Naissance | |
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Nom de naissance |
Anne Louise Tilleke |
Nationalité |
franco-suédoise |
Activité | |
Formation |
autodidacte |
Mouvement | |
Distinction |
Prix Alphonse-Cellier de l'Institut de France |
Louise Tilleke est une artiste plasticienne peintre, vidéaste et installationniste franco-suédoise née Anne Louise Tilleke le 21 octobre 1980 à Göteborg (Suède).
Née à Göteborg, Louise Tilleke est d'ascendance paternelle sri-lankaise : son grand-père, William Goonetilleke, est le cousin d'Oliver Ernest Goonetilleke qui fut gouverneur général de Ceylan puis figure de l'indépendance du Sri Lanka. Elle vit en France depuis 1981 où ses parents, après avoir vécu de nombreuses années à Londres, puis à Göteborg, viennent s'installer dans l'Oise, successivement à Chantilly[1] et à Saint-Leu-d'Esserent.
En rupture avec le monde académique, celui de l'enseignement classique comme celui des Beaux-Arts, c'est après un séjour de sept mois à Negombo (Sri Lanka), en 1997, au cours duquel elle occupe différents postes au Royal Oceanic Hotel, qu'elle revient à Paris où elle vit jusqu'en 2006 dans une chambre de bonne située au 64, rue de Monceau, prend des cours d'art dramatique auprès de Jean-Laurent Cochet et vit de nombreux petits emplois. Son compagnon d'alors la pousse cependant vers la peinture qu'elle commence à pratiquer en 2006. C'est par le peintre Gérard Alary, dont elle est l'amie, qu'elle découvre les travaux de Franz Kline, Robert Motherwell, Emilio Vedova et Hermann Nitsch, puis qu'elle rencontre Vladimir Veličković, dont le soutien lui vaudra en 2016 l'obtention du Prix Alphonse-Cellier de l'Institut de France, et Olivier Kaeppelin à qui elle devra ses principales expositions personnelles[2].
Elle vit pendant dix ans au 27, rue des Abbesses à Paris avant de s'installer dans un atelier à Bagnolet. On observe dès 2014 que son « travail est très influencé par la psychanalyse. Le trait est vif, hachuré, mettant en exergue la psychologie de ses personnages »[3]. Invitée par Jean-Louis Costes de 2016 à 2018, en marge de la Foire internationale d'art contemporain, à s'approprier par ses peintures, installations, vidéos et performances le grand chantier de l'hôtel Le Lotti à Paris en cours de devenir l'hôtel Costes[4],[5], associée également à des événements internationaux à Pékin, Tel Aviv et Moscou[6], elle revendique alors l'influence du sociologue et psychologue social Gabriel Tarde (1843-1904) qu'explique Thibaut Josset : « l'homme social, s'il ne cesse jamais de façonner la société par sa qualité d'individu, n'en est pas moins un imitateur, assimilé à un somnambule, hypnotisé par le rêve social. Dans une démarche détachée et objective, Louise Tilleke dresse à travers une œuvre protéiforme un état des lieux du somnambulisme social au XXIe siècle »[6].
C'est intéressée aux recherches de Jacques Benveniste et Luc Montagnier qu'en 2017, avec son exposition EauMento qui est soutenue par la Société Ricard, Louise Tilleke s'empare du thème de la mémoire de l'eau, dans une perspective que Clara Heinrich qualifie de « psychanalytique et métaphorique : l'eau comme matière du souvenir »[4].
Le guide d'exposition remis à chaque visiteur indique ainsi que « l'eau devient ici langage. Notre mémoire reflète dans ces eaux souillées ou bien limpides, et révèle ce par quoi nous avons été traversés. Le ricochet de nos actes, de nos joies, de nos traumatismes, nos émotions infusent les eaux. Le corps humain, composé majoritairement d'eau, devient le buvard de chaque minute passée. Cette approche nous questionne sur la charge émotionnelle que contiendraient ces molécules d'eau, et par conséquent quels pouvoirs purificateurs l'eau pourrait offrir »[7]. Pour cette proposition de cinq toiles (dont La douche), cinq vidéos (dessins et corps immergés) et cent cinquante dessins, « de nombreux papiers - Cent papiers - furent plongés dans l'eau, puis séchés. Ils laissent paraître les traces du grand nettoyage. Les papiers sont là, posés à même le sol, dans la brutalité de quand ils sont nés… Les souvenirs, les traumatismes jaillissent en petits ou en grands formats, tous assimilés à la mémoire de l'eau »[4]. Enfin, une installation est constituée de 350 sachets de congélation suspendus en plein vent. Chacun d'eux, représenté par une date, conserve la mémoire d'un jour passé (16/09/1896 : Tristan Tzara est né ; 28/10/1909 : Francis Bacon est né ; 4/10/1960 : Ruby Bridges, première américaine noire à intégrer une école réservée aux blancs…). « des gouttes s'en échappent, les mémoires transpirent, elles nous confient leurs secrets »[7].
Le titre que donne Louise Tilleke à son exposition de 2018 rappelle le discours inaugural de John Fitzgerald Kennedy prononcé en janvier 1961 sur le devoir de responsabilité de tout individu envers une cause plus grande que lui[8]. Pour Olivier Kaeppelin, avec Ne demande pas à la Terre…, « il ne s'agit pas de discours, mais d'une femme qui, avec son art, nous livre ses inquiétudes, les images et les visions qui sont les siennes, souvent fantasmagoriques, d'un monde menacé et menaçant »[9]. Les toiles de grandes dimensions - les figures humaines (des portraits de Nikola Tesla, du pape François, de Severn Cullis-Suzuki) y côtoient les figures animales (La bande des loups) - sont assorties de « narrations fugitives » (créations sonores et films très brefs dont Le cri) qui induisent des sensations de décalage, de cassure, voire de disparition[9]. Jean-Paul Gavard-Perret observe ici pour sa part qu'« en mixant la présence des personnages qui luttent pour la sauvegarde de la planète bleue, des paysages menacés et des figures d'animaux, […] Louise Tilleke cherche à créer des émotions visuelles fortes où transparaissent dérives, perditions, solitudes »[5].
L'artiste s'investit ensuite dans une suite d'œuvres sur l'orgone, basée sur les écrits du psychologue Wilhelm Reich (1897-1957)[10]. Elle s'en justifie en particulier dans l'installation Méditation positive présentée au Fresnoy - Studio national des arts contemporains de Tourcoing en 2021. « Je vous parle ici d'énergie cosmique, tellurique, métabolique, de ce que Wilhelm Reich nommait l'orgone », y confirme-t-elle[11].
Au catalogue de l'exposition sont reportées deux citations qui traduisent, selon elle, ce qu'elle tient de fait à exprimer au travers de cette exposition : de Wilhelm Reich, « dis-leur que tu n'as pas le temps de faire la guerre, que tu as mieux à faire »[12] ; de Blaise Cendrars, « Rien n'est admissible sauf la vie, à condition de la réinventer chaque jour »[13].