Vol Air France 4590
F-BTSC, le Concorde impliqué, ici à l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle en 1982, soit 18 ans avant l'accident.
F-BTSC, le Concorde impliqué, ici à l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle en 1982, soit 18 ans avant l'accident.
Caractéristiques de l'accident
Date
TypeIncendie lors du décollage
CausesRoulage sur une lamelle métallique présente sur la piste
SiteGonesse, Val-d'Oise
Coordonnées 48° 59′ 08″ nord, 2° 28′ 20″ est
Caractéristiques de l'appareil
Type d'appareilConcorde
CompagnieAir France
No  d'identificationF-BTSC
Lieu d'origineAéroport de Paris-Charles-de-Gaulle, France
Lieu de destinationAéroport international de New York - John-F.-Kennedy, États-Unis
PhaseDécollage
Passagers100
Équipage9
Morts113 (dont 4 au sol)
Blessés6 au sol
Survivants0

Géolocalisation sur la carte : France
(Voir situation sur carte : France)
Vol Air France 4590
Géolocalisation sur la carte : Île-de-France
(Voir situation sur carte : Île-de-France)
Vol Air France 4590

L'accident du Concorde s'est produit le à Gonesse, en Île-de-France, quand le Concorde effectuant un vol charter (Air France 4590) à destination de New-York s'est écrasé sur un hôtel, une minute et vingt-huit secondes après son décollage de Paris-Charles-de-Gaulle.

Une lamelle métallique sur la piste a entraîné l'éclatement d'un pneu, un incendie et la perte de deux des réacteurs, provoquant la mort de 113 personnes présentes à bord : les 100 passagers (dont 96 Allemands) et neuf membres d'équipage, ainsi que quatre personnes au sol.

Il s'agit du seul accident mortel ayant impliqué un Concorde.

Avion

L'avion impliqué était un Concorde âgé de 25 ans et immatriculé F-BTSC (numéro de série 203), qui avait effectué son vol inaugural le (lors des essais, l'immatriculation de l'avion était F-WTSC). L'avion fut loué à Air France le , avant de rejoindre à temps plein la flotte de la compagnie aérienne en 1980. Il était propulsé par quatre turboréacteurs Rolls-Royce Olympus 593/610, chacun étant équipé d'un dispositif de réchauffage intégré. La dernière réparation programmée de l'avion avait eu lieu le , quatre jours avant l'accident ; aucun problème n'avait alors été signalé pendant la réparation. Au moment de l'accident, il totalisait 11 989 heures de vol et avait effectué 4 873 cycles (décollage/atterrissage).

Accident

Quatre-vingt-dix secondes après le décollage depuis la piste 26R de l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle, le vol 4590 s'écrase sur l'Hotelissimo, à côté de l'hôtel-restaurant Les Relais Bleus, au lieu-dit de La Patte d'Oie de Gonesse, à quelques centaines de mètres des habitations[1],après un changement de cap de près de 180°.

Le vent soufflant à l'aéroport était léger et de direction variable ce jour-là, et a été signalé à l'équipage du poste de pilotage comme un vent arrière de huit nœuds (15 km/h) alors qu'ils s'alignaient sur la piste 26R.

L'équipage a tenté de se dérouter vers l'aéroport de Paris-Le Bourget, situé à proximité, mais les enquêteurs ont déclaré qu'un atterrissage en toute sécurité aurait été très peu probable, compte tenu de la trajectoire de vol et de la perte rapide d'altitude de l'avion après le décollage.

Victimes

À bord de l'appareil

Tombe de l'hôtesse de l'air Huguette Le Gouadec au cimetière de Passy.

Les neuf membres d'équipage et les 100 passagers sont morts sur le coup dans l'accident. Ils ont tous été identifiés par l'Institut de recherche criminelle de la Gendarmerie nationale (IRCGN). Tous les passagers, sauf quatre, étaient des Allemands originaires de Mönchengladbach, qui allaient à New York prendre le bateau de croisière MS Deutschland pour les Caraïbes dans le cadre d'un voyage organisé.

Nationalité Passagers Équipage Total
Drapeau de l'Allemagne Allemagne 96 1 97
Drapeau de la France France 0 8 8
Drapeau du Danemark Danemark 2 0 2
Drapeau de l'Autriche Autriche 1 0 1
Drapeau des États-Unis États-Unis 1 0 1
Total 100 9 109

Personnel navigant technique

Au sol

Il y eut 4 tués dans l'hôtel Hotelissimo de Gonesse, presque vide à cette heure de la journée (16 h 45)[4].

Nationalité Total
Drapeau de la Pologne Pologne 2
Drapeau de l'Inde Inde 1
Drapeau de l'Algérie Algérie 1
Total 4

Le gérant, un autre employé et une cliente, guide touristique britannique (qui a sauté du 1er étage dans les bras du gérant au moment du crash), présents dans l'hôtel, survivent[5],[4].

Témoignages

L'appareil en flamme fut photographié par plusieurs témoins : un spotter hongrois[6], un touriste japonais[7] et un couple de routiers espagnols circulant sur l'autoroute proche[8],[9].

Trois pompiers de l'aéroport ont témoigné avoir vu un cône de flammes avec d'épaisses fumées sur le côté gauche de l'avion, relativement tôt, pendant le décollage.

Rapport d'enquête

N13067, le DC-10 impliqué dans l'accident du vol 4590, vu en 1996 à l'aéroport d'Ōita.

Selon le rapport final établi par le Bureau d'enquêtes et d'analyses (BEA), l'accident fait suite à une collision entre le pneu avant droit du train principal gauche et une lamelle métallique en titane de 43 centimètres de long, qui provient du capot de l'inverseur de poussée d'un moteur. Cette lamelle provient d'un avion qui avait décollé cinq minutes avant le Concorde, un McDonnell Douglas DC-10, immatriculé N13067, effectuant le vol 55 de Continental Airlines qui reliait l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle à l'aéroport international Liberty de Newark, à New York. Un mécanicien de la même compagnie à Houston (le chaudronnier John Taylor) avait remplacé cette pièce normalement en acier inoxydable par une en titane plus résistante, mal découpée et fixée par un mastic non spécifié[5],[10].

La séquence des événements telle qu'exposée dans le rapport du BEA aurait été la suivante :

Une interruption du décollage aurait conduit à une sortie en bout de piste à grande vitesse. Dans ces conditions, les trains d'atterrissage se seraient brisés net et, avec l'incendie qui faisait rage sous l'aile gauche, l'avion se serait immédiatement embrasé. Dans son rapport, le Bureau d'Enquêtes et d'Analyse souligne que, même avec une poussée nominale sur les deux côtés, l'intensité du feu, entraînant un endommagement de l'aile gauche et des gouvernes, aurait conduit à la perte rapide de l'avion.

Le BEA estime par ailleurs dans son rapport que l'impossibilité de rentrer le train a contribué à l'accrochage et la stabilisation de la flamme sous l'aile gauche.

Autres hypothèses

La thèse de l'éclatement du pneu à cause de la lamelle métallique fut contestée.

Lors du procès au pénal intenté contre Continental Airlines, l'avocat de cette compagnie a expliqué que vingt-huit personnes auraient vu l’avion prendre feu bien avant de passer sur la lamelle et s'est plaint qu'on aurait tenté de dissimuler la vérité[11].

Le magazine Spécial investigation dans son émission nommée « Concorde – Le crash d'un mythe », diffusée le sur Canal+ émit l'hypothèse que l'éclatement du pneu n'aurait pas été provoqué par la lamelle métallique mais par un défaut sur la piste. Il s'appuie sur des témoignages de pompiers, pilotes et personnel de l'aéroport qui affirment que le Concorde était déjà en feu près d'un kilomètre avant l'endroit où a été retrouvée la lamelle incriminée par l'enquête du BEA. Le documentaire affirme que l'appareil était en surcharge d'environ 1,5 tonne et qu'une entretoise manquait depuis plusieurs jours sur le train d'atterrissage dont un pneu a éclaté.

Mais cette absence de l'entretoise et la surcharge figurent dans le rapport officiel du BEA, elles ont été analysées et jugées sans effet sur l'accident. L'écart d'un kilomètre revendiqué par le documentaire est également sujet à caution : la distance correspond en fait à celle qui sépare le défaut de raccord sur la piste et le lieu où la lamelle a été retrouvée (après le passage de l'avion). Le documentaire dit que des témoignages ont été ignorés par le rapport officiel mais, dans l'annexe 6 du rapport du BEA, figurent ceux de pompiers et d'un commandant de bord proches de la scène qui ont entre autres orienté les conclusions de l'analyse sur le départ de feu. Enfin le documentaire n'évoque pas les traces et débris d'élastomère retrouvés sur la lamelle et correspondant à la matière du pneumatique de Concorde.

L'hypothèse d'un attentat manqué contre le président de la République française Jacques Chirac fut aussi évoquée puis abandonnée[Note 1]. En effet, l'avion le ramenant d'un sommet du G8 à Tokyo, venait de se poser quelques minutes avant le décollage du Concorde. L'avion présidentiel s'arrêta même, dans son roulage vers le terminal, pour laisser le passage au Concorde sur la piste d'envol. Plusieurs passagers de l'avion présidentiel auraient d'ailleurs aperçu l'épaisse fumée s'échapper des réacteurs du Concorde[12].

Chronologie

Résumé des dialogues et communications radios enregistrés par les boîtes noires[13] :

Antécédents

Des incidents similaires (dont 57 éclatements de pneus) s'étaient déjà produits, notamment au décollage de Dakar le (l'avion ayant roulé sur une canette de bière qui fait éclater un pneu) et de Washington le (un pneu éclaté endommage les réservoirs d'un Concorde). Le même incident s'est produit 5 fois dans les années 1980-1990. Le pilote dut effectuer un demi-tour après l'éclatement d'un pneu ayant perforé l'intrados de l'aile, laissant s'échapper du kérosène, heureusement sans inflammation[14].

Conséquences

Mémorial à Gonesse.

