Pointes de sagaies.
De gauche à droite : sagaie à base biseautée (Le Placard, Charente), sagaie à base biseautée (Brassempouy), deux doubles pointes en bois de renne et sagaie à base évidée en bois de renne (Laugerie-Basse)

La sagaie (de l'arabe transcrit az-zaġāyah, dérivé du berbère zagaya) est un type de lance courte utilisée comme arme de jet, plus lourde que le javelot, la lame étant plus développée que ce dernier. Elle est largement répandue parmi les peuples d'Afrique. La version européenne de la sagaie est plutôt connue sous le nom de javeline.

Description

Généralement composite, elle peut comporter une hampe en bois et une pointe effilée en matériau plus résistant.

Préhistoire

La pointe ou tête de sagaie est souvent la seule partie que l'on retrouve dans le cas des objets préhistoriques; os, silex (microlithes).

Les types d'aménagement destinés à fixer la pointe de sagaie sur sa hampe ont beaucoup varié et sont caractéristiques des différents technocomplexes du Paléolithique supérieur :

Sagaie de Lussac-Angles

La sagaie de Lussac-Angles est définie par Henri Breuil en 1912 : « les pointes à base en biseau simple deviennent toute mignonnes, souvent très courtes, avec une ou plus souvent deux profondes rainures opposées »[1]. (Une « base en biseau simple » signifie que le biseau est à l'extrémité opposée à la pointe[2].)
Mais l'expression « sagaie de Lussac-Angles » n'apparaît dans la littérature qu'en 1957, avec la publication de Allain et Descout qui en donnent la première définition véritable - quoique succincte - : « Au-dessus du Magdalénien III, tel qu'il apparait dans les couches inférieures d'Angles et de la Marche, avec ses courtes sagaies à long biseau simple, non strié, et double rainure dorsale et ventrale[3],[4].

Le cahier sur les sagaies de la collection des Fiches typologiques de l'industrie osseuse préhistorique, publié en 1988, réunit enfin toutes les données caractéristiques de la sagaie de Lussac-Angles : elle a une forme lancéolée ; ses bords sont symétriques ; sa partie distale est accolée à sa partie mésiale et elle n'a pas de fût (ou partie mésiale) ; elle porte toujours une rainure sur la face supérieure mais la rainure sur la face inférieure n'est présente que dans 50% des cas et cette dernière, quand elle existe, est toujours plus courte et plus large que la rainure de la face supérieure (ceci parce que la spongiosa, plus tendre, est toujours sur la face inférieure). La ou les rainures sont profondes à très profondes et bien délimitées ; leur section est le plus souvent en forme de V dissymétrique mais peut aussi être en forme de V symétrique ; elles sont toujours parallèles à l'axe longitudinal de la sagaie et bien centrées latéralement. La rainure de la face supérieure s'étend généralement sur la portion proximale de la partie distale et sur la portion distale de la partie biseautée, soit 30% de la longueur totale de la sagaie ; la rainure de la face inférieure ne s'étend que sur la portion proximale de la partie distale, soit 21% de la longueur totale de la sagaie[5].
C'est une sagaie courte : sa longueur la plus courante est comprise entre 6 et 8 cm[6] (61% des cas[7]), mais la plus petite est de 4 cm et la plus grande mesure 14 cm[6]. La largeur maximale, toujours placée dans la partie biseautée, est de 10 à 12,5 mm[7] ; elle est proportionnellement plus épaisse que d'autres sagaies[8] du fait de sa petite longueur.
La longueur du biseau des pièces étudiées pour lesquelles il est encore intact, est importante : environ 4 cm en moyenne, soit un peu plus de la moitié de la longueur totale[9]. Les armatures dites « de Lussac-Angles » se caractérisent par leur extrémité distale tranchante[10].
Elle est toujours réalisée en bois de renne[2].

La sagaie de Lussac-Angles s'est probablement développée initialement à Angles-sur-l'Anglin et à la Marche (commune de Lussac-les-Châteaux) dans la Vienne et est plus ou moins considérée comme un « fossile-directeur » du Magdalénien III de Breuil, c'est-à-dire le Magdalénien moyen (16 500-14 500 ans AP)[8]. Elle s'est diffusée vers le sud et on la retrouve depuis le sud du Bassin parisien jusqu'aux Pyrénées françaises et la région cantabrique, en passant par le Poitou-Charentes, le Limousin, le Massif central et le Sud-Ouest aquitain[2]. Ainsi elle est dans l'Yonne à la grotte du Trilobite d'Arcy[11], dans les Hautes-Pyrénées à Troubat, en Haute-Garonne à Marsoulas, Montconfort, les Scilles (grottes de la Save sur Lespugue) et Gourdan, en Ariège dans la salle des Morts de la grotte d'Enlène et à Montfort, dans l'Aude à Canecaude (Villardonnel)[12]

Cependant à Canecaude ces sagaies sont datées à 14 230 ans AP et à Enlène 13 940 ans AP, donc des dates plus récentes. Par ailleurs elles sont également présentes à Tito Bustillo[13],[14], ce qui indiquerait une occupation de cette grotte plus ancienne qu'il n'est généralement supposé[12]. Inversement, la grotte de El Mirón (es) (municipalité de Ramales de la Victoria, Cantabrie) a livré ce type de sagaie dans une couche succédant immédiatement au « Magdalénien archaïque-Badegoulien » [15].

La sagaie à biseau simple et à section quadrangulaire est commune au Magdalénien III aquitain et au Magdalénien inférieur cantabrique, deux cultures apparaissant simultanément (et qui présentent un autre trait commun : une proportion importante de microlithes)[8].

La notion de « culture de Lussac-Angles » est abordée par Jacques Allain dès 1985[16]. En 2013 Christophe Delage l'aborde en détail minutieux[17].

Période historique

Les sagaies sont largement répandues dans le continent africain.

Iklwa

Au XIXe siècle, Chaka Zulu modifie la sagaie : en raccourcissant la hampe et élargissant la lame, il crée une arme d'hast efficace[18]. L'iklwa ou ixwa fut utilisée avec succès par les Zoulous et les Ndébélés.

Voir aussi

Bibliographie

Filmographie

Articles connexes

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Liens externes

Notes et références

  1. [Breuil 1912] Henri Breuil, « Les subdivisions du Paléolithique supérieur et leur signification », compte rendu de la 14e session du Congrès international d'anthropologie et d'archéologie préhistoriques, Genève,‎ , p. 165-238 (lire en ligne [PDF] sur halshs.archives-ouvertes.fr, consulté en ), p. 209. Cité dans Paillet, Pinçon & Bourdier 2016, p. 19.
  2. a b et c [Delage 2012] Christophe Delage, « De la "pointe de sagaie" a la "Culture de Lussac-Angles", il y a plus qu'un pas. Argumentaire », Bulletin de la Société d'études et de recherches préhistoriques des Eyzies (SERPE), no 62,‎ , p. 23-48 (lire en ligne [sur researchgate.net], consulté en ), p. 31.
  3. [Allain & Descout 1957] Jacques Allain et Jean Descout, « À propos d'une baguette à rainure armée de silex découverte dans le Magdalénien de Saint-Marcel », L'Anthropologie, vol. 61, nos 5-6,‎ , p. 503-512. Cité dans Paillet, Pinçon & Bourdier 2016, p. 19.
  4. Paillet, Pinçon & Bourdier 2016, p. 19-20.
  5. [Pinçon 1988] Geneviève Pinçon, chap. fiche I.3 bis « Sagaies de Lussac-Angles », dans Henri Delporte, James Hahn, Lucette Mons, Geneviève Pinçon, Denise de Sonneville-Bordes, Fiches typologiques de l'industrie osseuse préhistorique - I. Sagaies, Aix-en-Provence, Publications de l'université de Provence, coll. « Fiches de la commission de nomenclature sur l'industrie de l'os préhistorique », , 248 p., sur prehistoire.org (ISBN 2-85399-192-X, lire en ligne), p. 74-79 du lecteur pdf, p. 76 (du lecteur pdf).
  6. a et b Pinçon 1988, p. 77.
  7. a et b Pinçon 1988, p. 78.
  8. a b et c [Sauvet et al. 2008] Georges Sauvet, Javier Fortea, Carole Fritz et Gilles Tosello, « Échanges culturels entre groupes humains paléolithiques entre 20 000 et 12 000 BP », Bulletin de la Société Préhistorique Ariège-Pyrénées, t. 63,‎ , p. 73-92 (lire en ligne [sur gallica], consulté en ), p. 78.
  9. Pinçon 1988, p. 79.
  10. [Paillet, Pinçon & Bourdier 2016] Patrick Paillet, Geneviève Pinçon et Camille Bourdier, « Historique des recherches sur les faciès à Lussac-Angles et à navettes », dans Camille Bourdier, Lucie Chehmana, Romain Malgarini et Marta Połtowicz-Bobak, L'essor du Magdalénien. Aspects culturels, symboliques et techniques des faciès à Navettes et à Lussac-Angles (Actes de la séance de la Société préhistorique française de Besançon, 17-19 octobre 2013), Paris, Séances de la Société préhistorique française, , sur hal.archives-ouvertes.fr (lire en ligne), p. 19-32, p. 19.
  11. Delage 2012, p. 32.
  12. a et b Sauvet et al. 2008, p. 79.
  13. [Moure 1975] (es) Alphonso Moure Romanillo, Excavaciones en la cueva de Tito Bustillo (Ribadesella, Asturias) : campañas 1972 y 1974 [« Fouilles de la grotte de Tito Bustillo (Ribadesella, Asturies) : campagnes 1972 et 1974 »], Oviedo, Instituto de Estudios Asturianos, , 106 p. (ISBN 84-00-04206-9), p. 43. Cité dans Sauvet et al. 2008, p. 79.
  14. [Clottes 1989b] Jean Clottes, « L'art pariétal du Magdalénien récent » (colóquio Internacional de Arte Prehistorica, Montemor-o-Novo, Portugal), Almansor, revista de Cultura, no 7,‎ , p. 37-94, p. 76. Cité dans Sauvet et al. 2008, p. 79.
  15. [Straus et González Morales 2005] Lawrence Guy Straus et Manuel R. Gonzalez Morales, « The Magdalenian Sequence of El Mirón Cave (Cantabria, Spain): An Approach to the Problems of Definition of the Lower Magdalenian in Cantabria, Spain », El Mirón Cave Project,‎ .
    [Straus et González Morales 2005] Lawrence Guy Straus et Manuel R. Gonzalez Morales, « El Magdaleniense de la cueva del Mirón (Ramales de la Victoria, Cantabria, España) : observaciones preliminares », dans N. Bicho et M. Soledad Corchón Rodríguez (dir.), O Paleolítico (actes du 4e Congrès d'Arquéologie Péninsulaire, université d'Algarve (Faro, 14-19 septembre), Centro de Estudos de Patrimonio, Departamento de Historia, Arqueologia e Patrimonio), , p. 49-62. Cité dans Sauvet et al. 2008, p. 79.
  16. Delage 2012, p. 24.
  17. Delage 2012.
  18. Draken, « Le Napoléon noir », sur histoiredelafrique.fr, (consulté le )