Autre nom |
Problème jurassien Conflit jurassien Révolution jurassienne |
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Date | depuis le |
Lieu |
Suisse : |
Cause |
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Résultat |
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Décisions du Congrès de Vienne relatives à la Suisse | |
Signature de l'Acte de réunion | |
Rattachement de l'ancienne République rauracienne au canton de Berne | |
Serment de Morimont | |
Idée de séparation | |
de à | Kulturkampf |
entre et | Fondations de plusieurs mouvements séparatistes |
9- | « Affaire Moeckli » |
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Création du groupe séparatiste du Mouvement séparatiste jurassien | |
Reconnaissance constitutionnelle d’un «peuple jurassien de langue française» | |
Création du groupe antiséparatiste de l’Union des patriotes jurassiens | |
Refus, par votation populaire, de l'organisation d'une consultation sur l'autonomie du Jura |
« Affaire Berberat » | |
d' à | Attentats du Front de libération jurassien |
Manifestation aux Rangiers | |
Création du mouvement séparatiste Laufonnais Laufen zu Basel | |
Rapport de la « Commission des Vingt-quatre » | |
Rapport de la « Commission des bons offices » | |
Acceptation, par votation populaire, de l'additif constitutionnelles sur l'organisation d'un plébiscite jurassien |
1er Plébiscite : approbation sur la création du canton du Jura | |
2e Plébiscite : les trois districts sud maintiennent leur appartenance au canton de Berne | |
2e Plébiscite : le district de Laufon maintient son appartenance au canton de Berne | |
entre le et le | 3e Plébiscite : dix communes changent de canton |
Inauguration de l'Assemblée constituante jurassienne | |
Acceptation, par votation populaire, de la Constitution jurassienne | |
Demande, par votation populaire, du Laufonnais de changer de canton | |
Acceptation, par votation populaire fédérale, à l’accession du Jura au rang de 23e canton |
La République et canton de Jura entre en souveraineté | |
Demande, par consultations populaires, du Laufonnais de rejoindre le canton de Bâle-Campagne | |
Refus, par votation populaire, du Laufonnais de rejoindre Bâle-Campagne et maintient son appartenance au canton de Berne | |
Du au | Scandale des « Caisses Noires bernoises » et annulation de la votation de Laufon |
Acceptation, par votation populaire, du Laufonnais de rejoindre le canton de Bâle-Campagne | |
Acceptation, par votation populaire fédérale, au changement de canton du Laufonnais | |
Le district de Laufon rejoint le canton de Bâle-Campagne |
Rapport de la « Commission Widmer » | |
Accord Berne-Jura | |
Vellerat rejoint le canton du Jura | |
Rapport de l’Assemblée interjurassienne | |
Refus, par consultation populaire, sur une réunification entre le Jura et le Jura bernois | |
Date prévue du changement de canton pour la ville de Moutier |
En Suisse, la Question jurassienne est liée au conflit entre le peuple jurassien et le canton de Berne.
Elle se manifeste par de nombreux événements conflictuels tant culturels, religieux que sociaux depuis la réunion de l'ancien Évêché de Bâle, décidée au Congrès de Vienne, au canton de Berne. Ces événements prennent une intensité exceptionnelle dans la seconde moitié du XXe siècle et débouchent notamment sur la création en de la République et Canton du Jura par la séparation du canton de Berne.
Les milieux séparatistes (partisans du rattachement du Jura bernois au canton du Jura) estiment que le conflit n'est pas résolu pour autant. La Question jurassienne tourne depuis autour des possibles rattachements des communes du Jura bernois au canton du Jura.
En l'an , Rodolphe III de Bourgogne offre l'Abbaye de Moutier-Grandval et ses dépendances à l'Évêché de Bâle[1].
Jusqu'au début du XIIIe siècle, les princes-évêques de Bâle exercent à la fois un pouvoir temporel et spirituel sur ces régions, même s'ils n'ont jamais pu maintenir une unité forte sur l'ensemble de leurs terres. Entre le XIIIe siècle et le XVe siècle la ville de Berne, poursuivant sa politique expansionniste, conclut des alliances avec les bourgeoisies de plusieurs villes du sud de l'évêché, qui par la suite se transformèrent en traités de combourgeoisie. Ces derniers garantissent un engagement militaire mutuel entre les entités en cas de conflit[1]. Ces alliances affaiblissent le pouvoir temporel des princes-évêques sur plusieurs villes : Berne conclut un traité de combourgeoisie avec Bienne en , La Neuveville en et Moutier en , à la suite d'un différend religieux et amenant la religion réformée dans ces villes[2],[3],[4],[N 2].
La Réforme arrive dans ces régions en même temps qu'elle s'étend dans le reste de la Suisse. En , la Réforme conquiert Bâle où le prince-évêque, Jacques-Philippe de Gundelsheim, est contraint de se réfugier au château de Porrentruy. Deux années plus tard, Guillaume Farel se rend à Tavannes où il commence l'établissement du protestantisme que les paroisses de la vallée adoptent rapidement[5].
Le , Jacques Christophe Blarer de Wartensee est élu prince-évêque de Bâle. Il rénove complément le château entre 1590 et 1597. Il crée également, à Porrentruy, le Collège des Jésuites et assura la fondation d'une imprimerie. La ville connut alors une ère de prospérité[6]. Ce dernier lance une contre-réforme afin de réunifier politiquement et religieusement son évêché[7],[8]. Afin de contrer les effets de la réforme protestante, après les condamnations du concile de Trente, dans son diocèse, il noue, avec l'aide des Capucins et des Jésuites une alliance avec les cantons catholiques sous la forme d'un traité d'assistance mutuelle signé officiellement à Lucerne le et solennellement juré à Porrentruy le [9]. Après avoir récupéré les seigneuries hypothéquées et les biens du chapitre dans la ville de Bâle, il recatholicise la ville de Porrentruy puis les différents bailliages. Devant les protestations de la ville de Bâle, un arbitrage fédéral est convoqué, qui donne raison au prince-évêque en supprimant les combourgeoisies des vallées de Laufon, de Delémont et des Franches-Montagnes et en condamnant la ville à lui verser 200 000 florins à titre de dédommagement, ce qui va provoquer la guerre du Rappen quelques années plus tard[9]. En , il tente de passer un accord équivalent avec Berne proposant que la ville de Bienne passe sous contrôle bernois en l'échange de la prévôté de Moutier-Grandval afin d'y réintroduire le catholicisme[10]. Mais Bienne, tout comme les cantons catholiques, ayant eu connaissance de cette négociation, proteste avec véhémence[N 3]. Ce n'est qu'en qu'un traité régla le problème : Bienne confirme son allégeance au Prince[9]. Dans les bailliages du sud toutefois, les tentatives de reconquête catholique échouèrent[10].
En , la France s'empare des territoires de la Principauté épiscopale de Bâle, vassal du Saint-Empire romain germanique. Est proclamée, le , la République rauracienne, l'une des républiques sœurs, et regroupe les actuels districts de Delémont, Porrentruy, Franches-Montagnes, La Courtine, Laufon et le Birseck[11]. Elle est dissoute le et annexée le par la France pour former le département du Mont-Terrible, à l'exception du bailliage de Schliengen situé outre-Rhin[11].
Les régions protestantes du sud (où une majorité d'anabaptistes avaient fui les persécutions des villes et régions du Plateau suisse, créant de ce fait une minorité alémanique non négligeable), sont épargnées du fait de leurs alliances avec la Confédération suisse (notamment Berne et Fribourg). Cette neutralité prend fin avec l'invasion de la Suisse par Napoléon en . Ces régions et la ville de Bienne sont rattachées au département du Mont-Terrible[12],[13]. Le , le Mont-Terrible est dissout et ses territoires sont rattachés au département du Haut-Rhin[14].
La défaite de Napoléon provoque une redistribution des territoires européens[14]. Lors des négociations du Congrès de Vienne, le territoire jurassien, appelé « Principauté de Porrentruy », était représenté par Melchior Delfils et Conrad de Billeux. Leurs revendications, comme celles de la ville de Bienne ainsi que les grandes familles de Delémont et de Courtelary, est la création d'un canton indépendant, si possible dirigé par le prince-évêque de Bâle. Cependant, les délégations suisses ne tiennent pas compte de ce souhait car très préoccupées par l'esprit revanchard du canton de Berne ayant perdu le Pays de Vaud et la Basse-Argovie qui ont accédé à leur indépendance cantonale en [15]. Après neuf mois de négociations, le Congrès de Vienne rend ses décisions relatives à la Suisse le . Outre, la neutralité perpétuelle de la Suisse, le rattachement de la République de Genève, de la Principauté de Neuchâtel et de l'ancienne République rhodanienne sous forme de cantons à la Suisse, il est également décidé de rattacher la « Principauté de Porrentruy » au canton de Berne et le territoire de Birseck et Pfeffingen au canton de Bâle[16].
Accompagné des territoires, un Acte de réunion est rédigé pour chacun des deux cantons. Pour Berne, l'Acte contient vingt-cinq articles : Neuf articles concernaient la garantie de la religion catholique comme culte public dans les communes où elle était établie (question de l'évêché, enseignement religieux, choix et rémunération des curés, pension du prince-évêque). D'autres traitaient la situation juridique des Jurassiens, la liberté de religion pour les anabaptistes, le maintien ou la suppression des codes civil et pénal français, les questions fiscales, le rétablissement des bourgeoisies et le régime particulier de la ville de Bienne[17]. Le canton de Berne exprime toutefois quelques réticences à cette annexion: un territoire avec une tradition qui était totalement différente de la bernoise, un territoire qui n'était pas unifié, avec un Nord catholique et un Sud réformé, un territoire marqué par d'anciennes coutumes, mais également par une législation française moderne. Le canton se résigne toutefois à l'annexion, signe l'Acte de Réunion le à Bienne et intègre le Jura à son territoire le [18]. Certains hommes politiques bernois ne voient pas d'un bon œil de se voir remettre en compensation du Pays de Vaud et de l'Argovie, selon une formule restée célèbre, « un méchant grenier à la place d'une cave et d'une grange »[19].
Dès le rattachement du Jura au canton de Berne, la cohabitation des Jurassiens avec Berne ne pose pas de grands problèmes. Cependant, c'est après les révolutions de 1830 que de profondes divergences surgirent[15]. L'origine de ces mécontentements vient en partie de dissensions culturelles, linguistiques, juridiques et religieuses[19].
Le , Xavier Stockmar, Olivier Seuret, Auguste Quiquerez et Louis Quiquerez se retrouvent, au château de Morimont, prêtent le « Serment de Morimont » afin de « délivrer le Jura de l'oligarchie bernoise »[N 4]. Par ce serment, les quatre congénères fondèrent le premier mouvement de séparatisme[20]. Xavier Stockmar un chant populaire nommé la Rauracienne. Un deuxième mouvement séparatiste est créé à la suite de la volonté bernoise et d'autres cantons réformés de soumettre l'Église catholique à l'autorité de l'État, comme c'est déjà le cas pour l'Église réformée[19].
En , Xavier Stockmar publie une proclamation pour demander l'autonomie du Jura vis-à-vis de l'Ancien canton. En même temps, dans le vallon de Saint-Imier, le pasteur Charles-Ferdinand Morel accuse le Conseil-exécutif bernois de vouloir « germaniser les districts jurassiens du sud ». En réponse, le Grand Conseil bernois publie un appel à dénoncer tous groupes ayant des idées séparatistes que les communes jurassiennes refusent d'afficher. Les manifestations séparatistes augmentent, poussant le Conseil-exécutif bernois à demander l'arrestation de Xavier Stockmar qui, en , a levé une troupe de patriotes, occupé Delémont et renversé le bailli de Moutier. C'est en que le terme de «Question jurassienne» apparaît[19]; le Conseil-exécutif bernois demande aux préfets jurassiens de dénoncer tous groupes ayant des idées séparatistes. En , Xavier Stockmar est révoqué du Grand conseil bernois et dût s'exiler en France l'année suivante. Les députés sympathisants, réunis à Glovelier, demandent à nouveau l'autonomie du Jura[21].
Entre 1832 et 1839, plusieurs troubles éclatent dans les districts jurassiens. Le Jura est alors occupé à plusieurs reprises par des troupes bernoises qui emprisonnent et donnent des amendes aux manifestants. Le , est fondée, à Porrentruy, la Société jurassienne d'émulation par Xavier Stockmar et douze autres personnes[N 5]. Cette société, apolitique et interjurassienne, cherche à promouvoir et mettre en valeur le patrimoine du Jura historique, à soutenir la création et à encourager la recherche dans les domaines culturels variés. En 1863, les députés bernois d'origine jurassienne arrivent à prouver leurs concitoyens, depuis 1815, payent proportionnellement plus d'impôts que les contribuables de l'ancien canton. Ils quittent la salle du Grand Conseil bernois[22].
Bien que l'Acte de réunion de précise que la liberté de conscience soit reconnue, le Kulturkampf sévit dans le Jura à majorité catholique. En , le Grand Conseil bernois supprime une série de fêtes catholiques, le Conseil-exécutif bernois interdit aux religieuses d'enseigner dans les écoles publiques et l'évêque de Bâle est, en , destitué de ses fonctions. Ce sont ensuite trente-sept prêtres et deux cent vingt-six laïcs qui sont incarcérés et plusieurs personnes se réfugient en France. La population jurassienne fait résistance et fait revenir les prêtres, secrètement, dans le Jura. Ils célèbrent la messe clandestinement dans des granges. C'est en , lors de l'adoption de la nouvelle Constitution fédérale, que s'atténuent les tensions religieuses. La Confédération ordonne au canton de Berne d'annuler les mesures. De ces années difficiles pour la communauté catholique, naitra une volonté d'indépendance[23],[24].
L'Acte de réunion imposé à Berne en est progressivement démantelé par celui-ci : en , une réforme fiscale est imposée aux Jurassiens ; ensuite, le canton de Berne impose son code civil qui remplace le Code civil français instauré en [N 6] ; finalement, le référendum de soumet le Jura à « la loi du nombre d'électeurs alémaniques »[25]. Les autorités bernoises commencent la germanisation de la région en y implantant une septantaine d'écoles de langue allemande. Les Jurassiens manifestent leur mécontentement par les urnes : en , ils refusent le projet de révision de la Constitution bernoise de . En , ils disent non par 15 715 voix contre 4 581 à un projet de Constitution bernoise révisé. Troisième refus sur le même sujet en (9 781 voix contre 2 167). Le , la population bernoise accepte la nouvelle Constitution bernoise par 56 424 oui contre 15 565 non. Le Jura la repousse par 9 984 voix contre 2 189. Cependant, la Constitution acceptée supprime toute individualité politico-juridique aux citoyens jurassiens. Tous les articles de l'Acte de réunion sont supprimés[26].
En 1898, le Conseil-exécutif bernois, afin d'empêcher un culte du passé jurassien différent de celui du canton de Berne, décide de transférer de Porrentruy à Berne les archives de l'ancienne principauté jurassienne et celles de la période française[22].
Dès , les implantations d'écoles allemandes sont plus conséquentes. Des débats au Grand Conseil bernois et au Conseil national sur ce sujet vont être virulents. Les Jurassiens accusent les autorités bernoises de vouloir germaniser la région. Certains députés bernois énoncent une éventuelle séparation du territoire et le transfert du district de Laufon au demi-canton de Bâle-Campagne[19]. Trois années plus tard, est fondée la Société jurassienne de développement (devenue Pro Jura en ) par Albert Joray. Cette société a pour but de diffuser l'attrait touristique et culturel de la région jurassienne[27]
En , le Conseil-exécutif bernois énonce son vœu d'organiser une manifestation, en , pour célébrer le centenaire du rattachement du Jura au canton de Berne. Les réactions défavorables et l'opinion publique jurassiennes font échouer le projet[19].
Dès , sous la demande des autorités bernoises, le Bureau topographique fédéral germanise le nom des villages d'Elay (qui devient Seehof) et de La Scheulte (qui devient Schelten)[28]. À la suite de cette décision, Léon Froidevaux publie un article séparatiste dans le journal Petit Jurassien[29]. Le Conseil-exécutif bernois, tenant compte d'une requête du Conseil communal de La Scheulte et de la Société jurassienne d'Émulation, décide le réexamen de sa décision. Il invite les communes d'Elay et La Scheulte à choisir entre la dénomination française ou allemande. Par votation, les deux communes choisissent la dénomination allemande[19].
Le , une assemblée de notables réunis à Delémont accepte d'organiser le centième anniversaire du rattachement du Jura au canton de Berne. Alfred Ribeaud, vice-président de la Société jurassienne d'émulation, lance alors l'idée de la création d'un drapeau du Jura[30]. Celui-ci est imaginé par l'héraldiste neuchâtelois Jean Grellet qui crée un drapeau contenant la crosse de Bâle et un faisceau avec la devise « Vivre libre ou mourir »[31],[32]. Le drapeau tombera vite dans l'oubli. Cependant, avec l'avènement de la Première Guerre mondiale et les tensions crées entre les communautés romandes et alémaniques, la célébration du centenaire est renvoyée à une date ultérieure (et ne sera finalement jamais célébré)[19]. C'est également dans ce contexte que Léon Froidevaux énonce, dans le Petit Jurassien du , son idée de séparation entre le Jura et Berne. Il écrit, sous le titre « Autonomie jurassienne » que « le Jura est l'Alsace-Lorraine des Bernois »[19]. Son journal est suspendu par le Conseil fédéral le mais réapparaît sous un autre nom six jours plus tard : Le Drapeau jurassien. Léon Froidevaux dénonce alors la germanophilie d'officiers supérieurs de l'armée suisse et, le , il est condamné à quatorze jours de prison par la justice militaire[29].
Le , est créé le premier Mouvement Séparatiste Jurassien présidé par Albert Eberhardt, qui est l'objet de menaces et doit démissionner. Il est remplacé par Louis Merlin. Alfred Ribeaud, qui devient l'animateur principal du mouvement, va décrier le problème jurassien à toute la Suisse et lance l'idée d'un canton du Jura : « Nous voulons rompre la chaîne qui nous lie...et rien ne saurait nous en empêcher, ni les chevaliers de l'assiette au beurre, ni la fosse aux ours tout entière. Nous sommes prêts ! »[19]. Il publiera des textes tel que Introduction à l'étude de la Question jurassienne, Au temps des cerises, La Question jurassienne et Nous voulons l'autonomie. Le Mouvement Séparatiste Jurassien se lance dans la constitution du Comité pour la création d'un canton du Jura composé d'une commission exécutive. Le projet restera néanmoins au point mort[19].
La grande crise économique des années 1930 frappe durement les ouvriers jurassiens et crée, dans leurs rangs, un dur ressentiment à l'égard de Berne. Se plaignant tantôt de l'insuffisance, tantôt du retard des secours officiels, ou encore d'inutiles brimades à l'égard des chômeurs, ils marcheront en grand nombre sur la préfecture de Courtelary[22].
Les historiens font généralement remonter la forme actuelle de la Question jurassienne aux années 1940. En effet, dès , la Société jurassienne d’Émulation et Pro Jura adressent plusieurs requêtes au Conseil-exécutif bernois au sujet du problème jurassien[19]. Néanmoins, en , le Conseil-exécutif bernois tente la germanisation administrative de la commune du Mont-Tramelan et prévoit de faire de même dans plusieurs communes alentour qui présentent une population à majorité germanophone. De plus, de nombreuses écoles primaires de langue allemande continuent de s'ouvrir[33]. Ces actions, violant le principe de territorialité des langues, va choquer les Jurassiens et attiser grandement les tensions[34].
Pour apaiser ces tensions grandissantes, le Conseil-exécutif bernois propose, le au Grand Conseil bernois, d'attribuer au conseiller d'État socialiste Georges Moeckli la direction du Département des travaux publics et chemins de fer qui représente un département stratégique au vu du développement des transports au sortir de la Seconde Guerre mondiale[N 7]. Cependant, sous l'impulsion du député PAB Hans Tschumi, le Grand Conseil bernois refuse (par 92 contre et 62 pour) que ce département lui soit attribué, sous prétexte qu'il parle mal le dialecte bernois et que cela engendrerait des problèmes de communication : « Je m'oppose à ce changement car la majorité des habitants du canton de Berne ne peuvent pas s'adresser en français à monsieur Moeckli »[35]. C'est le socialiste Samuel Brawand (de) qui gagnera ce département. Cette attitude provoque indignation et révolte dans le Jura et dès le 13 septembre, l'Association pour la défense des intérêts du Jura, qui sera rejointw par la Société jurassienne d'émulation, proteste contre l'éviction de Georges Moeckli. Les députés au Grand Conseil bernois originaire du Jura et de la Bienne romande, qui sont réunis au sein de la « Députation jurassienne » afin de sauvegarder les intérêts jurassiens, demandent de revenir sur cette décision. Le le Grand Conseil bernois refuse cette demande (par 68 contre et 66 pour)[19],[36]. Le président du parlement de l'époque dira : « J'espère que cette décision ne va pas laisser derrière elle de sentiments d'amertume »[35].
Le , à l'appel de Pierre Marti, Arthur Juillerat, Daniel Charpilloz, Joseph Chételat, Émile Giroud, Virgile Moine, Jean Gressot et Georges Diacon, une manifestation, de 2 000 personnes, s'organise devant l'Hôtel-de-Ville de Delémont. Lors de la manifestation, la « libération » du Jura est alors demandée[N 8]. À la suite de cela, un Comité d'action pour la défense des droits du Jura, renommé plus tard « Comité de Moutier », est créé à Delémont le par Louis Bueche et René Steiner et composé de 23 membres. Ce comité est chargé de dresser le catalogue des revendications ainsi que « de faire procéder à des études juridiques, constitutionnelles, économiques et financières sur la question d'une éventuelle autonomie jurassienne »[37],[38]. Au vu de ces actions, le Conseil-exécutif bernois informe le Grand Conseil bernois de la renaissance des idées séparatistes dans le Jura. Il affirme également ne jamais vouloir laisser son indépendance au territoire jurassien justifiant que d'autres cantons bilingues existent au sein de la Confédération. Sous l'impulsion de Daniel Charpilloz, le deuxième Mouvement séparatiste jurassien (MSJ) est fondé par lui-même, Roland Béguelin, Roger Schaffter et 19 autres personnes le à Moutier. Ce groupe demande purement et simplement la séparation du territoire jurassien à celui du canton de Berne et d'ainsi former un nouveau canton confédéré comprenant les sept districts de Delémont, Porrentruy, Les Franches-Montagnes, Moutier, Courtelary, La Neuveville et Laufon[39],[40]. À la fin de l'année, à la demande de Pro Jura, un nouveau drapeau identitaire au peuple jurassien est créé par Paul Boesch et utilisé par les mouvements séparatistes[41]. La société coopérative du Jura Libre est créé le par Roland Béguelin, Roger Schaffter et Roger Chatelain[42]. Cette société d'édition publiera leur nouveau journal de propagande séparatiste Le Jura Libre. Finalement, le de la même année, le « Comité de Moutier » publie et remet au autorités bernoises une brochure intitulée La Question jurassienne présentée au Gouvernement du Canton de Berne contenant ses revendications économiques, culturelles et politiques et se concluant par la demande d'un système fédéraliste et bicaméral au sein de l'État de Berne et l'octroi de garanties constitutionnelles à la minorité linguistique[37]. Ne demandant pas une séparation nette du territoire, le Mouvement séparatiste jurassien juge le rapport peu concluant et le « Comité de Moutier » pas assez combatif. Cependant, le point voulant faire reconnaître le Peuple jurassien vivant dans le canton de Berne dans la Constitution bernoise est lui soutenu. Dès lors, de son côté, le Mouvement séparatiste jurassien souhaite diffuser cet objectif de séparation cantonale à l'ensemble du peuple jurassien. Pour ce faire, le mouvement multiplie les tracts, démarchages et manifestations. De son côté, le Conseil-exécutif bernois repousse toutes les revendications signalées dans le rapport du « Comité de Moutier ».
Le est organisée la première Fête du peuple jurassien qui se déroule sur trois jours[43]. Dès le , plusieurs associations jurassiennes demandent l'homologation du drapeau jurassien par les autorités bernoises[19].
Craignant que les événements s'aggravent, les autorités bernoises proposent, le , plusieurs articles à inscrire dans la Constitution bernoise afin de régler le problème jurassien et les revendications naissantes (nommée Livre blanc) : la reconnaissance d'un « peuple jurassien », le respect de la parité des langues dans les actes administratifs, la représentation du Jura au Conseil-Exécutif bernois et des mesures constitutionnelles de protection pour le Jura. Ces amendements passent en votation auprès de l'ensemble de la population bernoise, le , et sont acceptés par 69 089 oui contre 7 289 non[N 9],[44].
Bien que soutenues, ces nouvelles réformes paraissent insuffisantes pour le Mouvement séparatiste jurassien. Pour rassembler tous les jurassiens sous le même objectif de l'indépendance jurassienne, Roland Béguelin se lance dans une opération de ralliement. Avec l'aide de Roger Schaffter, il reprend la chanson populaire ajoulote La Rauracienne dont ils modifient les paroles et la renomme La Nouvelle Rauracienne qui devient l'hymne des séparatistes[45],[46]. Le , voulant montrer que le Mouvement séparatiste jurassien est une association apolitique et non religieuse, celui-ci décide de se renommer Rassemblement jurassien (RJ)[39]. Trois jours plus tard, le Conseil-exécutif bernois publie un arrêté qui reconnait un drapeau jurassien pour la région jurassienne[19].
Les revendications de séparatisme ne faiblissent pas, et le « Comité de Moutier » venant de se dissoudre, le Conseil-exécutif bernois envisage alors la création d'un organisme pro-bernois: le , Eric Dellenbach, René Gagnebin, René Vuilleumier, Philippe Monnier et Roland Stähli fondent l'Union des patriotes jurassiens (UPJ) à Reconvilier. Cet organisme pro-bernois et antiséparatiste prône les nouveaux articles acceptés dans la Constitution bernoise et refuse toute séparation du territoire jurassien[47]. Cette même année, plusieurs associations représentant les Jurassiens vivant dans d'autres cantons sont créés. Dans la foulée, en , l'Union des patriotes jurassiens lance son journal de propagande Le Jurassien. De leur côté, les mouvements séparatistes demandent que la Confédération mette rapidement en place un plébiscite d'autodétermination du Jura. Le Conseil-exécutif bernois répondra que la mise en place d'un plébiscite d'autodétermination n'est pas du ressort de la Confédération mais bien du canton concerné au vu de la Constitution fédérale qui garantit la territorialité des cantons[19]. Tout au long de l'année, le Rassemblement jurassien organise des manifestations et actions dans différents villes et villages jurassiens. Les milieux antiséparatistes s'organisent également et se lancent dans le combat. Une pétition de l'Union des patriotes jurassiens contre la séparation jurassienne est publiée et des contre-manifestations sont organisées dans les villes et villages jurassiennes[19]. Plusieurs sections, du côté du Rassemblement jurassien mais aussi de l'Union des patriotes jurassiens, vont se former dans les différents districts et villages importants. Du côté des autorités bernoises, celles-ci annoncent leur intention de « s'opposer par tous les moyens à la séparation » et lancent un appel à la modération et à la compréhension mutuelle[19].
Dès 1955, le Rassemblement jurassien prononce l'idée de l'organisation d'une initiative, soit fédérale ou cantonale, sur l'autodétermination des sept districts jurassiens[19]. Cependant, un problème se pose : le cas du district de Laufon qui est à majorité de langue germanophone. Le Rassemblement jurassien imagine donc un statut spécial de ce district dans un éventuel futur canton[48].
L'affaire de « la place d'armes des Franches-Montagnes » va jouer un rôle de catalyseur dans la Question jurassienne. En 1956, le Département militaire, déjà intéressé depuis les années 1940 à la région des Franches-Montagnes, démarche secrètement pour l'achat de terres agricoles en vue d'implanter une place d'armes pour blindés[49]. Une fois informée, la population des vingt communes concernées manifeste son opposition et sont soutenus par la majorité des Jurassiens. Voyant la vive opposition et le contexte problématique dans la région, la Confédération abandonne le projet et revend les terres acquises au canton de Berne tout en ayant gardé un droit de préemption[50].
Le , le Rassemblement jurassien annonce lancer une initiative cantonale « en vue d'organiser dans le Jura une consultation populaire sur le problème de l'autonomie ». L'initiative cantonale est lancée le et récolte 23 336 signatures. Elle est déposée à la Chancellerie bernoise et passe en votation populaire cantonale le [N 10]. Le Rassemblement jurassien essuie alors un échec. Dans le Jura même, l'initiative est rejetée avec 16 354 non et 15 163 oui, soit respectivement 51,9 % et 48,1 %[52]. La majorité du canton de Berne refuse l'initiative (mais le oui est en tête dans trois des sept districts jurassiens). Le Rassemblement jurassien insiste alors sur l'immigration massive d'Alémaniques au cours du XIXe siècle qui aurait influencé les votes et affirme vouloir continuer sa lutte[19]. De plus, il déclare que cette votation a été organisée selon les lois bernoises qui ne sont pas avantageuses pour le peuple jurassien.
Cette votation marque déjà les différends entre les Jurassiens des districts du nord où le oui est majoritaire (Delémont : 71,9 % ; Porrentruy : 65,7 % ; Franches-Montagnes : 76 %) et les quatre autres districts où le non est majoritaire (Moutier : 67,7 % ; Courtelary : 76,2 % ; La Neuveville : 65,5 % ; Laufon : 73 %)[35].
Question | Pour | Contre | Invalide/
blanc |
Total | Inscrits | Partici-
pation |
Résultat | ||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Votes | % | Votes | % | ||||||
« Acceptez-vous l'initiative populaire cantonale « en vue d'organiser dans le Jura une consultation populaire sur le problème de l'autonomie »? » | 23 130 | 20,6 | 89 141 | 79,4 | ? | ? | ? | ? | Rejetée |
Source : Le Quotidien jurassien[53] |
Malgré l'échec, le Rassemblement jurassien ne renonce pas. Les dirigeants (principalement Roland Béguelin) procèdent à un travail de restructuration de l'association. Ils décident d'organiser plus de manifestations, d'actions et misent résolument sur la jeunesse. Dès l'année , le groupement prévoit de lancer quatre autres initiatives cantonales en vue d'améliorer les conditions des jurassiens[19].
La même année, le député PDC au Grand Conseil bernois Jean Wilhelm (de courant séparatiste), ayant critiqué les deux représentants du Jura au Conseil-exécutif bernois (à savoir Virgile Moine et Henri Huber) est suspendu de la Députation jurassienne dont plusieurs manifestations contre cette décision s'organisent. La même année, le député PAB au Grand-Conseil bernois Hans Tschumi (de courant antiséparatiste) et le président du Rassemblement jurassien André Francillon se portent candidats à l'élection du siège jurassien au Conseil-exécutif bernois. Les milieux séparatistes et antiséparatistes lancent alors une campagne pour leur candidat. Hans Tschumi est finalement élu le . Néanmoins, Hans Tschumi s'excusera d'avoir lancé « l'Affaire Moeckli » en 1947[19].
Sous l'impulsion de Roland Béguelin, l'Association suisse des Amis du Jura Libre (SAJL) est créée le . Celle-ci regroupe des membres non jurassiens de l'arc Lémanique et a pour but de sensibiliser les notables et intellectuels romands sur la Question jurassienne par des conférences et des appels[54].
Le , sous l'impulsion de Marcel Brêchet et Michel Gury, nait un groupe formé par la jeunesse séparatiste du Rassemblement jurassien : le Groupe Bélier[55],[56].
En , le département militaire revient sur son idée de s'implanter aux Franches-Montagnes. Cette fois, l'armée veut y développer un centre militaire du cheval et une place d'armes pour la cavalerie. Pour se faire, le canton de Berne revend les terres concernées à la Confédération. La population locale, ayant déjà manifesté son opposition à la place d'arme six ans auparavant, se sent trahie par les autorités fédérales et le Conseil-exécutif bernois[57],[50]. Les séparatistes utilisent cette affaire pour démontrer que le canton de Berne ne fait rien face à la Confédération pour défendre la volonté des Jurassiens[N 11]. C'est dans ce contexte de tensions que nait le Front de Libération jurassien (FLJ). Les 2 et 3 septembre 1962 apparaissent les premiers tags FLJ, peints en rouge, sur trois écussons bernois et trois grands panneaux de signalisation à Aesch, Brislach, Lucelle (de), sur la sentinelle des Rangiers et sur deux panneaux de chantiers à Moutier[58],[59],[60].
Le Conseil-exécutif bernois considérant le séparatisme jurassien clos, décide de prendre des mesures contre toute personne suspecte d'être favorable à l'autonomie du Jura. En , le premier-lieutenant de l'armée suisse, Romain Berberat, prononce un discours (en civil) lors de la Fête du peuple jurassien en tant que porte-parole des Jurassiens de l'extérieur. Le , Romain Berberat se fait retirer son grade militaire par le Département militaire pour ces opinions. Le Rassemblement jurassien dénonce cet acte qu'il qualifie « d'illégal et contraire à la Constitution » et dépose plusieurs pétitions demandant la réhabilitation de Romain Berberat, ainsi que la démission de Virgile Moine[61],[62].
Le , le Front de libération jurassien boute le feu à la baraque militaire de Goumois. Des tags FLJ et « Vive Berberaz » seront retrouvés sur les murs de soubassement[63].
Le , l'Association des Jurassiens de l'extérieur est créée. Celle-ci regroupe toutes les sections cantonales des Jurassiens s'étant établis dans d'autres cantons. En réponse, les antiséparatistes créent l'Association des Jurassiens bernois de l'extérieur l'année suivante. Le 24 mars de la même année, c'est l'Association féminine pour la défense du Jura qui est créée[64]. Le , le baraquement militaire de Bourrignon est incendié par le Front de Libération jurassien et un mois plus tard, c'est la ferme des «Joux Derrière», à Montfaucon sur les terres de la future place d'armes, qui est incendiée[65],[66]. Le , la ferme «Sous-la-Côte» subit le même sort[67]. Le , à la suite des incendies du Front de Libération jurassien, le Comité jurassien de vigilance démocratique est créé[68]. Il s'agit d'une formation qui se veut indépendante de l'Union des Patriotes jurassiens, bien que ses dirigeants soient membres de cette dernière. Ce comité soutient la nouvelle place d'arme dans les Franches-Montagnes et prétend que les actes du Front de libération jurassien sont commandés par le Rassemblement jurassien[69]. Le Front de libération jurassien se tourne ensuite vers les attentats à l'explosif avec l'explosion du chalet du Mont-Soleil le , l'explosion de la scierie de Marc Houmard le , l'explosion des voies des CFF à Studen le et l'explosion de la banque cantonale bernoise de Delémont le [70],[71]. Plusieurs associations séparatistes jurassiennes, antiséparatistes bernoises et le Conseil-exécutif bernois condamnent ces actes[19]. Fin , la police arrête les membres du Front de Libération jurassien : Jean-Marie Joset, Marcel Boillat et Pierre Dériaz[72],[73].
De son côté, les jeunes membres du Groupe Bélier, lancent également des actions : dans la nuit du au , 60 jeunes ont distribué 300 000 tracts, rédigés en allemand, dans les villages du canton de Berne. Le , ce sont 10 000 tracts qui sont distribués dans la ville de Berne afin d'inviter les Bernois à répondre favorablement à l'appel du conseiller fédéral Friedrich Traugott Wahlen qui désirait l'ouverture de pourparlers entre Berne et le Jura[74]. Le , au pied de la statue de la sentinelle des Rangiers, au col des Rangiers, la commémoration des anciens mobilisés des guerres de 1914-1918 et de 1939-1945 est interrompue par environ 6 000 ou 7 000 manifestants séparatistes[75]. Le conseiller fédéral Paul Chaudet et le conseiller d'État bernois Virgile Moine ne peuvent pas terminer leurs discours et sont copieusement injuriés. La même année, la Députation jurassienne demande la mise en place d'un plébiscite sur la séparation du Jura afin d'en finir avec la question jurassienne[76].
Depuis le début des années 1960, la Députation jurassienne défend l'idée d'organiser un plébiscite sur l'autonomie jurassienne. Cependant, en , le Rassemblement jurassien répond ne pas soutenir cette démarche car, selon eux, l'organisateur d'un tel plébiscite ne doit pas être le canton de Berne, contre lequel les séparatistes se battent, mais la Confédération. De plus, le Rassemblement jurassien revendique le droit de vote de tous les Jurassiens vivant à l'extérieur. Il rajoute que l'organisation d'un tel plébiscite par le canton de Berne ne sera qu'une copie de la votation populaire du et, de ce fait, le Rassemblement jurassien appellera les Jurassiens à le boycotter et ignorer le résultat[19]. Le est créé le Mouvement universitaire jurassien (MUJ). Ce mouvement, fondé à l'origine afin de réagir au refus du Conseil d'État vaudois de laisser les séparatistes jurassiens participer à l'Exposition nationale de 1964, regroupe les étudiants jurassiens séparatistes des universités romandes[77].
Dès le printemps , d'autres d'attentats, signés par le Front de libération jurassien, ont lieu dans le Jura. Comme les membres fondateurs sont emprisonnés, la police recherche les coupables[78]. Il s'agit de Jean-Baptiste Hennin et Imier Cattin qui sont arrêtés en juin [79]. Le , la cour pénale fédérale condamne les trois premiers membre du Front de libération jurassien[80],[81],[82]. Dans le courant de la même année, l'Europe célèbre le 150e anniversaire du congrès de Vienne. Les milieux séparatistes organisent des contre-manifestations aux festivités bernoises dans diverses communes[19]. C'est dans ce contexte que Paul Gehler crée un groupe de jeunes antiséparatistes nommé, Jeunesses civiques du Jura[83]. À la fin de l'année, plusieurs voix, autant séparatistes que politiques. demanderont une médiation organisée par la Confédération au sujet du problème jurassien mais les autorités bernoises estiment que ce problème est du ressort du canton et non de l'État fédéral[19]. Le , le Conseil-exécutif bernois présente un plan destiné à résoudre le problème jurassien: celui-ci stipule que si les négociations autour d'un statut d'autonomie échouent, il y aurait une possibilité d'organiser un plébiscite donnant la possibilité au peuple jurassien de déclarer clairement s'il entend rester dans le canton de Berne ou s'il préfère former un nouveau canton. Par cette annonce, l'Union des patriotes jurassiens se désolidarise de la Députation jurassienne et déclare être prêt à contrer tout plébiscite. De leur côté, les milieux séparatistes estiment qu'un plébiscite ne peut régler la Question jurassienne et insiste sur une médiation fédérale[19]. Avec l'éventuelle organisation d'un plébiscite, les habitants du district germanophone de Laufon décident de saisir la chance. De ce fait, un mouvement séparatiste bâlois Laufen zu Basel y est créé. Ce mouvement souhaite le rattachement de son district au canton voisin de Bâle-Campagne. Le Rassemblement jurassien revoit donc ses objectifs et admet l'idée d'un canton du Jura à six districts francophones et abandonne l'intégration de celui de Laufon. Il reconnaît le droit de libre-disposition du district laufonnais et souhaite que ceux-ci puissent également se prononcer en leur faveur[51]. Finalement, la même année, le Département militaire abandonne toute implantation d'une place d'armes aux Franches-Montagnes. Les terrains sont restitués aux communes de Lajoux, des Genevez et de Montfaucon[57]. Le Département militaire va donc trouver d'autres terrain en Ajoie, sur le territoire de la commune de Bure. Contrairement à la place d'armes des Franches-Montagnes, qui avait fait beaucoup de bruit, celle-ci fut acceptée par la population ajoulote car elle était encore assez indécise concernant la question du séparatisme jurassien[50].
Les négociations commencent donc sur la mise en place d'un statut d'autonomie pour le Jura au sein du canton de Berne. Le , le Conseil-exécutif bernois crée la « Commission des Vingt-quatre », composée de douze membres bernois et douze jurassiens, dont son but est de dresser une liste des revendications jurassiennes. Le rapport de cette commission est présenté le . Cependant, les mouvements séparatistes restant méfiant, ignorent ce rapport et continuent leurs actions (comme le Groupe Bélier qui se barricade dans la préfecture de Delémont le ). Sous pression entre les séparatistes et antiséparatistes, le Conseil-exécutif bernois est contraint de déposer au Grand Conseil bernois, le , une disposition constitutionnelle rendant possible l'organisation d'un plébiscite dans le Jura. Mais, étant toujours certain qu'un statut d'autonomie est la bonne solution, le Conseil-exécutif bernois demande de l'aide de la Confédération. Cette dernière crée, le , la « Commission des bons offices » (nommée aussi « Commission Petitpierre »), composée de Max Petitpierre, Friedrich Traugott Wahlen, Pierre Graber et Raymond Broger, chargée d'amener les parties à une entente. Le premier rapport de la « Commission des bons offices » du évoque « le rassemblement des Jurassiens de toutes tendances, à un large statut d'autonomie qui serait obtenu, voir imposé au canton de Berne ». Les mouvements séparatistes refusent de rentrer en contact avec cette deuxième commission car les membres de celle-ci ont été nommés par le Conseil-exécutif bernois[48]. De plus, craignant qu'un plébiscite engendre la partition du territoire (entre le Jura-nord et le Jura-sud), les mouvements séparatistes refusent ce rapport[84]. Au vu de l'impasse du projet du statut d'autonomie, le Grand Conseil bernois accepte finalement, le , la proposition du Conseil-exécutif bernois rendant possible l'organisation d'un plébiscite dans le Jura. Néanmoins, le Rassemblement jurassien refuse ce plébiscite car il estime que celui-ci doit être organiser par la Confédération et non par « la puissance dominante dont il faudrait pouvoir se séparer », à savoir, le canton de Berne. Le Rassemblement jurassien estime que les résultats seront favorables au Conseil-exécutif bernois et non aux séparatistes. De plus, ce plébiscite est refusé par crainte que cela engendre la partition du territoire jurassien. Cependant, fin 1969, le Rassemblement jurassien change d'avis et approuve l'additif constitutionnel tel que présenté par le Conseil-exécutif bernois[85]. Ce changement d'opinion est dû au fait que le plébiscite présente une chance, à ne pas manquer, aux Jurassiens d'user leur doit de libre disposition quitte à perdre du partie du territoire historique :
« Le plan bernois doit être approuvé malgré tout, car il donne aux Jurassiens le droit de libre disposition. C'est une étape à ne pas manquer, même si nous ne sommes pas d'accord avec les modalités d'application du scrutin d'autodétermination. »
— Roland Béguelin, secrétaire général du Rassemblement jurassien
Face à l'acharnement entre les milieux séparatistes et antiséparatistes, le Mouvement pour l'unité du Jura, parti neutre, apparaît durant l'été 1969. Cette « Troisième Force » se refuse toute partition du Jura et prône l'octroi d'un large statut d’autonomie du Jura dans le cadre du canton de Berne. Il appelle à voter blanc à ce plébiscite. Mais elle n'a qu'un faible impact pendant cette période et la plupart de ses membres sont dénigrés par l'une ou l'autre partie du conflit et qualifiés de « traîtres »[86],[19]. Avec son idée d’autonomie jurassienne au sein du canton de Berne, le MUJ trouve une certaine audience auprès de la « Commission des bons offices » qui reprend la plupart de ses propositions pour la publication de son prochain deuxième rapport.
L'additif constitutionnel passe alors en votation populaire cantonale et est accepté le [N 12].
Question | Pour | Contre | Invalide/
blanc |
Total | Inscrits | Partici-
pation |
Résultat | ||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Votes | % | Votes | % | ||||||
« Acceptez-vous l'additif sur les nouvelles dispositions constitutionnelles relatives au Jura ? » | 90 358 | 86,47 | 14 133 | 13,53 | ? | ? | ? | ? | Acceptée |
Source : Tribunal fédéral[87],[88] |
Publié le , l'additif détermine les modalités d'une procédure d'autodétermination dans le Jura en trois étapes de « votation en cascade », appelée « plébiscites jurassiens »[19]:
Additif sur les nouvelles dispositions constitutionnelles relatives au Jura
|
Le , la « Commission des bons offices » publie son deuxième rapport qui repropose un statut d'autonomie pour le Jura. Les relations s'étant détériorées, le Rassemblement jurassien le refuse également et demande la dissolution de ladite commission[N 13],[89].
Au début de l'année , les nouveaux projets de construction des routes nationales sont publiés. Alors que le peuple jurassien demande, depuis bientôt 30 ans, la construction d'une autoroute « Transjurane » à travers le Jura, cette région est mise à l'écart[90]. 2 000 séparatistes manifeste contre cette décision, le à Berne. Ceux-ci coulent du goudron dans les rails de trams de la vieille-ville[35]. Le de la même année, l'ambassade de Suisse à Paris est occupée par une trentaine de jeunes Bélier[N 14]. De leur côté, le , les autorités bernoises publient leur Rapport-Jura décrivant le statut du Jura au sein du canton de Berne si le non viendrait à sortir lors du plébiscite jurassien. Applaudi par les antiséparatistes, il est dénoncé par les séparatistes[19].
Le , Jeunesses civiques du Jura bernois se renomme en Groupe Sanglier afin de s'élargir à l'ensemble des jeunes antiséparatistes du Jura[83]. Le , c'est l'Union des patriotes jurassiens se renomme Force démocratique et regroupe tous les groupes et organisations antiséparatistes[N 15],[91].
Dans la nuit du au , trois jeunes hissent un drapeau jurassien aux abords de la route cantonale à Boncourt. Un voisin antiséparatiste tire au pistolet dans le dos d'un des jeunes, Maurice Wicht (25 ans)[N 16],[93].
Les mouvements séparatistes appellent à voter oui, les mouvements antiséparatistes prône le non et les mouvements de troisième force demande de voter blanc.
Le premier plébiscite, qui propose la création d'un nouveau canton, est fixé aux et et les vagues d'intimidation séparatistes et antiséparatistes sont limitées lors de ce vote. Le dimanche soir, une majorité se dégage en faveur de la création d'un nouveau canton[94].
Si, dans les trois districts du nord, Delémont, Porrentruy et les Franches-Montagnes, le oui est largement majoritaire, c'est l'inverse qui se produit dans les trois districts du sud, Moutier, Courtelary et La Neuveville ainsi que le Laufonnais[N 17].
Question | Districts concernés | Pour | Contre | Blancs | Nuls | Total | Inscrits | Participation | Résultat | ||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Votes | % | Votes | % | ||||||||
« Voulez-vous former un nouveau canton ? » | Delémont | 11 070 | 79 % | 2 948 | 21 % | 509 | 19 | 14 546 | ? | 92,50 | Acceptée |
Franches-Montagnes | 3 573 | 77 % | 1 058 | 23 % | 76 | 10 | 4 717 | ? | 93,48 | Acceptée | |
Porrentruy | 9 603 | 68 % | 4 566 | 32 % | 404 | 34 | 14 607 | ? | 93,62 | Acceptée | |
Moutier | 7 069 | 43 % | 9 330 | 57 % | 383 | 20 | 16 802 | ? | 91,48 | Refusée | |
La Neuveville | 931 | 34 % | 1 776 | 66 % | 41 | 1 | 2 749 | ? | 86,47 | Refusée | |
Laufon | 1 433 | 26 % | 4 119 | 74 % | 51 | 5 | 5 608 | ? | 73,16 | Refusée | |
Courtelary | 3 123 | 23 % | 10 260 | 77 % | 262 | 26 | 13 671 | ? | 90,03 | Refusée | |
Total | 36 802 | 51,94% | 34 057 | 48,06% | 1 726 | 115 | 72 611 | ? | 88,67 | Acceptée | |
Source : Feuille officielle des résultats du premier plébiscite () |
Les séparatistes calment le jeu en espérant que les pro-bernois accepteront de travailler à la construction du nouveau canton. Cependant, dès le lendemain, les antiséparatistes engagent les procédures afin d'organiser, par le biais d'initiatives, le deuxième plébiscite dans les districts méridionaux où le non fut majoritaire (Moutier, Courtelary et La Neuveville)[19]. De son côté, le groupe Action pour un Laufonnais indépendant et fort déclare que le non du Laufonnais n'est pas une reconnaissance de fidélité à Berne. Ceux-ci constituent, le , l'Association pour un Laufonnais indépendant dans le but de lancer une initiative pour se rattacher à un autre canton alémanique et ne pas rester une enclave bernoise[95].
Le , désirant sensibiliser les femmes antiséparatistes dans le combat, Geneviève Aubry fonde le Groupement féminin de Force démocratiquedhs (GFFD) à Reconvilier[96].
Le , l'organisation antiséparatiste Force démocratique dépose les initiatives (avec 16 067 signatures[N 18]) afin organiser le deuxième plébiscite. Ce dernier doit déterminer si les trois districts francophones qui ont voté non restent dans le canton de Berne ou suivent les trois districts du nord pour créer un nouveau canton du Jura. Le Grand Conseil bernois, voulant au plus vite terminer la Question jurassienne, décide de fixer la date du deuxième plébiscite pour le de la même année. Les milieux séparatistes refusent cette date estimée trop hâtive[19].
Le , un groupe de jeunes séparatistes vivant dans les districts jurassiens sud créent le Groupement autonomiste Jeunesse-Sud. Trois jours plus tard, une nouvelle initiative, proposant la création d'un demi-canton composé du Jura-Sud, est déposée (avec 28 501 signatures)[97],[98].
Le , la décision du Grand Conseil bernois d'agender le deuxième plébiscite au est cassée par le Tribunal fédéral[19]
Le , Force démocratique dépose, à nouveau, de nouvelles initiatives (avec 19 761 signatures[N 19]) afin organiser le deuxième plébiscite dans les districts de Moutier, Courtelary et La Neuveville[97]. Le Grand Conseil bernois fixe la votation au [19].
Le est fondé le groupe Jura-Sud autonome. Celui-ci a pour but de créer un demi-canton composé du Jura-Sud. Ce groupe aura le soutien du Rassemblent jurassien qui annonce, que si les trois districts concernés par le deuxième plébiscite restent bernois, l'engagent, devant notaire, à faire inscrire dans la Constitution du canton du Jura le droit du Jura-Sud à se constituer en demi-canton et le droit du Laufonnais à rejoindre le canton alémanique de son choix[19]. Le , la commission du district de Laufon dépose une initiative (avec 3 312 signatures) pour l'organisation d'une votation sur la question : « Voulez-vous que le district de Laufon - sous réserve de rattachement à un canton voisin - continue à faire partie du canton de Berne ? »[51].
Une nouvelle vague de violence s'installe lors de la mise en place du deuxième plébiscite, émaillée de manifestations, rassemblements et attentats. Ces actions séparatistes sont centrées sur des saccages d'appartements et attaques à l'explosif[N 20]. Lors du plébiscite du , les districts de Moutier, Courtelary et La Neuveville décident de demeurer dans le canton de Berne. Dès lors, le futur canton du Jura ne sera formé que des trois districts nord de Delémont, Porrentrux et des Franches-Montagnes.
Question | Districts concernés | Pour | Contre | Blanc/Nul | Total | Inscrits | Participation | Résultat | ||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Votes | % | Votes | % | |||||||
« Voulez-vous continuer à faire partie du canton de Berne ? » | Moutier | 9 947 | 56 % | 7 740 | 44 % | 113 | 17 800 | ? | 96,02 | Acceptée |
La Neuveville | 1 927 | 65 % | 997 | 35 % | 28 | 2 952 | ? | 91,48 | Acceptée | |
Courtelary | 10 802 | 76 % | 3 268 | 24 % | 115 | 14 185 | ? | 93,13 | Acceptée | |
Source: Chronologie jurassienne[19] |
Au lendemain de la votation, plusieurs manifestations de protestation et incidents entre séparatistes et antiséparatistes se produisirent après les résultats. Le Rassemblement jurassien juge le deuxième plébiscite comme « un système criminel de plébiscites en cascade » et affirme reprendre son combat. Le groupement dépose également des recours contre le deuxième plébiscite, qui seront rejetés par le Conseil fédéral[97]. Les antiséparatistes et Force démocratique annoncent ne pas se démobiliser et appellent aux séparatistes de reconnaitre ce résultat. Le Mouvement pour l'Unité du Jura affirme que « l'heure n'est pas aux règlements de comptes »[19]. Le , le Conseil-exécutif bernois décide, vu le résultat du deuxième plébiscite, de ne pas faire passer en votation l'idée de création d'un demi-canton composé du Jura[99].
Le , Georges Droz fonde, à Tavannes, le mouvement autonomiste pour le Sud du Jura Unité jurassienne (UJ). Son but est de réunir les séparatistes demeurant dans le Jura méridional, à la suite des deux plébiscites de 1974 et 1975[100].
Les tensions sont explosives en cette période surtout à Moutier où, le , quatre-vingts grenadiers de la police bernoise sont appelés à la rescousse afin d'affronter les séparatistes présents en masse dans les rues. Ces échauffourées engendrent seize blessés et des dégâts importants[19].
Durant toute l'année 1975, de nombreuses manifestions, bagarres, attentats et autres actions de séparatistes et d'antiséparatistes ont lieu dans l'ensemble du territoire de la partie sud du Jura donnant souvent lieu à de graves incidents et de nombreux blessés[19]. Par la suite, les séparatistes engagent les procédures afin d'organiser, par le biais de référendums, un troisième plébiscite dans les communes bernoises concernées. En réponse à cela, les antiséparatistes lancent également les procédures afin d'organiser un troisième plébiscite dans les communes concernées ayant une majorité pro-bernoise. En effet, selon les modalités de l'additif constitutionnel du , un troisième plébiscite ne peut être organisé que dans les communes se situant le long de la nouvelle frontière cantonale entre le futur canton du Jura et celui de Berne. Celles-ci, par référendum, peuvent choisir de rester ou non dans le canton de Berne, tandis que les communes des trois districts séparatistes limitrophes du canton de Berne pourront choisir de rester dans le canton de Berne[101].
Sept communes demandent de pouvoir revoter sur leur appartenance cantonale : Corban, Courchapoix, Châtillon, Rossemaison, Les Genevez, Lajoux et Vellerat[N 21]. Le vote est fixé au . À cette date, les sept communes votent toutes en faveur de leur rattachement au canton du Jura. Cependant, le Conseil fédéral informe les communes concernées que la votation devra être répétée. Le , le Rassemblement jurassien organise un plébiscite sauvage dans la commune de Bellelay qui sera favorable au Jura à 51,39 %. Le , les sept mêmes communes précédentes, ainsi que celles de Courrendlin, de Mervelier, de Moutier, de Perrefitte, de Grandval, de La Scheulte, de Roches, de Roggenbourg et d'Ederswiler[N 22]demandent, à nouveau, de pouvoir revoter sur leur appartenance cantonale. Les votations sont organisées le et et le [102]. Parmi ces seize communes, deux posent un problème : Vellerat et Ederswiler (la première possède une population à majorité séparatiste et la deuxième possède une population à majorité germanophone). Ces deux communes, ne se trouvant pas le long de la future frontière cantonale, leurs demandes ont donc été rejetées. Cependant, ces deux communes décident d'organiser, quand même, une votation non officielle, dite « sauvage »[103].
Des échauffourées se reproduisent pendant le troisième plébiscite à Moutier entre séparatistes et forces de l'ordre, (nommées par la suite les « évènements de Moutier ») entre le 1er et le 8 septembre. Durant ce laps de temps, la ville est littéralement occupée par les séparatistes qui finissent par être délogés de manière musclée par les forces de l'ordre[N 23].
Le : dix communes votent (à savoir : Châtillon, Corban, Courchapoix, Courrendlin, Les Genevez, Grandval, Moutier, Perrefitte, Rossemaison et Rebévelier).
Le : trois communes votent (à savoir : Lajoux, Mervelier et La Scheulte) et une commune vote inofficiellement (à savoir : Vellerat)[104].
Le : une commune vote (à savoir : Roggenbourg).
Le : une commune vote inofficiellement (à savoir : Ederswiler)[105],[106].
Finalement[101] :
Question | Communes concernées | Dates | Pour | Contre | Blanc | Total | Inscrits | Participation | Résultat | ||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Votes | % | Votes | % | ||||||||
« Voulez-vous continuer à faire partie du canton de Berne ? » | Châtillon | 7 septembre | 16 | 9,8% | 148 | 90,2% | ? | ? | ? | ? | Refusée |
Corban | 7 septembre | 6 | 3,1% | 193 | 96,9% | ? | ? | ? | ? | Refusée | |
Courchapoix | 7 septembre | 0 | 0% | 179 | 100% | ? | ? | ? | ? | Refusée | |
Courrendlin | 7 septembre | 563 | 38,9% | 881 | 61,1% | ? | ? | ? | ? | Refusée | |
Les Genevez | 7 septembre | 6 | 2,6% | 223 | 97,4% | ? | ? | ? | ? | Refusée | |
Grandval | 7 septembre | 151 | 99,3% | 1 | 0,7% | ? | ? | ? | ? | Acceptée | |
Moutier | 7 septembre | 2 540 | 54,1% | 2 151 | 45,9% | ? | ? | ? | ? | Acceptée | |
Perrefitte | 7 septembre | 167 | 99,4% | 1 | 0,6% | ? | ? | ? | ? | Acceptée | |
Rossemaison | 7 septembre | 6 | 3,3% | 177 | 96,7% | ? | ? | ? | ? | Refusée | |
Rebévelier | 7 septembre | 19 | 82,6% | 4 | 17,4% | ? | ? | ? | ? | Acceptée | |
Lajoux | 14 septembre | 11 | 4,2% | 251 | 95,8% | ? | ? | ? | ? | Refusée | |
Mervelier | 14 septembre | 19 | 7,3% | 243 | 92,7% | ? | ? | ? | ? | Refusée | |
La Scheulte | 14 septembre | 20 | 74,1% | 7 | 25,9% | ? | ? | ? | ? | Acceptée | |
Roggenbourg | 19 octobre | 97 | 90,7% | 10 | 9,3% | ? | ? | ? | ? | Acceptée | |
Vellerat | 14 septembre | 0 | 0% | 29 | 100% | ? | ? | ? | ? | Refusée | |
Ederswiler | 26 octobre | 78 | 89,7% | 9 | 10,3% | ? | ? | ? | ? | Acceptée |
Le , les habitants du district de Laufon décident, par votation populaire, de rester dans le canton de Berne afin de mettre en route les démarches à son rattachement à un autre canton[95].
Question | District concerné | Pour | Contre | Invalide/
blanc |
Total | Inscrits | Partici-
pation |
Résultat | ||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Votes | % | Votes | % | |||||||
« Voulez-vous que le district de Laufon - sous réserve de rattachement à un canton voisin - continue à faire partie du canton de Berne ? » | Laufon | ? | 57% | ? | 43% | ? | ? | ? | ? | Acceptée |
En , le Mouvement pour l'Unité du Jura, qui avait appelé à rejeter les initiatives antiséparatistes demandant de rester au sein du canton de Berne en 1975 (dans le but de s’opposer à une division du Jura) est à présent définitivement marginalisé et sans influence. La troisième force disparaît[86].
Le , les citoyens du Laufonnais élisent pour la première fois de manière directe les vingt-six membres de la Commission de district, qui comprend désormais douze démocrates-chrétiens, huit radicaux, deux socialistes, deux personnes hors partis et deux représentants de mouvements locaux. La Commission, élue pour six ans, a pour mission de travailler sur l'avenir du district en examinant à la fois un statut spécial au sein du canton de Berne et un rattachement à l'un des trois cantons de Bâle-Campagne, Bâle-Ville ou Soleure[107]. Il s'agit de la première représentation de district élue par le peuple en Suisse[108].
Dans un premier temps, seul le canton de Bâle-Ville se montre réellement intéressé à accueillir le district de Laufon. C'est la position de Bâle-Ville qui pousse les deux autres cantons à se déclarer également en faveur d'un rattachement du district, Bâle-Campagne parce que le conseil d'État craint qu'une union du Laufonnais avec Bâle-Ville ne remette sur la table la question d'une fusion des deux Bâle et Soleure parce que le canton a peur que cela conduise ensuite ses propres enclaves situées à la frontières françaises à vouloir changer de canton[109].
À la suite des résultats favorables pour la création d'une République et Canton du Jura, l'Assemblée constituante jurassienne est créée pour élaborer la Constitution du nouveau canton. L'Assemblée constituante jurassienne est élue par la population jurassienne le : elle est composée de 50 députés[N 24] La séance inaugurale à lieu le à l'église Saint-Marcel de Delémont. Le lendemain, la session constitutive à lieu à l'aula du lycée cantonal de Porrentruy. Durant cette séance, François Lachat est élu président, Roland Béguelin et Gabriel Roy vice-présidents[110],[111],[112].
Le , l'Assemblée constituante jurassienne présente la future constitution jurassienne composée de 138 articles. L'un des articles les plus importants est l'article no 138 stipulant « La République et Canton du Jura peut accueillir toute partie du territoire jurassien directement concerné par le scrutin du 23 juin 1974 si cette partie s'est régulièrement séparée au regard du droit fédéral et du droit du canton intéressé »[113]. Décrié par les antiséparatistes et le Conseil-exécutif bernois cet article fera rompre les relations entre les autorités bernoises et l'Assemblée constituante jurassienne.
La constitution jurassienne est acceptée, en votation, par la population jurassienne le par 27 061 oui contre 5 749 non. À la même date, le peuple jurassien, par 26 942 oui contre 5 879 non, confient le mandat à l'Assemblée constituante jurassienne de créer la législation cantonale et de veiller aux intérêts du canton en formation[114].
Dans le courant du mois de , le Conseil-exécutif bernois annonce au Grand conseil bernois vouloir supprimer la notion de « peuple jurassien » de la Constitution bernoise. Plusieurs séparatistes manifestent le à Moutier contre cette décision[19],[53]. Les 1 000 personnes présentes sont repoussées par les grenadiers bernois[115]. Finalement, le , le Grand conseil bernois décide de supprimer la notion de « peuple jurassien » dans sa constitution[116].
Le , les deux chambres fédérales acceptent la nouvelle Constitution du canton du Jura, excepté l'article 138 qui ne bénéficie pas de la garantie fédérale, en raison de son « incompatibilité avec l'esprit de solidarité fédérale »[117]. Une votation fédérale peut alors être organisée. L'arrêté fédéral sur la création d'un canton du Jura est publié le [19],[118],[119].
À la suite des discussions avec les différents cantons, la Commission de district de Laufon décide de soumettre la question au corps électoral[109]. Pour ce faire, elle lance une l'initiative populaire posant la question suivante « Voulez-vous engager la procédure de rattachement du district de Laufon à un canton voisin ? » et qui est déposée, à la chancellerie cantonale bernoise, le avec 4 960 signatures, soit 61,3 % du corps électoral de Laufon[120]. L'initiative est validée par le Grand Conseil bernois le par 141 voix, sans opposition[121]. Les Laufonnais acceptent l'initiative le [122],[95].
Question | Pour | Contre | Invalide/
blanc |
Total | Inscrits | Partici-
pation |
Résultat | ||
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Votes | % | Votes | % | ||||||
« Voulez-vous engager la procédure de rattachement du district de Laufon à un canton voisin ? » | 4 164 | 65,08 | 2 234 | 34,92 | ? | ? | ? | 79% | Acceptée |
Source : Journal de Genève[122] |
Le , le Conseil fédéral (Kurt Furgler), le Conseil-exécutif bernois (Ernst Jaberg) et l'Assemblée constituante jurassienne (François Lachat) signent l'accord de répartition des biens entre le canton de Berne et le futur canton du Jura[123].
Afin d'accueillir un nouveau canton au sein de la Confédération, il faut modifier l'article 1er de la Constitution fédérale contenant la liste des cantons suisses. et l'article 80 sur le nombre des conseillers aux États; de ce fait, un référendum constitutionnel obligatoire, nécessitant l'accord de la majorité du peuple et des cantons suisses, est organisé le [124],[125]. Lors de ce référendum no 288, une majorité de 82,3 % des électeurs de tous les cantons vote en faveur de la création du nouveau canton du Jura et 22 cantons sur 22 (soit 100 %) l'acceptent également[126].
Question | Pour | Contre | Invalide/
blanc |
Total | Inscrits | Partici-
pation |
Cantons pour | Cantons contre | Résultat | ||||||||||||||||
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Votes | % | Votes | % | Entiers | Demi | Entiers | Demi | ||||||||||||||||||
« Acceptez-vous l'arrête fédéral du 9 mars 1978 sur la modification constitutionnelle fédérale sur création d'une République et Canton du Jura ? » | 1 309 841 | 82.29 | 281 873 | 17.71 | 26 749 | 1 618 463 | 3 848 961 | 42.04 % | 19 | 6 | 0 | 0 | Acceptée | ||||||||||||
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source : Chancellerie fédérale [127],[128],[129] |
Le jour même, plusieurs milliers de jurassiens rejoignent Delémont où les résultats sont donnés depuis le parvis de l'Hôtel-de-Ville par François Lachat, Germain Donzé et Roland Béguelin. Côté pro-bernois, le Groupe Sanglier disparait notamment en raison de quelques manifestations ayant mal tourné[83].
C'est dès que les élections cantonales ont été annoncées, que les tensions entre les partis politiques et le Rassemblement jurassien émergent. En effet, le mouvement séparatiste a pour objectif d'assurer la construction d'un État de combat jurassien prêt à tout pour « récupérer » les districts restés bernois. Pour ce faire, le Rassemblement jurassien demande à la population d'élire un gouvernement composé de la « coalition du 23 juin », c'est-à-dire deux PDC, un socialiste, un PCSI et un radical réformiste. L'un des buts de cette opération est d'écarter le Parti radical.
Pour les élections au niveau cantonal, la population jurassienne élit son futur gouvernement cantonal le et son futur parlement cantonal le . Le Gouvernement jurassien est composé de 5 ministres[N 25] et est présidé la première année par François Lachat (PDC)[130]. Le Parlement jurassien est composé de 50 députés et son premier président est Roland Béguelin (PS)[131].
Au niveau fédéral, au Conseil des États, Roger Schaffter (PDC) et Pierre Gassmann (de) (PS) sont élus les et [132]. Pour l'élection au Conseil national, il faudra attendre les élections fédérales qui ont lieu dans neuf mois.
Les travaux de l'Assemblée constituante jurassienne se termine le [111].
Au , la République et canton du Jura entre en souveraineté dans la Confédération suisse[133]. Depuis cette date, le terme de Jura bernois (appelé Jura Sud par les séparatistes) est créé et désigne les districts jurassiens historiques restés bernois (à savoir, Moutier, Courtelary et La Neuveville)[134].
Le Conseil des États, composé à l'origine de 44 sièges, se voit rajouter deux nouveaux sièges pour accueillir Roger Schaffter (PDC) et Pierre Gassmann (de) (PS). Ils prêtent serment le . C'est seulement le , lors des élections fédérales pour la 41e législature, que les jurassiens élisent leurs premiers députés au Conseil national. Le canton de Berne perd alors 2 sièges au profit du nouveau canton. Les députés élus sont Jean Wilhelm (PDC) et Gabriel Roy (PCSI)[135].
Dès l'entrée en souveraineté du nouveau canton, les intérêts entre les mouvements séparatistes (principalement le Rassemblement jurassien) et le Gouvernement jurassien divergent[N 26]. Les mouvements séparatistes, surtout son noyau dur dirigé principalement par Roland Béguelin, poursuivent leur politique d'intransigeance. Leurs idées, inchangées depuis 1947, consistent au dénigrement, par acharnement, du Conseil-exécutif bernois et du Conseil fédéral qui reste, selon eux, immobile au problème jurassien[136]. Cette vision réfractaire engendre des avis divergents et moins favorables au sein même du camp séparatiste[N 27]. Le Gouvernement jurassien, contraint par sa constitution de se fondre dans le moule de la Confédération, devient moins virulent. Ce dernier, afin de ne pas attiser les tensions, décide d'utiliser le dialogue et la réconciliation afin de séduire les antiséparatistes du Jura bernois et le Conseil-exécutif bernois tout en gardant le même objectif que les mouvements séparatistes : la réunification. Par la suite, les rapports entre Roland Béguelin et les autorités jurassiennes se détériores, allant jusqu'à la rupture[137].
Le premier Gouvernement jurassien, nouvellement élu, décide d'organiser des festivités pour fêter l'entrée en souveraineté de la République et canton du Jura. La Confédération et tous les cantons sont donc invités le à Delémont. Cependant, le , le conseiller national socialiste bernois (de courant séparatiste) Jean-Claude Crevoisier intervient lors des débats de l'Assemblée fédérale pour critiquer l'additif constitutionnel de 1970 ayant organisé le plébiscite jurassien de 1974-1975 qu'il juge antidémocratique. Le conseiller fédéral Kurt Furgler s'énerve et traitre l'intervention de Jean-Claude Crevoisier de « bêtises ». Le Rassemblement jurassien, jugeant qu'en injuriant Jean-Claude Crevoisier, c'est « tous le peuple jurassien qui a été atteint dans son honneur », demande, par une pétition populaire, des excuses officielles. Kurt Furgler refusant de s'excuser, le Rassemblement jurassien demande au Gouvernement jurassien d'annuler les festivités qui décide de les maintenir avant de les supprimer au dernier moment[138].
Dès 1979, le Conseil-exécutif bernois essaye de négocier avec le nouveau Gouvernement jurassien sur les cas des communes de Vellerat et d'Ederswiler. En effet, vu les conditions sur le plébiscite jurassien, les deux communes n'ont pas pu se prononcer officiellement lors du troisième plébiscite dû au fait qu'elles ne se trouvaient pas le long de la future frontière cantonale. Vellerat désire rejoindre le canton du Jura et Ederswiler veut rester une commune d'un canton germanophone et ne désire pas devenir jurassienne. Le Conseil-exécutif bernois imagine alors un échange : Vellerat contre Ederswiler. Cependant, comme « le rattachement des communes de Vellerat et Ederswiler à un autre canton ne constitue pas une simple rectification de frontières mais bien une cession de territoire entre cantons », le Conseil Fédéral estime que « qu'un tel rattachement modifie les rapports de force réciproques et l'équilibre confédéral et ne peut donc intervenir que par une révision matérielle de la charte fédérale. Une cession de territoire à un autre canton est un traité de nature politique, interdit par la Constitution fédérale. De ce fait, un tel rattachement est lié à l'approbation du peuple et des cantons. » soit une votation au niveau fédéral. Le Conseil fédéral considère qu'il vaut mieux d'attendre de régler la question sur le district de Laufon avant de régler les cas de Vellerat et d'Ederswiler[106]. Du côté jurassien, l'échange d'Ederswiler contre Vellerat n'est pas envisageable; le Gouvernement jurassien accuse le canton de Berne d'essayer « amputer le territoire jurassien ». L'échange n'est accepté seulement si la canton de Berne leur cède l'entièreté du Jura Bernois[106].
Le , la première consultation populaire sur le rattachement à un canton voisin pour le district de Laufon est organisée : les Laufonnais se prononcent sur le canton qui aurait leur préférence en cas de procédure de rattachement. Le district n'a pas de frontière commune avec Bâle-Ville, mais a des liens économiques forts avec la ville, dans laquelle travaillent 1 000 des 14 000 habitants. Le canton de Bâle-Campagne a l'avantage d'avoir une frontière commune et de comprendre une partie importante de la métropole bâloise. Enfin, le canton de Soleure est majoritairement catholique, comme le Laufonnais et c'est également avec ce canton que les frontières communes sont les plus importantes[109].
Question | Bâle-Campagne | Soleure | Bâle-Ville | Partici-
pation | |||||||||
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Pour | Contre | Pour | Contre | Pour | Contre | ||||||||
Votes | % | Votes | % | Votes | % | Votes | % | Votes | % | Votes | % | ||
« Avec quel canton le district de Laufon devrait-il ouvrir une procédure de rattachement ?» | 3 167 | 51,5 | 2 983 | 48,5 | 1 999 | 32,51 | 2 075 | 67,49 | 983 | 15,99 | 5 161 | 84,01 | 75,5 % |
Au premier tour, le choix préférentiel est pour Bâle-Campagne suivit de Soleure; Bâle-Ville est éliminé. Le , la deuxième procédure du Laufonnais pour son rattachement à un canton voisin est organisée : c'est le canton de Bâle-Campagne qui le remporte[139],[51]. La Commission du district de Laufon est alors mandatée pour entamer les pourparlers avec les autorités du canton de Bâle-Campagne et mettre au point les modalités d'un transfert éventuel[140].
Question | Bâle-Campagne | Soleure | Partici-
pation | ||||||
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Pour | Contre | Pour | Contre | ||||||
Votes | % | Votes | % | Votes | % | Votes | % | ||
« Avec quel canton le district de Laufon devrait-il ouvrir une procédure de rattachement ?» | 4 233 | 64,65 | 2 279 | 35,35 | 2 315 | 35,35 | 4 299 | 64,65 | 78 % |
En février 1983, après trois années de négociations, la Commission du district de Laufon et le Conseil d'Etat bâlois approuvent le projet de transfert[95]. Le , la votation sur l'appartenance cantonale, entre le canton de Berne et le canton de Bâle-Campagne, du district de Laufon est organisée : à la surprise générale, le Laufonnais se prononce finalement pour son maintien dans le canton de Berne[51].
Question | Pour | Contre | Invalide/
blanc |
Total | Inscrits | Partici-
pation |
Résultat | ||
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Votes | % | Votes | % | ||||||
« Souhaitez-vous que le district de Laufon se rattache au canton de Bâle-Campagne ?» | 3 575 | 43,32 | 4 675 | 56,68 | ? | ? | ? | 93% | Rejetée |
Source : Chronologie jurassienne[95] |
À l'issue du scrutin, le Mouvement laufonnais, affirme vouloir continuer à militer pour un rattachement au canton de Bâle-Campagne[109].
Depuis l'année , une conférence tripartite (Berne, Jura et Confédération) est organisée pour régler les cas de Vellerat et d'Ederswiler. Au vu de la lenteur des négociations, les autorités de Vellerat vont alors se déclarer « commune libre » dès le . Un poste-frontière est installé à l’entrée du village et des passeports communaux y sont délivrés. Le village ne participe plus aux votations cantonales bernoises, boycotte les recensements fédéraux et se jumelle aux Fourons et à la République du Saugeais[141],[104]. De son côté, Ederswiler déposera plusieurs pétitions pour son maintien dans le canton de Berne en vain[106].
En , Marc Houmard prend contact avec Guillaume-Albert Houriet pour lui demander de relancer le Groupe Sanglier. Il accepte et prend la présidence du groupe. Cette fois-ci, tous les partis politiques sont acceptés. Les membres défendent la volonté de maintenir le Jura bernois dans le canton de Berne et empêcher toute implications séparatistes dans les affaires du Jura bernois[83].
Le , Rudolf Hafner, alors contrôleur des finances bernoises découvre des irrégularités dans les comptes de l'État bernois. Il constate que le Conseil-exécutif bernois a violé la loi sur les finances de l'État en constituant un compte secret nommé «imprévu» et d'avoir utilisé abusivement des fonds provenant de diverses institutions, auxquelles l'État participe, pour des fêtes, voyages et cadeaux privés et des versements à des organisations[142]. Rudolf Hafner rédige un rapport de vingt-trois pages que le secrétaire de la direction des finances, Urs Köhli, tente de cacher[143]. Le , Rudolf Hafner décide alors d'envoyer, par lettre, le rapport aux 200 députés du Grand Conseil bernois et adresse une requête demandant l'ouverture d'une enquête disciplinaire. L'enquête est transmise au Juge d'instruction, le , le bureau du Grand Conseil nomme une commission spéciale d'enquête qui dépose son rapport le . La commission, se rendant compte que le Conseil-exécutif bernois cherche à minimiser les faits, dépose un deuxième rapport qui ébranle l'ensemble du pays[144]. Entre et , le conseil-exécutif a versé 100 000 francs suisses à Force démocratique; 125 000 francs suisses à la société de Radio Jura bernois et environ 170 000 francs suisses à diverses personnes antiséparatistes afin de financer les fêtes et manifestations ainsi que les campagnes électorales pro-bernoises[145]. Côté Laufonnais, c'est environ 395 000 francs suisses qui ont été versé, entre et , au mouvement antiséparatiste pro-bernois laufonnais (tel que Aktion Bernisches Laufental (ABL)) afin d'influencer la votation du Laufonnaise du [87],[146],[140].
Le , le Conseil-exécutif bernois avoue les faits et déclare que ces versements ont débutés dès . Il révèle, qu'entre et , un total de 730 000 francs suisses a été versés à des organisations antiséparatistes pro-bernois du Jura (tels que Force démocratique) afin d'influencer les plébiscites jurassiens de 1974 et 1975[87].
« L’Affaire des caisses noires bernoises » fait scandale en Suisse : des séparatistes, des députés bernois et jurassiens ainsi que des particuliers dénoncent une manipulation[147]. Deux membres du Conseil-exécutif bernois, Werner Martignoni et Hans Krähenbühl, renoncent à un nouveau mandat. L'affaire va ensuite se rendre jusqu'à l'Assemblée Fédérale, au Conseil Fédéral et au Tribunal Fédéral. Le Conseil-Exécutif bernois confirmera officiellement son implication dans « l'Affaire des caisses noires bernoises » seulement le [147].
Après la révélation de « l'Affaire des caisses noires bernoises », le député socialiste Jürg Schärer dépose au Grand Conseil bernois une motion pour l'organisation d'un nouveau vote dans le Laufonnais, au vu des influences exercées par « l'Affaire des caisses noires bernoises »[148]. Des pétitions, du Mouvement laufonnais et de plusieurs communes du district concerné, tournent également. Cinq citoyens laufonnais déposent un recours au Grand Conseil bernois. De son côté, le Conseil de district du Laufonnais a formulé une requête au Conseil-exécutif bernois afin qu'une enquête plus approfondie soit entreprise et que les fonds versés sans base légale soient remboursés[140].
Le Grand Conseil bernois, ainsi que le lui avait recommandé le Conseil-exécutif bernois, décide de ne pas entrer en matière sur le recours déposé par les cinq citoyens laufonnais, ni de donner suite à la pétition du Conseil de district et de refuser la motion de Jürg Schärer. Le Conseil de district entreprend alors des démarches et adresse au Conseil fédéral un nouveau recours afin que celui-ci forme une commission d'enquête indépendante et organise une nouvelle votation[140].
L'affaire se retrouve au niveau fédéral; les cinq citoyens qui se portent plaignants déposent leurs recours au Tribunal Fédéral : le , le Tribunal Fédéral casse finalement la votation du car il estime que le Conseil-exécutif bernois n'avait pas le droit de s'impliquer financièrement dans la campagne référendaire. Une nouvelle votation doit alors être organisée[147].
Le , le Gouvernement jurassien s'adresse au Conseil fédéral décriant que le soutien financier apporté par le Conseil-exécutif bernois aux mouvements antiséparatistes aurait faussé le résultat des plébiscites jurassiens de 1974 et 1975 et remit en considération les aspects financiers du partage des biens. Le Gouvernement jurassien adresse une requête demandant « d'ordonner tous les actes d'enquête nécessaires à l'établissement de l'ensemble des activités déployées par le Conseil-exécutif et toute autre autorité du canton de Berne en vue d'influencer les résultats des scrutins prévus par l'Additif constitutionnel du 1er mars 1970 par des versements, inadmissibles et contraires au droit, à l'une des parties; de déclarer viciés les scrutins entachés d'irrégularités ainsi qu'il a été dit ci-dessus et, partant, de permettre aux populations touchées de se prononcer librement à l'avenir sur leur intention de quitter à leur tour le canton de Berne pour rejoindre le canton du Jura »[87].
Le , le Conseil fédéral se déclare incompétent et transmet l'affaire au Tribunal fédéral. Saisi d'une demande de reconsidération du Gouvernement jurassien, le Conseil fédéral confirme sa décision le [N 28]. Le Gouvernement jurassien adresse alors une réclamation à l'Assemblée fédérale demandant à ordonner au Conseil fédéral de se saisir de sa requête ou prendre elle-même les mesures requises. L'Assemblée fédérale refuse la réclamation le et le confirme le [87].
Le , le Gouvernement jurassien demande au Tribunal Fédéral de traiter sa requête comme une réclamation de droit public[147]. Les revendications du Gouvernement jurassien sont :
En , le Rassemblement jurassien propose une initiative populaire cantonale nommée UNIR (Une Nécessité Incontournable : la Réunification). Avec 23 338 signatures récoltée. le Rassemblement jurassien contacte le Gouvernement jurassien afin d'entrer en négociation[149].
Le , la nouvelle votation pour le Laufonnais est exercée : le district de Laufon se prononce (par 4 652 oui et 4 343 non) pour son rattachement au canton de Bâle-Campagne[95],[150].
Question | Pour | Contre | Invalide/
blanc |
Total | Inscrits | Partici-
pation |
Résultat | ||
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Votes | % | Votes | % | ||||||
« Souhaitez-vous que le district de Laufon se rattache au canton de Bâle-Campagne ? » | 4 652 | 51,72 | 4 343 | 48,28 | ? | ? | ? | 93,6% | Acceptée |
Source : Chronologie jurassienne[95] |
Cependant, le , le Grand Conseil bernois accepte un recours déposé contre ce dernier vote et prend la décision d'annuler alors le résultat du vote. Le , un recours contre la décision du Grand Conseil bernois de casser la votation du 12 novembre 1989 est déposé au Tribunal fédéral[142]. Le , le Tribunal fédéral accepte le recours du et casse la décision du Grand Conseil bernois confirmant ainsi les résultats Laufonnais de la votation du [95]. Le , le Grand Conseil bernois accepte (par 95 contre 20) la décision du Tribunal fédéral sur le rattachement du district de Laufon au canton de Bâle-Campagne et valide ainsi le scrutin du .
Le , les citoyens de Bâle-Campagne confirment par votation l'acceptation du rattachement du Laufonnais[151].
Question | Pour | Contre | Invalide/
blanc |
Total | Inscrits | Partici-
pation |
Résultat | ||
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Votes | % | Votes | % | ||||||
« Souhaitez-vous que le district de Laufon se rattache au canton de Bâle-Campagne ? » | ? | 59,3 | ? | 40,7 | ? | ? | ? | 39,9% | Acceptée |
Le , Le Conseil d'État du canton de Bâle-Campagne accepte le rattachement du Laufonnais et le confirme le [51]. L'Assemblée fédérale donne son aval et refuse la demande des élus bernois qui souhaitent que, lors du vote de l'ensemble de la population suisse, la majorité des Laufonnais doive confirmer sa décision de pour que le changement de canton soit effectif[142]. Une votation populaire au niveau fédéral est agendée au .
Le , le Tribunal Fédéral donne sa décision sur la requête du Gouvernement jurassien déposée le . Le Tribunal fédéral indique :
Le Tribunal fédéral indique également que c'est aux citoyens d'agir en se saisissant de leur droit de recours et non les organes de l’État. De plus, les votations remises en cause ont été organisées par le canton de Berne ; donc, en principe, seuls les citoyens bernois peuvent se prévaloir des règles internes destinées à régler l'organisation de ce canton, y compris la sécession d'une partie de son territoire et de sa population. Finalement, le Gouvernement jurassien ne peut se saisir de la justice car les votations invoquées qui seraient entachées d'irrégularités sont antérieures à l'entrée en souveraineté de la République et Canton du Jura[N 29]. Le canton du Jura n'étant pas titulaire d'un droit lui permettant d'obtenir l'adjudication de ses conclusions, sa requête est donc rejetée[87],[147].
Le , le Gouvernement jurassien informe le Conseil fédéral de ses préoccupations à la suite de la décision du Tribunal fédéral. Il demande une entrevue et recherches de nouvelles voies pour résoudre le problème jurassien[147]. Le , le Gouvernement jurassien est reçu par une délégation du Conseil fédéral, composée d'Arnold Koller, René Felber et Jean-Pascal Delamuraz, dans le cadre d'une médiation fédérale et lui fait part de son mécontentement : il dénonce que le Conseil fédéral, alors que celui-ci a reconnu « l'Affaire des caisses noires bernoises », ne sanctionne pas les faits alors que le district de Laufon a obtenu satisfaction auprès du Tribunal fédéral; que la Question jurassienne n'est pas terminée; que Moutier, élisant des autorités séparatistes depuis les années 1980, atteste l'évolution en cours et que les résultats de la votation du sur l'appartenance cantonale du district de Laufon en est la preuve[147]. Par la suite, le Gouvernement jurassien dépose un recours contre la décision du Tribunal fédéral. Celui-ci rejette le recours le [147].
En , le Gouvernement jurassien et le Rassemblement jurassien présentent l'initiative UNIR au Parlement jurassien. L'initiative demande qui : « l'unité institutionnelle du Jura constitue l'un des principaux objectifs du canton du Jura; la loi a pour but de prévoir les moyens politiques, financiers, culturels et juridiques propres à atteindre ce but. ». Le Parlement accepte l'initiative UNIR le . Le Conseil-exécutif bernois dépose alors un recours contre la l'initiative UNIR. Le Tribunal fédéral invalide l'initiative UNIR et propose au Parlement jurassien de ne pas y donner suite. Cependant, celui-ci adopte tout de même la « loi UNIR »[149].
Le , le Conseil fédéral, le Conseil-exécutif bernois et le Gouvernement jurassien mettent sur pied une commission indépendante, nommée « Commission Widmer », chargée d'établir une voie vers la résolution de la Question Jurassienne[N 30]. Cette commission est présidée par Sigmund Widmer (de) (ancien conseiller national et ancien président de la ville de Zurich) et composée de quatre conseillers aux États : Marcel Blanc, Claude Bonnard, Bernard Comby et Guy Fontanet.
Le , « Commission Widmer » publie son rapport et donne le constat est donné : « la division du Peuple Jurassien a constitué une erreur et la commission propose la réunification d'ici l'an 2000 en deux étapes : la première étape sera à la fois préparatoire et transitoire. Son but est de promouvoir, dans divers cercles et milieux du canton du Jura et du Jura bernois, le dialogue entre les Jurassiens des deux côtés de la frontière sur l'avenir de la communauté jurassienne; de proposer une collaboration renforcée entre le canton du Jura et le Jura bernois dans des dossiers déterminés et des projets concrets ; et de négocier et proposer les garanties à fournir au Jura bernois dans le cadre du nouveau canton. La deuxième étape sera consacrée à la mise en place du nouveau canton »[152]. Le rapport stipule la création d'un conseil interrégional paritaire qui rendra le dialogue entre les Jura nord et sud et qui développera des collaborations. D'autres thèmes ont également été évoqués comme le règlement des cas de Vellerat et d'Ederswiler. Les mieux séparatistes applaudissent le rapport contrairement aux antiséparatistes qui envoie une pétition signée par 19 000 personnes qui demande au Conseil-exécutif bernois de ne pas entrer en matière. Finalement, le , le Conseil-exécutif bernois rejette les conclusions du rapport mais accepte le cas de Vellerat et lance des négociations. Vient alors l'idée d'un échange : Vellerat serait donné au Jura contre Ederswiler. Le canton du Jura refuse ce « troc »[19].
Dans la nuit du , la fontaine de la Justice de la vieille-ville de Berne est vandalisée et quasiment totalement détruite. Si sa destruction n'a jamais été officiellement revendiquée, l'acte a généralement été attribué au Groupe Bélier. Le , un membre de l'association est désigné coupable, Pascal Hêche, et est condamné à 22 mois d'emprisonnement et 200 000 francs d'amende. Domicilié dans le Jura bernois, il se réfugie dans le canton du Jura où il demande l'asile politique. Le Tribunal fédéral intervient et ordonne aux autorités jurassiennes de faire exécuter l'ordonnance de jugement[153].
Pour dénoncer cette décision, un jeune membre du Groupe Bélier, Christophe Bader (de), se rend le à la Nydeggstalden (en) avec la volonté de lancer une bombe de sa propre fabrication dans l'Hôtel-de-Ville de Berne. Il est tué, par accident, par l'explosion de sa bombe dans sa voiture. L'attentat manqué a suscité une grande indignation publique en Suisse. Le Ministère public de la Confédération fait arrêter plusieurs séparatistes et annonce avoir découvert des détonateurs et des explosifs dans plusieurs cachettes souterraines dont douze kilos à Saint-Brais[154].
Pour Pascal Hêche, le , le Gouvernement jurassien accepte la demande du Tribunal fédéral. Le Parlement jurassien lui accorde néanmoins une grâce partielle et réduit sa peine de moitié le [155].
Afin d'effectuer un transfert de territoire entre deux cantons, la loi fédérale prévoit un référendum obligatoire, nécessitant l'accord de la majorité de peuple et des cantons suisses, qui est organisé le [156],[157],[158]. Lors de ce référendum no 395, une majorité de 72,2% des électeurs de tous les cantons vote en faveur du rattachement du district de Laufon au canton de Bâle-Campagne et 23 cantons sur 23 (soit 100%) l'acceptent également[51],[159].
Question | Pour | Contre | Invalide/
blanc |
Total | Inscrits | Partici-
pation |
Cantons pour | Cantons contre | Résultat | ||||||||||||||||
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Votes | % | Votes | % | Entiers | Demi | Entiers | Demi | ||||||||||||||||||
« Acceptez-vous l'arrêté fédéral du sur le rattachement du district bernois de Laufon au canton de Bâle-Campagne ? » | 1 188 941 | 75.16 | 392 893 | 24.84 | 216 713 | 1 798 547 | 4 553 754 | 39.50 % | 20 | 6 | 0 | 0 | Acceptée | ||||||||||||
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source : Chancellerie fédérale [160],[161],[162] |
Les accords de transfert au canton de Bâle-Campagne sont signés à Laufon le et le transfert est effectif au [163],[51].
Dans le courant de l'année , sous l'impulsion de Pierre-André Comte, l'Unité jurassienne demande sa fusion avec le Rassemblement jurassien. Cependant, la fusion est refusée car Roland Béguelin estime que l'Unité jurassienne représente déjà une branche du Rassemblement jurassien et que la présence en terres bernoises du Rassemblent jurassien est une mauvaise idée au vu des événements. Des tensions vont donc se créer entre lui et Pierre-André Comte[164]. Roland Béguelin décède le et la fusion est effectuée le . Par fusion, le groupe se renomme Mouvement Autonomiste Jurassien (MAJ).
Avec le rapport de la « Commission Widmer » qui donne l'avantage aux milieux séparatistes, les antiséparatistes et les autorités bernoises s'en distancient et la Question jurassienne se retrouve au point mort. Cette situation incite le Conseil fédéral à organiser des rencontres bilatérales et finalement des séances triparties qui ont lieu dans le plus grand secret dans un petit village du canton de Soleure. Les négociations débouchent sur une entente entre les deux gouvernements cantonaux et à un accord.
Le , l'Accord relatif à l'institutionnalisation du dialogue interjurassien est signé par le Conseil fédéral (Arnold Koller), le Conseil-exécutif bernois (Hermann Fehr) et le Gouvernement jurassien (Jean-Pierre Beuret)[165]. Il stipule que les trois gouvernements doivent se mettre d'accord afin de lancer le dialogue entre les deux cantons et de régler politiquement la Question jurassienne. Pour ce faire, le Jura ne doit plus contester les plébiscites de 1974-1975 et abandonner définitivement son statut d'« État de combat » imposé, en , par les constituants[N 31],[166]. L'accord crée, également, l'Assemblée interjurassienne (AIJ) ayant pour but de trouver des solutions pour résoudre la Question Jurassienne[167]. La signature de cet accord est interprétée, par les mouvements séparatistes, comme une trahison de la part du Gouvernement jurassien[166].
L'Assemblée interjurassienne est composée de 24 membres (partagés entre Berne et le Jura). La séance constitutive du est présidée par l'ancien conseiller fédéral René Felber[168].
Dans la foulée, l'accord Berne-Jura du octroie le droit à la commune de Vellerat de se prononcer sur son appartenance cantonale[169]. Le Conseil-exécutif bernois crée la « Loi Vellerat » le et est adoptée par le Grand Conseil bernois le . Le , le corps électoral bernois accepte (par 210 734 oui et 39 136 non) la « Loi Vellerat ». Les habitants de Vellerat l'acceptent également. Le corps électoral jurassien l'accepte (par 20 020 oui et 1 758 non)[170]. Afin d'effectuer un transfert de territoire entre deux cantons, la loi fédérale prévoit un référendum obligatoire, nécessitant l'accord de la majorité de peuple et des cantons suisses, qui est organisé le [171],[172],[173]. Lors de ce référendum, une majorité de 91,6% des électeurs de tous les cantons vote en faveur du rattachement de la commune de Vellerat à la République et canton du Jura et 23 cantons sur 23 (soit 100%) l'acceptent également[174].
Question | Pour | Contre | Invalide/
blanc |
Total | Inscrits | Partici-
pation |
Cantons pour | Cantons contre | Résultat | ||||||||||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Votes | % | Votes | % | Entiers | Demi | Entiers | Demi | ||||||||||||||||||
« Acceptez-vous l'arrêté fédéral du sur le transfert de la commune bernoise de Vellerat au canton du Jura ? » | 1 250 728 | 91.64 | 114 105 | 8.36 | 60 706 | 1 425 539 | 4 599 317 | 30.98 % | 20 | 6 | 0 | 0 | Acceptée | ||||||||||||
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source : Chancellerie fédérale [175],[176],[177] |
La commune devient officiellement jurassienne le .
Un important foyer de séparatistes jurassiens subsiste dans le Jura bernois, notamment à Moutier, dont la majorité des autorités est séparatiste depuis . Le , lors d'un vote consultatif, les citoyens de Moutier rejettent de justesse le rattachement de leur commune au canton du Jura (1 932 voix pour Berne contre 1 891 voix pour le Jura).
Durant ses premières années d'activité, l'Assemblée interjurassienne soumet aux deux exécutifs cantonaux des résolutions sur différents thèmes comme l'économie, la santé, le transport, la formation ou encore les voies de communications. Le , ladite assemblée adopte la « résolution 44 », qui prévoit trois étapes [178]:
Les milieux antiséparatistes dénoncent l'AIJ partisane du Jura alors que les séparatistes la soutiennent et inscrivent le nombre « 44 » sur plusieurs routes du Jura bernois[179]. La « résolution 44 » est adoptée par le Gouvernement jurassien cependant, le Conseil-exécutif bernois ne voulant pas doter le Jura bernois d'autonomie, n'adoptera « que partiellement » la « résolution 44 » en en lui donnant un statut particulier[180].
Le , le Mouvement autonomiste jurassien lance l'initiative « Un seul Jura ». Il la dépose le à la chancellerie cantonale jurassienne[181]. Cette initiative demande l'étude d'un nouvel État jurassien à six districts par l'Assemblée Interjurassienne. L’initiative est adoptée par le Parlement jurassien (contre l'avis du Gouvernement jurassien) en [146]. Dans le Jura bernois, les séparatistes du Jura-Sud lancent une initiative au Grand conseil bernois pour une plus grande autonomie du Jura bernois qui la refusera.
Le , le Grand Conseil bernois adopte le statut particulier du Jura bernois, découlant de la « résolution 44 ». Ce statut entre en vigueur le . Le grand Conseil bernois lance également la mise en place d'un Conseil du Jura bernois le . Le Conseil du Jura bernois succède au Conseil régional Jura bernois et Bienne romande. Composé de 24 membres élus et souvent définit à tort comme étant « parlement régional » il ne s'agit pas à proprement parler d'un parlement puisque celui-ci ne bénéficie d'aucun pouvoir législatif. Ses tâches principales sont celle d'une administration décentralisée (représentation des intérêts du Jura bernois aux institutions Bernoises, octroi et distributions de subventions culturelles dans le Jura bernois) ainsi que la représentation du Jura bernois au sein de la Conférence intercantonale de l'instruction publique de la Suisse romande et du Tessin[19]. Lors des élections du Conseil du Jura bernois, le et , Les séparatistes jurassiens se sentent alors confirmés dans leur combat à la suite des bons résultats obtenus lors cette élection : 6 élus sont de courant séparatistes[N 32],[182].
La loi « Un seul Jura », découlant de l'initiative du même nom, est adoptée par le Parlement jurassien le . L'Assemblée interjurassienne commence son travail sur l'étude d'un nouvel État jurassien à six districts en [181].
Le , l'Assemblée Interjurassienne publie un rapport intermédiaire qui prévoit la réunification jurassienne en même temps qu'une immense fusion de communes. En effet, le nouveau canton (qui changerait de nom et de drapeau) se verrait passer de 132 à 6 communes, pour 130 000 habitants. La capitale serait Moutier. Ce projet est jugé audacieux et intelligent par les milieux séparatistes alors que du côté pro-bernois, on le considère comme voué à l'échec[183],[184].
Le rapport final de l'Assemblée Interjurassienne, publié le , propose soit :
Le Gouvernement jurassien se positionne pour la réunification et le Conseil-exécutif bernois désire l'idée du « statu quo+ »[168].
Le Gouvernement jurassien entreprend des négociations avec le Conseil-exécutif bernois sur l'organisation d'une consultation populaire. Le , une conférence tripartie officialise la décision d'entamer les pourparlers qui débouche sur l'Accord de la Déclaration d'intention du . L'Accord stipule que les populations du Jura et du Jura bernois devront voter sur leur volonté de discuter de créer un nouveau canton commun entre l'actuel canton du Jura et le Jura bernois (l'accord entre en vigueur le )[19]. Les modalités de vote sont différentes selon les régions concernées :
Deux hypothèses sont présentées :
Le , les deux référendums se déroulent simultanément dans le canton du Jura au nord et dans le Jura bernois au sud.
Cependant, dans le Jura bernois, seules deux communes présentent un résultat favorable au projet : Moutier et Belprahon[192],[193]. Comme les résultats sont différents entre le canton du Jura et le Jura bernois, l'idée d'un canton commun est abandonnée. Cependant, la question des deux communes favorables doit être traitée : ces communes, peuvent, par référendum, demander de rejoindre, ou non, le canton du Jura.
Question | Districts jurassiens | Pour | Contre | Invalide/blanc | Total des bulletins rentrés | Nombre d'électeurs | Partici-
pation |
Résultat | ||
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Votes | % | Votes | % | |||||||
« Acceptez-vous le nouvel article constitutionnel stipulant que le Gouvernement est habilité à engager un processus tendant à la création d'un nouveau canton couvrant les territoires du Jura bernois et de la République et Canton du Jura, dans le respect du droit fédéral et des cantons concernés ? » | Delémont | 12 599 | 79,48 | 3 253 | 20,52 | 312 | 16 164 | 25 261 | 64,27 % | Acceptée |
Franches-Montagnes | 3 969 | 78,63 | 1 079 | 21,37 | 128 | 5 181 | 7 700 | 67,91 % | Acceptée | |
Porrentruy | 7 964 | 71,51 | 3 173 | 28,49 | 345 | 11 482 | 18 465 | 62,1 % | Acceptée | |
Total | Jura | 24 532 | 76,57 | 7 505 | 23,43 | 785 | 32 827 | 51 426 | 64,23% | Acceptée |
Source : Chancellerie d'État de la République et canton du Jura[194] |
Question | Anciens districts du Jura bernois | Pour | Contre | Invalide/blanc | Total des bulletins rentrés | Nombre d'électeurs | Partici-
pation |
Résultat | ||
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Votes | % | Votes | % | |||||||
« Voulez-vous que le Conseil-exécutif engage un processus tendant à la création d'un nouveau canton couvrant les territoires du Jura bernois et de la République et Canton du Jura, dans le respect du droit fédéral et des cantons concernés ? » | Moutier | 4 351 | 37 | 7 464 | 63 | 165 | 11 980 | 15 609 | ? | Refusée |
La Neuveville | 741 | 23 | 2 467 | 77 | 47 | 3 255 | 4 643 | ? | Refusée | |
Courtelary | 2 285 | 20 | 8 892 | 80 | 221 | 11 398 | 15 709 | ? | Refusée | |
Total | Jura bernois | 7 377 | 28,15 | 18 823 | 71,85 | 433 | 26 633 | 35 961 | 74,06 % | Refusée |
Sources: Chancellerie d'État du canton de Berne[195] |
Question | Communes | Pour | Contre | Invalide/blanc | Total des bulletins rentrés | Nombre d'électeurs | Partici-
pation |
Résultat | ||
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Votes | % | Votes | % | |||||||
« Voulez-vous que le Conseil-exécutif engage un processus tendant à la création d'un nouveau canton couvrant les territoires du Jura bernois et de la République et Canton du Jura, dans le respect du droit fédéral et des cantons concernés ? » | Moutier | 2 008 | 55,36 | 1 619 | 44,64 | 66 | 3 693 | 4 757 | 77,63% | Acceptée |
Belprahon | 110 | 50 | 110 | 50 | 3 | 223 | 246 | 90,65% | Acceptée | |
Source: Chancellerie d'État du canton de Berne[195] |
Moutier ayant voté positivement à la consultation populaire du , les autorités communales demandent, par référendum, une votation communale sur son appartenance cantonale[196],[197]. Le , le corps électoral prévôtois se prononce à 51,72 % (par 2 067 voix contre 1 930 voix) en faveur de son rattachement au canton du Jura[198],[199]. Dans les jours qui suivent, douze recours ont été déposés contre les résultats de la votation.
Les autorités des villages voisins de Belprahon et de Sorvilier demandent également, par référendum, une votation communale sur leur appartenance cantonale. Le , Belprahon se prononce à 51,49 % (par 121 voix contre 114 voix) pour son maintien dans le canton de Berne tout comme Sorvilier qui se prononce à 66,12 % (par 121 voix contre 62 voix)[200],[201]. Les milieux séparatistes dénoncent une votation qui s'est faite trop tôt car l'avenir de la ville de Moutier, pôle économique de la région, était incertain à cause des recours déposés.
Aves les dernières votations de ces trois communes clôturant la Question jurassienne au niveau constitutionnel, l'Assemblée interjurassienne est dissoute le . Les lois jurassiennes « UNIR » du et « Un seul Jura » du sont abrogées[202]. De ce fait, le Gouvernement jurassien ne peut plus officiellement soutenir d'éventuelles communes bernoises voulant devenir jurassiennes.
La votation de Moutier est finalement invalidée par la préfecture de l'arrondissement administratif du Jura bernois le en raison « de problèmes de neutralité dans la propagande électorale émise par la commune et de manquements graves dans l'organisation du scrutin »[203] ; les autorités communales de Moutier dépose un recours[204]. Contestée, cette décision fait ensuite l’objet de recours auprès du Tribunal administratif du canton de Berne[205], qui confirme également, dans une décision datée du , l'invalidité de la votation[206]. Le , la Conférence tripartite demande l'organisation d'une votation valable sur le cas de Moutier[207].
Finalement, le , les séparatistes jurassiens de Moutier décident de ne pas recourir jusqu'au Tribunal Fédéral et appellent à l'organisation d'une nouvelle votation communale[208]. La votation est agendée au par les autorités prévotoises mais est annulée à la suite de la pandémie de coronavirus[209],[210],[211]. Le , lors de la Conférence tripartite à laquelle ont participé les délégations des gouvernements jurassien et bernois ainsi qu'une délégation du Conseil municipal de Moutier, les mesures de la nouvelles votations sont établis : présence d'observateurs fédéraux ; remise en main propre du matériel de vote à des personnes séjournant dans des hôpitaux ou des homes sera protocolée ; une seule urne de vote, scellé par l'Office fédéral de la justice, présente à l'Hôtel-de-ville pendant les trois semaines précédant le vote ; l'Office fédéral de la justice sécurisera et adressera le matériel de vote aux citoyens, surveillera le dépouillement et procédera à un contrôle systématique des cartes de légitimation[212],[213].
Le , la majorité des habitants de Moutier décide à 54,9 % (par 2 114 voix contre 1 740 voix) de rejoindre le canton du Jura (le taux de participation de 88,5 %)[N 34],[214].
Le , le Conseil communal de Belprahon désire revoter sur son appartenance cantonale du fait qu'en , l'avenir de Moutier sur son appartenance cantonale était incertain. En effet, la commune possédant des liens économiques, sociaux et culturels avec Moutier, souhaite revoir sa décision à la suite du changement de canton planifié par la cité prévotoise. Les autorités communale prépare une votation pour le [215]. En réaction, le Conseil-exécutif bernois annonce que la tenue de ce scrutin est impossible au vu de la fin constitutionnelle de la Question jurassienne. Le Conseil du Jura bernois a également fait savoir qu'il estime cette votation illégale et la Confédération annonce qu'elle ne soutient pas ce nouveau vote[216]. Cependant, le Conseil communal de Belprahon persiste et averti organiser une votation dite « sauvage ». Le comité antiséparatiste Belprahon Jura bernois décide de déposer un recours contre ce vote[217].
Le , le Conseil communal de Belprahon annonce finalement renoncer à organiser ce vote mais indique que « la commune de Belprahon n'abandonne pas ses droits et les fera revivre par tous les moyens à sa disposition »[218].
Le , le Gouvernement jurassien et le Conseil-exécutif bernois signent la feuille de route pour le transfert de Moutier dans le canton du Jura[N 35]. Ce document doit « encadrer les négociations en vue du changement d'appartenance cantonale de la ville » et « confirme la volonté de mettre un terme à la Question jurassienne au plus vite ». Le Gouvernement jurassien a également accepté de retirer les articles 138 et 139 de sa Constitution[N 36],[219]. Le , le Parlement jurassien accepte officiellement de retirer l'article 138 et 139 de la Constitution jurassienne afin de ne pas nuire au transfert de Moutier[N 37],[220].
Un projet de concordat intercantonal est mis en consultation pendant l'été 2023. Après l'acceptation dudit concordat par le Gouvernement jurassien et le Conseil-exécutif bernois, celui-ci est officiellement accepté, par la signature des deux présidents de la Délégation pour les affaires jurassiennes (DAJ), la jurassienne Nathalie Barthoulot et le bernois Pierre Alain Schnegg, le 24 novembre 2023. Le Concordat doit assurer la continuité administrative, fiscale, scolaire, judiciaire et hospitalière de Moutier en vue de son transfert[221],[222],[223]. Trois jours plus tard, le Grand Conseil bernois décide de modifier l'article 84, alinéa 2 de la Constitution cantonale bernoise en supprimant les références à Moutier et son ancien district[N 38]. Cette modification de la Constitution devrait être soumise au peuple en même temps que le concordat intercantonal[224]. Le , le Gouvernement jurassien annonce la création d'un district de Moutier formé de la seule commune de Moutier pour le . Ce district permettra à Moutier de former une circonscription pour l'élection au Parlement jurassien donc elle pourra élire sept députés sur 60 lors des élections en . Il s'agit d'une situation transitoire qui durera cinq ans car, aux yeux du droit fédéral, la ville est trop petite pour prétendre à un discret à elle seule. Le Gouvernement étudiera plusieurs options comme la création d'un cercle électoral unique pour l'ensemble du canton[225].
À la suite du transfert de Moutier, le Conseil-exécutif et le Grand Conseil bernois décide de réorganiser les institutions de l'Arrondissement administratif du Jura bernois. Le centre administratif est déplacé à Tavannes, le Tribunal régional, le Ministère public et la police à Reconvilier[226].
Le , les parlements bernois et jurassien ont acceptés le concordat intercantonal sur le transfert de Moutier. Le Parlement jurassien l'a adopté par 57 voix contre 1 et 2 abstentions et, le Grand Conseil bernois, par 112 voix contre 19 et 26 abstentions[227].
À la suite du transfert de Moutier, le Conseil-exécutif et le Grand Conseil bernois décide de réorganiser les institutions de l'Arrondissement administratif du Jura bernois. Le centre administratif est déplacé à Tavannes, le Tribunal régional, le Ministère public et la police à Reconvilier[226].
Le transfert de Moutier dans la République et canton du Jura est prévue pour le [228]. En attendant, les prochaines étapes institutionnelles doivent se dérouler comme suit[219],[229] :
Pour les mouvements séparatistes jurassiens, la Question jurassienne n'est pas terminée avec les cas de Belprahon et d'éventuelle communes se trouvant dans le Jura bernois.