Le ministre des Transports, Jean-Claude Gayssot, décida le jour même de l'accident d'interdire les vols suivants de Concorde. Le Bureau d'enquêtes et d'analyses fut chargé de déterminer les causes de l'accident dans un but de prévention.

Dans les jours qui ont suivi, les certificats de navigabilité des Concorde ont été suspendus, ce qui a entraîné l'interruption des vols de British Airways entre Londres et les États-Unis. Ils n'ont été rétablis qu'après diverses modifications techniques effectuées sur tous les appareils, notamment pose de revêtement en Kevlar à l'intérieur des réservoirs, renforcement de la protection des circuits électriques au niveau des trains principaux et installation de pneus plus stables Michelin NZG (Near Zero Growth). Une dizaine de places à bord furent supprimées.

Le Concorde vole à nouveau à partir de , mais la structure de l'avion vieillissant, Air France et British Airways décident le 23 avril 2003, d'un commun accord, d'en arrêter l'exploitation en 2004. Cependant, le trafic aérien mondial connaissait une grave crise depuis les attentats du 11 septembre 2001 en termes de sécurité, et s'ajoutaient de nouvelles normes contre la pollution, le bruit, sans compter la hausse du prix du kérosène. Mais la raison essentielle vient de la décision d'EADS de ne plus assurer l'entretien du supersonique à partir d'octobre 2003[15].

Une stèle a été érigée sur la commune de Mitry-Mory en Seine-et-Marne, près des pistes de l'aéroport afin de rendre hommage aux victimes.

Procès

Les restes du Douglas DC-10 N13067 à Mojave (Californie), en 2012.

Lors des poursuites judiciaires engagées, personne n'a été reconnu coupable pénalement (Claude Frantzen, ancien dirigeant de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) et Henri Perrier, directeur du programme Concorde de 1978 à 1994 ont été relaxés en première instance, John Taylor, chaudronnier mécanicien de la Continental Airlines condamné en première instance à 15 mois de prison avec sursis, a été relaxé) mais la compagnie Continental Airlines a été reconnue civilement responsable du crash pour « faute de négligence dans la maintenance » par la cour d'appel de Versailles le et condamnée à payer 1 million d'euros de dommages et intérêts à Air France pour son préjudice d'image[16].

Médias

Bibliographie

Documentaires télévisés

Notes et références

Notes

  1. Le , l'hebdomadaire français L'Express dévoile son enquête : Vincent Nouzille, « Enquête sur un incroyable crash », sur lexpress.fr, .

Références

  1. AFP, « A Gonesse, les habitants se souviennent du jour où "le Concorde est tombé" », sur ladepeche.fr, La Dépêche, (consulté le ).
  2. (en) Norris McWhirter, The Guinness book of records, Guinness Superlatives, , 35e éd., 310 p. (ISBN 0-85112-878-5 et 978-0-85112-878-8, présentation en ligne).
  3. « °99-decembre-2011 Newsletter ENAC - n°99 / Décembre 2011 »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?), sur le site enac.fr du 2 janvier 2012, consulté le 3 février 2015.
  4. a et b Témoin du crash du Concorde, Patrick Tesse a cru mourir, sur le site nordeclair.fr du 26 juillet 2010.
  5. a et b « La Minute de vérité - S01 E01 - Le Crash Du Concorde - Vol Air France 4590 - vidéo Dailymotion », sur Dailymotion, (consulté le ).
  6. « Un amateur prend la photo qui a fait toutes les unes », sur Libération, . La photo est visible ici.
  7. Photographie du Concorde au décollage.
  8. « Crash du Concorde à Gonesse (Soir 3) », sur Archive INA, YouTube,
  9. « Evénement rare, le Concorde en flammes a pourtant été observé sous tous les angles », sur Le Temps,
  10. (en) Clarence Rodrigues, Stephen Cusick, Commercial Aviation Safety, McGraw Hill Professional, , p. 131.
  11. Procès Concorde : Continental coupable, Yannick Vely, Paris Match en ligne, 6 décembre 2010.
  12. Chirac a assisté au crash en direct, sur le site liberation.fr du 26 juillet 2000, consulté le 3 février 2015.
  13. Air France - Concorde Paris, France 25 juillet 2000e, sur le site 1001crash.com, consulté le 3 février 2015.
  14. (en) Tracy Irons-Georges, Encyclopedia of Flight. Accident investigation, Salem Press, , p. 192.
  15. Xavier Massé (préf. Henri Gilles Fournier), Avion Concorde : de l'évocation en 1943 au dernier vol en 2003, Paris, NEL, coll. « Dossiers aéronautiques », 2004, p. 155.
  16. Crash du Concorde, la justice se prononce en appel, sur le site lemonde.fr du 29 novembre 2012.
  17. Non trouvé le 3 février 2015, sur le site direct8.fr
  18. Vidéo et transcription sur msnbc.msn.com
  19. Non trouvé le 3 février 2015, AFP, 20 janvier 2010.
  20. « Le Concorde - La fin tragique du supersonique - Regarder le documentaire complet », sur ARTE (consulté le ).

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes