Mouvement libertaire
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Le Mouvement libertaire (en espagnol : Movimiento libertario, en catalan : Moviment Llibertari) est une structure de coordination, fondée en en Espagne, qui réunit la Confédération nationale du travail, la Fédération anarchiste ibérique et la Fédération ibérique des jeunesses libertaires.

Débordant le concept strict de mouvement anarchiste, le concept est déjà utilisé par Sébastien Faure dans La synthèse anarchiste en 1928 ou par Jean Grave dans son ouvrage Le mouvement libertaire sous la IIIe République, publié en 1930.

Par extension, le terme désigne dans le langage courant, l'ensemble des individus ou structures collectives qui sont proches des courants anarchistes ainsi que le démontre le Dictionnaire biographique du mouvement libertaire francophone publié en 2014.

Historique

En Espagne

Une manifestation à Barcelone avec une bannière Solidaridad Obrera, le quotidien de la Révolution sociale espagnole de 1936.

En , à la suite des affrontements des journées de mai 1937 à Barcelone, la nécessité de changer en profondeur le schéma organisationnel de l'anarcho-syndicalisme pousse la Confédération nationale du travail, la Fédération anarchiste ibérique et la Fédération ibérique des jeunesses libertaires, à constituer le Mouvement Libertaire[1],[2].

Le terme devint d’usage courant seulement en 1937 et 1938.

En , est créé un Comité exécutif du Mouvement libertaire (CEML) qui vise à renforcer la cohérence de l'action des trois composantes considérées comme un tout organique[3]. Selon l'historien Miguel Amorós, ayant capitulé devant l'enjeu révolutionnaire, les principaux dirigeants du Mouvement libertaire se rallient à l'option stalinienne, dont le résultat final est l'enterrement de la révolution et la défaite militaire[4].

En , l'organisation féminine libertaire[5] Mujeres Libres demande sa reconnaissance comme branche autonome du Mouvement libertaire[6]. La proposition des femmes libres est rejetée, sous le prétexte qu' « une organisation spécifique de femmes injecterait un élément de désunion et d’inégalité au sein du mouvement libertaire et aurait des conséquences négatives pour la défense des intérêts de la classe ouvrière »[7]. Les détracteurs de Mujeres Libres clament l'universalisme du mouvement libertaire ; concevoir une lutte des femmes revient à nier la substance vitale du mouvement. De plus, il induit une révolution en une seule et unique étape : la révolution libertaire sera totale et globalisante, l'émancipation des femmes et des hommes y est incluse[8].

Mouvement libertaire en exil

Après la défaite et la retirada, le à Paris, est constitué le Conseil général du Mouvement libertaire espagnol (MLE)[9] dont font partie notamment Federica Montseny, Juan Garcia Oliver, Juan Manuel Molina Mateo, Germinal de Sousa[10] et Pedro Herrera Camareto[11].

Entre 1939 et 1975, le Mouvement libertaire espagnol organise des filières de passage clandestin utilisées par la guérilla antifranquiste[12]. Sigfrido Catalán, Ramon Rufat, José Expósito Leiva font partie de ses dirigeants qui organisent la résistance intérieure, la propagande et les exfiltrations, ils sont régulièrement arrêtés ou exécutés[13].

Lors de son congrès ouvert le à Paris et réunissant 329 délégués représentant 442 fédérations locales et 40 000 adhérents, le MLE réaffirme être « partisan du maintien de l’action directe » sur le terrain immédiat en Espagne franquiste[14].

En France

Lors de la Deuxième Guerre mondiale, dans la France occupée, c’est dans la clandestinité, lors d'une conférence organisée en [15], que se constitue le Mouvement Libertaire, fusion de deux organisations d'avant-guerre : l’Union anarchiste (UA) et la Fédération anarchiste de langue française (FAF)[16].

Le , se tiennent les assises du Mouvement libertaire, qui donnent naissance à la nouvelle Fédération anarchiste[17].

Maurice Joyeux précise : « Le Mouvement libertaire, fédérait trois tendances représentées par trois journaux : Ce qu'il faut dire, qui rassemblait Louis Louvet et ses amis ; Le Combat syndicaliste, organe de la minorité anarcho-syndicaliste de la CGT, animé par Pierre Besnard et Le Libertaire, organe de la Fédération anarchiste, créé par une autre motion du Congrès »[18].

Évolutions contemporaines

À la fin du XIXe siècle, les termes anarchiste et libertaire sont utilisés comme des synonymes.

En France, à la suite des lois votées dans l'urgence les 11 et et le , interdisant tout type de propagande, les anarchistes s'emparent du mot libertaire pour s'identifier et poursuivre leurs activités, notamment éditoriales.

Au XXe siècle, un mouvement libertaire spécifique émerge, qui déborde le cadre historique du mouvement anarchiste.

Dans les années 1960-1970, le mouvement libertaire marque une rupture générationnelle et idéologique avec les vieilles traditions anarchistes jugées dépassées, au profit de la mouvance contestatrice. Aujourd'hui, un grand nombre de militants se réclament de l'héritage libertaire tout en refusant l'étiquette anarchiste[19].

Selon l'historien Gaetano Manfredonia, il existe « une histoire conflictuelle [au sein du mouvement] qui ne présente que peu de rapports avec les manifestations de prétendus « principes intangibles » de l’Anarchisme. En bien des points l’image traditionnelle que l’on se fait du mouvement libertaire, sa signification et sa portée, doit être profondément révisée »[20].

Selon le politologue Simon Luck, le mouvement libertaire actuel se caractérise par des modes d’organisation horizontaux, des modes de délibération basés sur la démocratie directe et des répertoires d’action directe. Par ailleurs, le mouvement libertaire invente une nouvelle articulation entre l’autonomie des individus et la préservation de leur identité au sein du collectif, une transformation globale de l’engagement dans le sens d’une émancipation toujours plus grande des acteurs vis-à-vis des identifications collectives, un dépassement des contraintes du militantisme classique[17].

Pour le sociologue Mimmo Pucciarelli, on assiste, depuis la fin des années 1960, à un renouveau du mouvement libertaire. Il souligne que les « libertaires de l'an 2000, tout en continuant à exprimer leur sensibilité libertaire et une forte solidarité pour le plus démunis, ne sont plus les porteurs du rêve du Grand Soir, ou de celui visant à créer un paradis sur terre. Pourtant, par leurs pratiques quotidiennes et la problématique qui est la leur (quelle liberté et quelle justice pour un monde meilleur ?), ils continuent à parcourir les chemins de l'utopie. »[21]

Un concept protéiforme

Débordant le concept strict de mouvement anarchiste, l'expression mouvement libertaire est utilisée dans des cadres extrêmement divers et parfois contradictoires, en voici quelques illustrations :

Commentaire

Depuis un siècle et demi, de ses prémices en 1840 aux années 2000, le mouvement libertaire nourrit l’imaginaire collectif et tient un rôle à part au sein du mouvement social. Ses différents courants témoignent de sa diversité et l’on a vu s'en réclamer aussi bien des « propagandistes par le fait » que des théoriciens, des artistes ou des ouvriers, autant de militants d’origines diverses et aux parcours singuliers[22].

Notes et références

  1. Serge Salaün, Carlos Serrano, Autour de la guerre d'Espagne, Presses Sorbonne Nouvelle, 1993, page 43.
  2. François Godicheau, Les mots de la guerre d'Espagne, Presses Universitaires du Mirail, 2003, (ISBN 978-2858166848), page 6.
  3. François Godicheau, La guerre d’Espagne. République et révolution en Catalogne (1936-1939), Paris, Éditions Odile Jacob, 2004, page 359.
  4. Georges Ubbiali, Durruti dans le labyrinthe, revue Dissidences, Bibliothèque de comptes rendus, 4 mai 2011, texte intégral.
  5. Mary Nash, Femmes Libres : Espagne, 1936-1939, La pensée sauvage, 1977, lire en ligne.
  6. Jean-Paul Salles, Mujeres Libres, des femmes libertaires en lutte. Mémoire vive de femmes libertaires dans la Révolution espagnole, revue Dissidences, Bibliothèque de comptes rendus, 11 juin 2011 texte intégral.
  7. Martha A. Ackelsberg, « Séparées et égales » ? Mujeres Libres et la stratégie anarchiste pour l’émancipation des femmes, Feminist studies, vol. 11, n°1, printemps 1985, pp. 63-83, texte intégral
  8. Yannick Ripa, Le genre dans l'anarcho-syndicalisme espagnol (1910-1939), Clio, Histoire‚ femmes et sociétés, n°3, 1996, texte intégral.
  9. Freddy Gomez, « L’exil libertaire espagnol », sur 24 Août 1944, .
  10. Dictionnaire international des militants anarchistes : Germinal de Sousa.
  11. Dictionnaire international des militants anarchistes : Pedro Herrera Camareto.
  12. Guillaume Goutte, Passeurs d'espoir : réseaux de passage du Mouvement libertaire espagnol (1939-1975), Éditions libertaires, 2013, extraits en ligne.
  13. (es) Ramon Rufat, En las prisiones de España, Fundacion Bernardo Aladrén, (ISBN 8493320218 et 9788493320218, OCLC 85184498)
  14. Le Congrès du mouvement libertaire espagnol, Le Libertaire, n°6, juin 1945, texte intégral.
  15. Nicolas Inghels, Le mouvement anarchiste en Belgique francophone de 1945 à 1970, Mémoire de licence en Histoire contemporaine, sous la direction de José Gotovitch, Université libre de Bruxelles, 2002, page 70.
  16. Qu’est-ce que le Mouvement Libertaire ?, Le Libertaire, n°1, 21 décembre 1944, La presse anarchiste, lire en ligne.
  17. a et b Simon Luck, Sociologie de l’engagement libertaire dans la France contemporaine. Socialisations individuelles, expériences collectives, et cultures politiques alternatives, Thèse pour le doctorat de science politique sous la direction d'Yves Déloye, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Département de science politique (UFR11), École doctorale de science politique (ED 119), Centre de recherches politiques de la Sorbonne (UMR 8057), 2008, texte intégral.
  18. Maurice Joyeux, L'Hydre de Lerne, Fédération Anarchiste, 1996, p. 3-4.
  19. Sylvain Boulouque, La fin du PCF : vers un néo-communisme ?, Communisme, n°72-73, L'Age D'Homme, 2002-2003, page 198.
  20. Gaetano Manfredonia, Études sur le mouvement anarchiste en France : 1848-1914, Thèse de doctorat, Histoire, dir. Raoul Girardet, Institut d’Études Politiques Paris, 1990, résumé en ligne.
  21. Mimmo Pucciarelli, Les libertaires de l'an 2000 sociologie de l'imaginaire libertaire d'aujourd'hui, Thèse de doctorat en sociologie sous la direction de Alain Pessin, Université Pierre-Mendès-France - Grenoble II, 1998, résumé en ligne.
  22. Abdel Samari, « Nimes. Horizons, la féria du livre de la critique sociale et des émancipations », Objectif Gard,‎ (lire en ligne).

Bibliographie

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes