'accompagnait des litanies chantées en double-chœur à partir de la basilique Saint-Marc[dab 9]. On constate une augmentation importante de publications après cette période de peste, dont la qualité des œuvres était supérieure[dab 10]. D'ailleurs, cette pandémie promut l'office du Saint-Sacrement faisant pratiquer les litanies[dab 11].
Dans la liturgie, l'utilisation évolua encore. L'office de l'Immaculée Conception, qui avait été autorisé le par le pape Paul V, officialisa l'usage à la fin des complies avec l'antienne Sub tuum præsidium[dab 12]. Cette pratique fut établie notamment pour le samedi tandis qu'en beneficiaient toutes les fêtes dédiées à la Sainte Vierge[dab 11]. Par ailleurs, la congrégation de l'Oratoire les utilisait en faveur des exercices spirituelles[dab 11].
En résumé, chanter les litanies de Lorette avait lieu, tant dans la célébration publique telle la procession qu'auprès de l'assemblée pour la dévotion particulière telles les confréries[dab 11].
Les litanies de Lorette se réservent toujours aux célébrations solennelles.
Notamment en , celles-ci étaient chantées chaque jour, à la fin du dit marathon de prière, qui était effectué selon l'intention du pape François souhaitant la disparition de la pandémie de Covid-19. En effet, dans la lettre apostolique Rosarium Virginis Mariæ datée du , Jean-Paul II recommandait l'antienne Salve Regina et les litanies de Lorette en faveur de terminer la prière du rosaire. Le Saint-Père polonais expliquait : « la splendide prière des Litanies de Lorette », « c'est le couronnement d'un chemin intérieur, qui a conduit le fidèle à un contact vivant avec le mystère du Christ et de sa Mère très sainte »[22].
Texte latin[19] | Texte français[23],[24] |
---|---|
Kyrie eleison. | Seigneur, ayez pitié de nous. |
Christe eleison. | Jésus-Christ, ayez pitié de nous. |
Kyrie eleison. | Seigneur, ayez pitié de nous. |
Christe audi nos. | Jésus-Christ, écoutez-nous. |
Christe exaudi nos. | Jésus-Christ, exaucez-nous. |
Pater de cœlis Deus,
miserere nobis. |
Père céleste, qui êtes Dieu,
ayez pitié de nous. |
Fili redemptor mundi Deus,
miserere nobis. |
Fils, rédempteur du monde, qui êtes Dieu,
ayez pitié de nous. |
Spiritus Sancte Deus,
miserere nobis. |
Esprit Saint, qui êtes Dieu,
ayez pitié de nous. |
Sancta Trinitas unus Deus,
miserere nobis. |
Trinité Sainte, qui êtes un seul Dieu,
ayez pitié de nous. |
Sancta Maria, ora pro nobis. | Sainte Marie, priez pour nous. |
Sancta Dei Genitrix, ora pro nobis. | Sainte Mère de Dieu, priez pour nous. |
Sancta Virgo Virginum, ora pro nobis. | Sainte Vierge des Vierges, priez pour nous. |
Mater Christi, ora pro nobis. | Mère du Christ, priez pour nous. |
Mater Ecclesiæ, ora pro nobis (1964). | Mère de l’Église, priez pour nous. |
Mater misericordiæ, ora pro nobis (2020). | Mère de miséricorde, priez pour nous. |
Mater Divinæ Gratiæ, ora pro nobis. | Mère de la divine grâce, priez pour nous. |
Mater spei, ora pro nobis (2020). | Mère de l’espérance, priez pour nous. |
Mater purissima, ora pro nobis. | Mère très pure, priez pour nous. |
Mater castissima, ora pro nobis. | Mère très chaste, priez pour nous. |
Mater inviolata, ora pro nobis. | Mère sans tache, priez pour nous. |
Mater intemerata, ora pro nobis. | Mère toujours vierge, priez pour nous. |
Mater amabilis, ora pro nobis. | Mère aimable, priez pour nous. |
Mater admirabilis, ora pro nobis. | Mère admirable, priez pour nous. |
Mater boni consilii, ora pro nobis (1903). | Mère du bon conseil, priez pour nous. |
Mater Creatoris, ora pro nobis. | Mère du Créateur, priez pour nous. |
Mater Salvatoris, ora pro nobis. | Mère du Sauveur, priez pour nous. |
Virgo prudentissima, ora pro nobis. | Vierge très prudente, priez pour nous. |
Virgo veneranda, ora pro nobis. | Vierge vénérable, priez pour nous. |
Virgo prædicanda, ora pro nobis. | Vierge digne de louange, priez pour nous. |
Virgo potens, ora pro nobis. | Vierge puissante, priez pour nous. |
Virgo clemens, ora pro nobis. | Vierge clémente, priez pour nous. |
Virgo fidelis, ora pro nobis. | Vierge fidèle, priez pour nous. |
Speculum justitiæ, ora pro nobis. | Miroir de justice, priez pour nous. |
Sedes sapientiæ, ora pro nobis. | Siège de la sagesse[24], priez pour nous. |
Causa nostræ lætitiæ, ora pro nobis. | Cause de notre joie, priez pour nous. |
Vas spirituale, ora pro nobis. | Vase spirituel, priez pour nous. |
Vas honorabile, ora pro nobis. | Vase d'honneur, priez pour nous. |
Vas insigne devotionis, ora pro nobis. | Vase insigne de la dévotion, priez pour nous. |
Rosa mystica, ora pro nobis. | Rose mystique, priez pour nous. |
Turris Davidica, ora pro nobis. | Tour de David, priez pour nous. |
Turris eburnea, ora pro nobis. | Tour d'ivoire, priez pour nous. |
Domus aurea, ora pro nobis. | Maison d'or, priez pour nous. |
Fœderis arca, ora pro nobis. | Arche d'alliance, priez pour nous. |
Janua cœli, ora pro nobis. | Porte du ciel, priez pour nous. |
Stella matutina, ora pro nobis. | Étoile du matin, priez pour nous. |
Salus infirmorum, ora pro nobis. | Santé des infirmes, priez pour nous. |
Refugium peccatorum, ora pro nobis. | Refuge des pécheurs, priez pour nous. |
Solacium migrantium, ora pro nobis (2020). | Réconfort des migrants, priez pour nous. |
Consolatrix afflictorum, ora pro nobis. | Consolatrice des affligés, priez pour nous. |
Auxilium christianorum, ora pro nobis. | Secours des chrétiens, priez pour nous. |
Regina Angelorum, ora pro nobis. | Reine des Anges, priez pour nous. |
Regina Patriarcharum, ora pro nobis. | Reine des Patriarches, priez pour nous. |
Regina Prophetarum, ora pro nobis. | Reine des Apôtres, priez pour nous. |
Regina Apostolorum, ora pro nobis. | Reine des Prophètes, priez pour nous. |
Regina Martyrum, ora pro nobis. | Reine des Martyrs, priez pour nous. |
Regina Confessorum, ora pro nobis. | Reine des Confesseurs, priez pour nous. |
Regina Virginum, ora pro nobis. | Reine des Vierges, priez pour nous. |
Regina Sanctorum omnium, ora pro nobis. | Reine de tous les Saints, priez pour nous. |
Regina sine labe originali concepta, ora pro nobis (1839/1883). | Reine conçue sans le péché originel, priez pour nous. |
Regina in cælum assumpta, ora pro nobis (1950). | Reine élevée aux cieux, priez pour nous. |
Regina Sacratissimi Rosarii, ora pro nobis (1883). | Reine du très Saint Rosaire, priez pour nous. |
Regina familiae, ora pro nobis (1995). | Reine des familles, priez pour nous. |
Regina pacis, ora pro nobis (1915/1917). | Reine de la paix, priez pour nous. |
Agnus Dei qui tollis peccata mundi,
parce nobis, Domine. |
Agneau de Dieu, qui effacez les péchés du monde
pardonnez-nous, Seigneur. |
Agnus Dei qui tollis peccata mundi,
exaudi nos, Domine. |
Agneau de Dieu, qui effacez les péchés du monde
exaucez-nous, Seigneur. |
Agnus Dei qui tollis peccata mundi,
miserere nobis. |
Agneau de Dieu, qui effacez les péchés du monde
ayez pitié de nous. |
A: Sub tuum præsidium[br 1]… | A: Sous l'abri de ta miséricorde … (antienne facultative) |
℣: Ora pro nobis, sancta Dei Genitrix. | ℣: Priez pour nous Sainte Mère de Dieu. |
℟:Ut digni efficiamur promissionibus Christi. | ℟: Afin que nous devenions dignes des promesses du Christ. |
En ce qui concerne la version officielle selon le rite tridentin, voir la publication sous le pontificat de Clément X (1674) Publications anicennes.
Pour les fidèles catholiques, les modifications effectuées à partir de 1883 doivent être respectées, car elles furent tenues à la suite de l'adoption de nouveaux dogmes (voir aussi Modifications de texte aux litanies).
Les litanies de Lorette se compose de huit parties desquelles de nombreux termes se trouvent dans d'autres sources de l'époque[25] :
Après l'interdiction des litanies non autorisées, laquelle fut déclarée en 1601, le Saint-Siège ne souhaitait aucun changement. Toutefois, au XIXe siècle, le Vatican commença à les faire évoluer :
Il se fut agi d’abord d'approuver quatre nouvelles litanies. Ensuite, les litanies de Lorette connurent des évolutions successives dans leur texte, à la suite de celle des dogmes théologiques.
Aussi, les litanies de Lorette ne sont-elles pas des prières figées dans le temps. Au contraire, elles sont toujours renouvelées, il s'agit d'une confession catholique et théologique de laquelle l'Église recommande aux fidèles en hommage à la Vierge Marie, avec de petits mots, mais les mots dogmatiques les plus importants. Elles respectent autant la tradition depuis le début du christianisme que la pensée de l'Église vivante.
58 estampes de Lucchesini d’après les gravures des Frères Klauber pour la deuxième édition espagnol de l’ouvrage Letania Lauretana de 1768 :
|
Aucune composition avant 1580 n'est connue[rk 16].