Plaque humoristique apposée sur une voiture, relative au plat emblématique ashkénaze du gefilte fish.

L’humour juif est l’humour porté par les Juifs sur le monde et sur eux-mêmes. Remontant à la Torah, aux Talmuds et au Midrash, il s’est diversifié selon les époques, les conditions socio-politiques, et les lieux dans lesquels se sont retrouvées les diverses communautés juives.

Actuellement, l’« humour juif » fait généralement référence à une forme plus récente, dont le centre était situé en Europe centrale et de l’Est, et s’est particulièrement développé aux États-Unis : les Juifs y sont fortement représentés, que ce soit dans le vaudeville, la stand-up comedy, les films, et la télévision[1],[2].

Ce dernier humour, à base d’autodérision, est fréquemment empreint des stéréotypes des Juifs sur eux-mêmes ou des autres sur eux. Mais il peut prendre une forme plus universelle, et mettre en lumière l’absurdité de la condition humaine, de son rapport au divin, comme on le voit chez Franz Kafka[3],[4],[5].

Présentation

L'humour juif - et le rire qu'il provoque - peut être sourcé dès l'Antiquité : dans la Bible hébraïque, « les centenaires Sarah et Abraham rient quand Dieu leur annonce qu’ils vont avoir un enfant »[6]. Aussi, comme le nom du patriarche biblique Isaac signifie « Il rira », l'allusion devient ironique au regard de l'histoire et du sort du peuple juif, ainsi préparé depuis le début à ce qui l'attend[7]. « Empreint d’ironie et d’autodérision, cet état d’esprit fait écho à la nature dialectique, distanciée, de la théologie juive, où la vérité n’existe que confrontée à celle de l’autre – et qui s’incarne notamment dans les exégèses ambivalentes de la Torah et du Talmud »[8].

Une des particularités de l’humour juif est d’être dirigé contre le Juif lui-même et son univers culturel. Ce qui en ressort n'est guère flatteur car ce sont ses propres défauts et ses faiblesses qui sont mis en scène. Cependant, cette « auto-agression » préserve une charge de sympathie et d’affection où auto-critique ironique et tendresse se confondent[9]. Vladimir Jankélévitch souligne que cet humour réflexif « n’est pas sans la sympathie... L’humour compatit avec la chose plaisantée, il est secrètement complice du ridicule et se sent de connivence avec lui... Au fond, l’humour a un faible pour ce qu’il raille »[10].

Drôle et grinçant, l’humour juif est un compagnon de route et « une règle de survie », faisant passer des larmes au rire et du rire aux larmes[8],[11]. Avec dès le Moyen Àge, une fabuleuse capacité à raconter des histoires amusantes et terribles (appelées witz) au shtetl, où, « isolés, ostracisés, persécutés, les Juifs développent dans ces ghettos une incroyable capacité d’humour défensif »[6] qui semble figurer leur principale arme contre l'adversité[12]. C'est un « outil de résilience », dit Delphine Horvilleur, pour redevenir acteur dans sa vie après avoir été victime d'une tragédie[11], « rire de soi (et des autres) aide à surmonter les tragédies et permet de se reconnaître dans un passé commun tissé de migrations, de persécutions et d’assimilations, l’humour juif est aussi l’objet de bien des clichés »[8].

Mendele Moïkher Sforim considère que « l'idée de son éternité est enfouie au fin-fond du cœur du Juif - c'est pourquoi, là où les autres pleurent, lui rit ! »[13].

Livre antisémite intitulé Jew Jokes édité à Cleveland (1908)

Souvent réponse à l'antisémitisme, l'humour juif reprend les poncifs des accusations des antisémites, où les Juifs rient les premiers de leurs défauts vrais et surtout supposés. L'humour antisémite est récupéré par les Juifs par autodérision et par amour de l’humour. Le seul critère pour reconnaître une blague antisémite est qu'elle est racontée par un antisémite : son intention est différente[12],[11]. La « blague antisémite, quand elle est racontée par un juif à un autre juif (...), se libère de son côté nauséabond pour retrouver les fonctions premières de l’humour, la rupture, le chemin de travers, le jeu, le jeu de mots, l’absurde, la transgression, le manque de respect »[12]. Pour autant, le risque demeure d'une utilisation antisémite de cet humour par les non-juifs[14].

Pour Genette, l'humour juif consiste « à se faire, non pas plus bête, mais par exemple plus cupide, ou plus sale, ou plus roublard, ou plus pleutre, ou plus cynique, ou plus possessif (la « mère juive »), etc. », en jouant « constamment de cette ambiguïté dans le registre d'une auto-dépréciation semi-feinte »[15]. L'humour juif doit donc être fait par un Juif à partir d'éléments de la culture juive. La caractéristique de cet humour est donc à deux niveaux, d'une part la forme employée, l'auto-dénigrement, d'autre part la thématique employée

L'évolution de l'humour juif montre une première phase préparatoire marquée par « l'ironie dirigée contre soi-même ou sa communauté » et une seconde, moderne, due au développement de la culture yiddish où l'humour est « plus douloureux, sorte d'incertitude existentielle teintée d'indulgence et de bienveillance »[16]. Cet humour est rendu public par la littérature, le théâtre, le cinéma, la télévision ou la bande-dessinée.

L'historienne Salcia Landmann[17] ou le dessinateur Jul considèrent qu'une des caractéristiques fondamentales de ce type d'humour à travers l'expérience millénaire de la diaspora juive, est d'être toujours en marge, du côté des minorités, des sans-droit et des opprimés, et jamais « au centre du pouvoir », ce qui fait qu'en définitive, il puise sa force dans cette absence de pouvoir[11]. La première anthologie connue après la 2e guerre mondiale est de l'écrivaine suisse, Salcia Landmann, née Salcia Passweg, publié en allemand en 1960 [18]. Le livre a été traduit en 1962 en néerlandais et est devenue la source de plusieurs autres livres, qui ne l'ont pas toujours cité.

Humour illustrant pleinement la culture juive[8], sa longévité et son succès montrent que cet humour possède une force consolatrice, résiliente et ainsi, universelle[6].

Dans son ouvrage Le mot d’esprit et sa relation à l’inconscient, Sigmund Freud écrit en 1905 : « Je doute qu’il soit encore si fréquent qu’un peuple se moque à ce point de lui-même »[6],[12].

Quelques thèmes anciens ou récents

Joseph Klatzmann distingue les « thèmes de toujours »mère juive, religion, argent – des thèmes propres au contexte historico-social des pays d'adoption des Juifs[19].

De manière plus englobante :

Moïse a dit : Tout est loi.

Jésus a dit : Tout est amour.

Marx a dit : Tout est argent.

Freud a dit : Tout est sexe / Tout est dans la tête.

Einstein a dit : Tout est relatif.

Dieu et religion

Pour Delphine Horvilleur, on peut rire de Dieu, du divin et du transcendant parce qu'on considère que Dieu est suffisamment grand, immense et infini pour ne pas être sujet à la vexation - et qui peut même rire des histoires juives[11]. Ainsi, un proverbe juif dit : « L'homme pense, Dieu rit ».

La religion est une source classique d'humour juif : interprétation des règles du chabbat, opinions de rabbin, incidents à la synagogue, relations avec les autres religions, les sujets abondent :

La satire du Talmud à travers le pilpoul du quotidien juif :

Mère juive

La mère juive, décrite comme dominante et persuadée que son fils est le meilleur, est un grand classique qui a d’ailleurs donné lieu à une pièce intitulée : Comment devenir une mère juive en 10 leçons, de Paul Fuks, d’après Dan Greenburg.

Argent et commerce

L’argent et le commerce, thèmes éculés des plaisanteries antisémites, se retrouvent aussi dans l’humour juif :

Antisémitisme

L’antisémitisme lui-même est une source de plaisanteries :

Autodérision

L’autodérision :

Absurde

L’absurde :

Limites à propos de la Shoah ?

Les archives (Ringelblum Archive) de l'époque de la Shoah collectées clandestinement par une équipe dirigée par une victime, Emanuel Ringelblum, documentent la vie quotidienne dans les ghettos juifs organisés par les nazis, en particulier le ghetto de Varsovie. Ces documents montrent notamment la perspective humoristique de la vie juive inhumaine ; les archives comprennent des blagues sur les Polonais, les nazis, Hitler, Staline, etc. et une bonne partie d'entre elles portent sur la vie, la mort, la maladie, la faim et l'humiliation[34].

Terrence Des Pres, Sander Gilman et (en)Sidra DeKoven Ezrahi sont parmi les premiers chercheurs à considérer la pertinence de l'humour sur la Shoah et qui a le droit de raconter des blagues à ce sujet[35] pour distinguer l'humour noir (mécanisme d'adaptation) de l'humour antisémite (instrument d'agression raciste)[36],[37],[38].

Dans son livre de 1946[39], Viktor Frankl, professeur en neurologie et psychiatrie et survivant d'Auschwitz écrit : « Découvrir qu'il y avait un semblant d'art dans un camp de concentration doit être assez surprenant pour un étranger, mais il peut être encore plus étonné d'entendre qu'on pouvait y trouver aussi le sens de l'humour ; bien sûr, seule une faible trace... seulement pendant quelques secondes ou minutes. L'humour était une autre des armes de l'âme dans la lutte pour l'auto-préservation ». Frankl en donne un exemple : Alors que les prisonniers juifs étaient transportés vers un autre camp et que le train s'approchait du pont sur le Danube au-dessus duquel se trouvait le camp de la mort de Mauthausen, « Ceux qui n'ont jamais rien vu de semblable ne peuvent imaginer la danse de joie exécutée dans la voiture par les prisonniers lorsqu'ils ont vu que notre transport ne traversait pas le pont et se dirigeait plutôt uniquement vers Dachau » . Lorsque les détenus ont appris qu'il n'y avait pas de crématorium dans le camp, ils « ont ri et ont fait des blagues malgré et pendant tout ce qu'ils [avaient] dû traverser »[40] : « une réponse anormale à une situation anormale est dans la nature d'un comportement normal »[41].

Chaya Ostrower distingue trois grandes catégories de blagues dans son livre d'interviews de 2009 Sans humour, on se serait suicidé[38] : l'auto-humour, l'humour noir et l'humour sur la nourriture (type de blagues uniques pour la période de la Shoah).

Temps modernes

Raconter des blagues sur la Shoah en public est de nos jours illégal en Allemagne[43].

Démontrant que l'humour sur la Shoah n'est ni tabou ni « sacré » mais international, Alan Dundes et Thomas Hauschild citent deux versions d'une blague enregistrée en Allemagne et aux États-Unis au début des années 1980 :

Adam Muller et Amy Freier remarquent qu'à l'époque moderne, de plus en plus de gens se sentent à l'aise pour plaisanter sur la Shoah et attribuent cela, entre autres raisons, au fait que depuis que la génération des survivants est passée, il n'y a plus de témoins des atrocités qui pourraient fournir des témoignages émouvants de première main. Cependant, « l'étiquette de l'Holocauste » prescrit de le considérer comme un événement unique, solennel et, dans une certaine mesure, sacré, et les rires liés à l'affaire perturbent cette convention et sont considérés comme de mauvais goût. D'autres personnes voient la comédie moderne sur la Shoah comme un moyen d'accepter la mémoire des horreurs nazies[44]. En 2009, bien qu'elle soit juive elle-même, Roseanne Barr est fortement critiquée pour sa photographie d'Hitler avec un plateau de « biscuits juifs brûlés » parue dans un magazine juif satirique Heeb[45],[46].

En 2016, un film documentaire américain sur l'humour et la Shoah intitulé (en)The Last Laugh[47], réalisé par Ferne Pearlstein[48], est constitué d'entretiens avec de nombreux artistes juifs pour la plupart.., et particulièrement celui d'une survivante, (en)Renee Firestone, qui semble avoir traversé la Shoah avec un sens de l'humour intact, pour situer les limites du « jeu »[49],[50] : « It's OK to make fun of the Nazis, but not about the killing »[51].

Aux États-Unis

A la fin du XIXe siècle, trois millions de Juifs, la plupart originaires d'Europe, s'installent aux Etats-Unis. Franz Kafka raconte les tribulations de l'un d'eux (dans L'Amérique ou Le disparu) et Georges Perec consacre un récit à la zone de transit d'Ellis Island[16].

De nombreux Européens tels Goscinny ou Gotlib sont impressionnés par l'humour révolutionnaire du magazine satirique Mad[11].

Tin Pan Alley

Couverture de I'm a Yiddish cowboy : un Levi dur à cuire « raconté par Guy Levi » (1908). (Sujet : Un vrai cowboy juif du nom de Levi devient le garde du corps de Chang Kai-Chek pendant la Révolution chinoise)[52].

Dès le XIXe siècle, nombre de professionnels de la musique aux États-Unis sont des Juifs ayant fui les pogroms antisémites ou émigrés d'Europe centrale et orientale ; ces représentants de la culture juive yiddish participent activement à la construction de l'industrie musicale du Tin Pan Alley et de Broadway[53],[54].

À la manière du Blackface déjà en vogue, des comédiens blancs non-juifs se griment façon « Jewface » (nez proéminent, barbe hirsute, accent yiddish) pour jouer des personnages de vaudeville, en s'appuyant sur des stéréotypes moqueurs voire diffamants visant la communauté juive immigrée, où les Juifs sont dépeints comme des escrocs ou des criminels. Le tout s'accompagne de chansons du Tin Pan Alley composées par des compositeurs juifs comme Irving Berlin.

S'il existe un public juif et non-juif pour apprécier ces morceaux, d'autres Juifs sont bouleversés par ces représentations et la Conférence centrale des rabbins américains en 1909 adopte une résolution pour protester (vainement) contre ces représentations du Juif sur scène[55]. Quand les Juifs décident d'incarner eux-mêmes ces rôles s'inscrivant, selon eux, dans le cadre de l'humour juif, les stéréotypes dépeints deviennent « moins péjoratifs », tout en restant autodérisoires.

Représentants

Groucho, Harpo, Chico & Zeppo Marx en couverture du Time magazine (15 août 1932)

Aux États-Unis, le plus célèbre représentant pour les Français est Woody Allen, ce dernier étant devenu pour eux l’image même de l’humour juif new-yorkais associé à Manhattan.

Plus tôt dans l’histoire du cinéma, les Marx Brothers sont brillamment passés des scènes de Broadway au grand écran.

Si l’inspiration juive de Charlie Chaplin est controversée, le barbier du film Le Dictateur (1940) est explicitement issu du monde juif en butte aux persécutions nazies. On peut citer également Danny Kaye, Jerry Lewis, Andy Kaufman, Jim Abrahams, Larry David ou Jerry Seinfeld.

En 1968, dans le film The Producers de Mel Brooks, un producteur véreux cherche à monter une comédie musicale à Broadway intitulée Le Printemps d'Hitler. Le film applique la formule de Steve Allen : « Tragédie + temps = comédie ».

Plusieurs grands écrivains, comme Saul Bellow, Cholem Aleikhem, Isaac Bashevis Singer ou Philip Roth, ont illustré l’humour juif dans la littérature américaine.

Des plaisanteries ont également construites sur le changement des rôles sociaux de genre (dans le mouvement orthodoxe plus traditionnel, les femmes se marient à un jeune âge et ont de nombreux enfants, tandis que les mouvements conservateurs et réformistes plus libéraux rendent les rôles de genre plus égalitaires, ordonnant même des femmes comme rabbins). Le mouvement reconstructionniste est le premier à ordonner des homosexuels, ce qui conduit à de nouvelles plaisanteries :

Au tournant du siècle et dans les années 2000, de nombreux artistes humoristes américains sont d'ascendance juive comme Carl Reiner, Rob Reiner, Robert Clary, Gilbert Gottfried, Joan Rivers, Mel Brooks, David Cross, Jerry Seinfeld ou Larry Charles.

En France

La littérature française est riche d’écrivains juifs connus pour leur humour, et pourtant ceux-ci, d’André Maurois à René Goscinny en passant par Marcel Gotlib, Georges Perec ou Jacques Lanzmann, pratiquent un humour non communautaire, dont les thèmes ne se réfèrent pas à leurs origines. Cependant, le dessinateur Jul remarque que le typique village gaulois d'Astérix est en fait le shtetl d'Europe centrale, vivant en vase clos, avec un rabbin sage et conseilleur (Panoramix), toujours assiégé par des ennemis[11].

Le dessinateur d’origine juive Georges Wolinski (assassiné lors de l'attentat contre Charlie Hebdo en 2015) qui se disait contre les idées d’humour juif, noir, anglais, ou américain, déclara : « Même en admettant que chez les Juifs il y ait plus de gens qui ont de l’humour qu’ailleurs, leur humour est celui de tout le monde. »[58].

Un auteur qui échappe à cette règle est Tristan Bernard. Pendant l’Occupation de la France, devant la persécution qui menace, il a ces phrases :

De son côté, Pierre Dac, figure importante de Radio Londres pendant l’Occupation, met son humour au service de la Résistance et du patriotisme[61], et, lorsqu’il se réfère au fait qu’il est juif, c’est pour brocarder les « collaborateurs » au nom de son frère, mort au champ d’honneur pendant la Grande Guerre[62].

Sur scène, l’humour juif, a été représenté par des comédiens dans certains de leurs sketches, comme Robert Castel, Judka Herpstu (« Popeck »), Michel Boujenah, Élie Semoun[63], Élie Kakou, Gad Elmaleh[64], Patrick Timsit, Gérard Dahan, Anne Roumanoff ou Jean-François Dérec. Le personnage de « Grand-père Schlomo », un tailleur juif est créé et incarné sur scène dans les années 1980 par Lionel Rocheman[65]. Par ailleurs, l’incarnation même de la mère juive dans plusieurs films et pièces de théâtre a souvent été attribuée à la comédienne non-juive Marthe Villalonga.

Au cinéma, des exemples d’humour juif sont, en France, Les Aventures de Rabbi Jacob (1973), Lévy et Goliath (1987), tous deux de Gérard Oury, mais aussi certains films d'Alexandre Arcady comme Le Coup de sirocco (1979) ou Le Grand Pardon (1982) et, autour du quartier parisien du Sentier et des Sépharades, La Vérité si je mens ! (1997) de Thomas Gilou et ses suites. Le film Le Tango des Rashevski (2003) présente avec humour les questions relatives à la conversion au judaïsme.

Les albums de la bande dessinée Le Chat du rabbin de Joann Sfar, situés dans l’Algérie des années 1930, marquent un renouveau de l’humour juif.

Olivier Ranson, dessinateur de presse d’actualité (Le Parisien), manie aussi volontiers l’humour juif, dans des magazines ou dans des bandes dessinées comme La vérité, ma mère, Les aventures de Supfermann[66] où il met en scène une variante ashkénaze de Superman.

En parallèle, l'historienne de l'humour Judith Stora-Sandor remarque qu'« il ne suffit pas d'être juif pour faire de l'humour juif. Proust, par exemple, ne répond pas aux critères »[16].

Au Royaume-Uni

Le Roi des Schnorrers, roman d’Israel Zangwill paru en 1894, est un classique de l’humour juif qui met en scène l’affrontement burlesque d’un philanthrope ashkénaze et d’un mendiant (un Schnorrer ) sépharade aussi misérable que beau parleur, héros qui a inspiré aussi bien des personnages d'Isaac Bashevis Singer que le Mangeclous d’Albert Cohen.

Au cinéma, des exemples d’humour juif sont, au Royaume-Uni, quelques films Carry On (1958-1992), qui présentent Sid James et Bernard Bresslaw. Sur la radio britannique, on peut citer Denis Norden, humoriste juif qui a écrit l'émission Take it from Here! dans les années 1950.

En URSS

La littérature soviétique comptait de nombreux auteurs de « nationalité juive » dont certains ont écrit des chefs-d’œuvre humoristico-satiriques. Par exemple, Les Douze Chaises d’Ilya Ilf et Evgueni Petrov. Le calvaire des refuzniks a également été l’un des thèmes de l’humour juif soviétique.

En Pologne

Herszel der Sznajder (1903)

Parmi les maîtres hassidiques de Medjybij, dans l'actuelle Ukraine, le rabbin Borukh de Medjybij (1757-1811), petit-fils du Baal Shem Tov, est connu pour sa mélancolie et son fort tempérament. Afin d'essayer de guérir sa déprime chronique, ses disciples font appel à (en) Hershel d'Ostropol comme bouffon (à l'origine, un abatteur rituel). Hershel est un des premiers comédiens juifs connus et ses exploits sont légendaires aussi bien parmi les Juifs que parmi les non-Juifs pour lesquels, il figure une sorte de héros folklorique ethnique[68]. Hershel est enterré dans le vieux cimetière juif de Medjybij et selon une légende, le rabbin Borukh lui-même, dans un accès de rage, serait responsable de la mort de son bouffon Hershel[69],[70].

Prononciation du polonais żydłaczenie.

Ancré dans l'histoire du théâtre polonais, le żydek (« petit juif »), figure généralement associée au rire et au divertissement, apparaît dans tout le théâtre folklorique polonais[71]. « Avec une physionomie grotesque, vêtu d'une version exagérée de la tenue traditionnelle juive, souvent avec une bosse, le żydek gesticule, crie, se lamente sur les torts qui lui sont causés» ; il danse une danse juive connue sous le nom de majufes et chante des couplets dans un mélange de polonais brisé et de yiddish stylisé (une combinaison connue sous le nom de żydłaczenie)[71]. Parmi les spécialistes, (pl) Aleksander Ładnowski (1815–1891) est désigné « la personnification de l'innocence persécutée ». À la fin du XIXe siècle, le żydek devient un élément de la scène polonaise populaire, reconnaissable même une fois transformé dans les pièces de théâtre de Feliks Schober (1846–1879)[72] ou dans la figure de Józio Grojseszyk[73], un dandy urbain au courant de tous les secrets de bon temps de la ville moderne[71].

We're Running Short of Jews (« Nous sommes en manque de Juifs ») par Arthur Szyk (1943), en souvenir de są mère déportée du ghetto de Lodz vers le centre d’extermination de Chelmek et assassinée en Pologne[74].

Les szmonces désignaient au cours du XIXe siècle en Pologne des blagues, des sketches, des histoires courtes, basées à la fois sur l’humour juif, l'autodérision et sur le langage particulier de la communauté ashkénaze, et aussi sur un parler polonais empreint de termes yiddish[75]. Les szmonces rencontrèrent un réel succès dans un certain nombre de cabarets en Autriche-Hongrie, et surtout en Pologne avant la Seconde Guerre mondiale où vivait la plus grande communauté juive au monde. Le Szmonce est un terme yiddish signifiant « sourire » et désignant une plaisanterie ou un non-sens en Europe centrale et particulièrement en Pologne.

Les absurdités proférées par les « sages » de la ville de Chelm, ou « ville des idiots », sont une source inépuisable de plaisanteries dans le folklore yiddish.

« Cet humour aigre-doux est un mécanisme de défense, un réflexe immunitaire face aux persécutions. Il transcende les difficultés de l'existence par une pirouette. Il permet de résister à la tentation du découragement née de l'existence précaire du peuple (juif)... Mais c'est aussi une fuite sur le mode de l'imaginaire. Ce fatalisme apparent, qui permet de tout relativiser par le rire, est en fait un optimisme irraisonné »[75].

Certains auteurs polonais furent à la base de ce registre humoristique et moqueur, basé sur les jeux de mots, tels que le poète Julian Tuwim ou l'acteur Konrad Tom.

En Israël

Le duo composé par Shimen Dzigan (en) et Ysrael Szumacher (en) a donné de nombreux spectacles en yiddish à travers le monde, tourné dans un film (Nos enfants, 1951), et enregistré plusieurs disques de sketches dans l’après-guerre. Originaires de Pologne où ils étaient déjà célèbres, ils ont émigré en Israël et perpétué l’esprit des conteurs ashkénazes en renouvelant leur inspiration au contact de la vie moderne.

Le dialogue culturel entre la tradition et la modernité, la communauté ashkénaze et les autres, est aussi l’objet de dérision.

À travers ses ouvrages, Ephraïm Kishon (1924-2005) est un symbole de l’humour israélien, version moderne de l’humour juif[11].

Humour judéo-tunisien

Chez les Juifs de Tunisie, le personnage de Chrah est une sorte d'idiot du village, un Toto tunisien qui se met dans des situations absurdes ou à qui il arrive des mésaventures et autres blagues au quotidien.

Les Juifs tunisiens ont d'autres cordes à leur arc humoristique, particulièrement en judéo-arabe.

Expositions

Notes et références

  1. Bien que les nombres soient inévitablement flous, « Paul Chance, révisant le livre »(Archive.orgWikiwixArchive.isGoogleQue faire ?) de Lawrence Epstein, intitulé The Haunted Smile: The Story Of Jewish Comedians In America (Psychology Today, Jan-Feb, 2002), écrit que « si les Juifs font environ 3 % de la population américaine, 80 % des comiques professionnels sont des Juifs » — accédé le .
  2. Le comédien Mark Schiff, réalisant la revue du même livre sur Jewlarious.com, écrit que la plupart des comiques à succès des années 1950, 1960 et 1970.
  3. Exemples d'humour Yiddish ou Ashkénaze selon Eva Bester le 26 juillet 2013 sur France-Inter dans Remède à la mélancolie avec Stéphane Zagdanski
  4. « Les remèdes de Stéphane Zagdanski », sur Franceinter.fr, (consulté le ).
  5. Les Joies du Yiddish, Leo Rosten, 1968, édition française 1994 (traduction par Victor Kuperminc), éditions Calmann-Lévy, (ISBN 2702122620) ; Livre de Poche, 1995
  6. a b c d et e Nathalie Lacube, « « L’humour juif », sur Arte : une affaire sérieuse », La Croix,‎ (ISSN 0242-6056, lire en ligne, consulté le )
  7. Par exemple, selon les rabbins, le nom d’Isaac, qui signifie « il rira », est aussi une allusion ironique au sort du peuple juif, « L’éclat de rire ironique, qui accompagne le juif sur sa marche à travers l’histoire, nous confirme que cette marche s’effectue sous la conduite divine ; il ne le trouble aucunement, car il a été préparé, dès le début, à ce ricanement » — S.R. Hirsch, cité par Elie Munk, La voix de la Thora, comm. de Genèse 17:19.
  8. a b c et d « L’humour juif (1/2) - L’impossible vérité - Regarder le documentaire complet », 53 minutes, sur ARTE, (consulté le )
  9. a et b Muriel Klein-Zolty, « Humour et religion », Revue des Sciences Sociales, vol. 21, no 1,‎ , p. 78–84 (DOI 10.3406/revss.1994.3032, lire en ligne, consulté le )
  10. Vladimir Jankélévitch, L’ironie, Paris, Flammarion, 1936.
  11. a b c d e f g h i j et k « L’humour juif : Du rire aux larmes (2/2) | ARTE » (consulté le )
  12. a b c d e et f Adam Biro, « Quelques aspects de l'humour juif », sur Revue Des Deux Mondes, (consulté le )
  13. a et b V. Malka, op. cit., p. 143
  14. Joseph Klatzmann, L'humour juif, Paris, P.U.F., coll. Que sais-je ?, 1998
  15. Gérard Genette, Figures V, Paris, Seuil, « collection Poétique », 2001, p. 212.
  16. a b c d et e Tristan Savin, « Qu'est-ce que l'humour juif? », sur LExpress.fr, (consulté le )
  17. « Landmann, Salcia », sur hls-dhs-dss.ch (consulté le )
  18. (de) Salcia Landmann, Der jüdische Witz : Soziologie und Sammlung, , 531 p. (lire en ligne).
  19. a et b Moncef Khemiri, « Humour et dérision dans l’oeuvre de Claude Kayat », sur www.limag.com, Université de Tunis (consulté le )
  20. V. Malka, op. cit., p. 74
  21. V. Malka, op. cit., p. 48
  22. V. Malka, op. cit., p. 53
  23. (en) David M. Mazal Holocaust Collection (d'après), Haikus for Jews : for you, a little wisdom, Harmony Books, (ISBN 0-609-60502-X et 978-0-609-60502-8, OCLC 41387614, lire en ligne)
  24. V. Malka, op. cit., p. 29
  25. Woody Allen- Stand up comic: My Grandfather
  26. a et b V. Malka, op. cit., p. 129
  27. V. Malka, op. cit., p. 112
  28. V. Malka, op. cit., p. 144-145
  29. a et b V. Malka, op. cit., p. 145
  30. V. Malka, op. cit., p. 157
  31. Exemple d’humour yiddish ou ashkénaze selon Stéphane Zagdanski, le 26 juillet 2013 sur France-Inter dans Remède à la mélancolie par Eva Bester
  32. V. Malka, op. cit., p. 113
  33. V. Malka, op. cit., p. 141
  34. a b et c (en) Arie Sover, Jewish Humor : An Outcome of Historical Experience, Survival and Wisdom, Cambridge Scholars Publishing, , 339 p. (ISBN 978-1-5275-6808-2, lire en ligne), p. 139-142
  35. (en)Monica Osborne, " Springtime for Hitler ", The New Republic , 21 août 2011
  36. a et b (en) Alan Dundes et Thomas Hauschild, « Auschwitz Jokes », dans Humour in Society: Resistance and Control, Palgrave Macmillan UK, (ISBN 978-1-349-19193-2, DOI 10.1007/978-1-349-19193-2_3, lire en ligne), p. 56–66
  37. (he)Chaya Ostrower, It Kept Us Alive: Humor in the Holocaust, 2014
  38. a b c d e et f (he) Chaya Ostrower, « בטיפולנט | הומור כמנגנון הגנה בשואה » [« L'humour comme mécanisme de défense dans l'Holocauste »], sur בטיפולנט | פורטל לשירותים פסיכולוגיים בישראל (consulté le )
  39. (en) Viktor E. Frankl, Man's search for meaning, Washington Square Press/Pocket Books, , 228 p. (ISBN 0-671-02337-3, 978-0-671-02337-9 et 0-671-66736-X, OCLC 14407595, lire en ligne)
  40. (en) Viktor E. Frankl, Man's Search For Meaning, Simon and Schuster, , 228 p. (ISBN 978-0-671-02337-9, lire en ligne), p. 63-65
  41. Frankl, op. cit., p. 3
  42. a et b (en) Arié Sover, « Jewish Humor: An Outcome of Historical Experience, Survival and Wisdom - Cambridge Scholars Publishing », sur www.cambridgescholars.com, (consulté le )
  43. (en) Doron Halutz, « Unkosher Nightlife and Holocaust Humor: Israelis Learn to Love the New Berlin », Der Spiegel,‎ (ISSN 2195-1349, lire en ligne, consulté le )
  44. (en) Adam Muller & Amy Freier, « AMERICANA: "Humour, The Holocaust, and the Terror of History" by Adam Muller and Amy Freier », sur americanaejournal.hu, (consulté le )
  45. (en) Amy Zimmerman, « How Roseanne Barr Abandoned All Reason and Embraced the Alt-Right », The Daily Beast,‎ (lire en ligne, consulté le )
  46. (en-US) « Roseanne Barr Poses as Adolf Hitler in Shocking Photo Spread », sur Fox News, (consulté le )
  47. Ferne Pearlstein, The Last Laugh, Tangerine Entertainment (lire en ligne)
  48. « Ferne Pearlstein », sur IMDb (consulté le )
  49. (he) « הקווים האדומים של ההומור: לצחוק על השואה כדי לשרוד », (Critique du film), sur xnet,‎ (consulté le )
  50. a et b (en-US) Andrew Silow-Carroll, « Too soon? New documentary probes Holocaust humor », sur www.timesofisrael.com, 1 may 2016, (consulté le )
  51. (en-US) Sharon Edelson, « Renee Firestone Has the Last Laugh », sur WWD, (consulté le )
  52. « I'm a yiddish cowboy Tough guy Levi :: Frances G. Spencer Collection of American Popular Sheet Music », sur digitalcollections.baylor.edu (consulté le )
  53. (en) Jack Gottlieb, Funny, It Doesn't Sound Jewish : Comparative Studies of Domestic Labor and Self-Employment (How Yiddish Songs and Synagogue Melodies Influenced Tin Pan Alley, Broadway and Hollywood), New York, SUNY Press, , 328 p. (ISBN 978-0-7914-8502-6, lire en ligne)
  54. (en-US) Jane Peppler, « When Jews Embraced Tin Pan Alley », (source : Forverts yiddish), sur The Forward, (consulté le )
  55. (en-US) Talya Zax, « Remembering the Days of Vaudeville and Jewface », sur The Forward, (consulté le )
  56. V. Malka, op. cit., p. 34
  57. V. Malka, op. cit., p. 142
  58. Numa Sadoul, Dessinateur de Presse, Grenoble, Glénat, , 215 p. (ISBN 978-2-344-00016-8).
  59. Roger Peyrefitte, Les Juifs, Flammarion, 1965, p. 208 : Lors d’une conférence donnée à Cannes au début de l’occupation allemande, Tristan Bernard déclare : « J’appartiens à la race élue… pour le moment en ballottage ».
  60. R. Edgar Weill, « L'humour judéo-alsacien », sur judaisme.sdv.fr (consulté le )
  61. « Les résistants de 1945 sont parmi les plus glorieux et les plus valeureux combattants de la Résistance, ceux qui méritent le plus d’estime et le plus de respect parce que, pendant plus de quatre ans, ils ont courageusement et héroïquement résisté à leur ardent désir de faire de la Résistance. » Pierre Dac, Les Pensées, 1972.
  62. Pierre Dac, le rire de Résistance, Le Nouvel Observateur, 4 décembre 2008.
  63. Élie Semoun, dans un sketch se déroulant pendant une incinération, fait dire à son personnage à propos des fours employés qu’ils sont de bonne qualité car allemands : « Ils ont fait leurs preuves ».
  64. Dans son spectacle La Vie normale (2001), Gad Elmaleh met par exemple en scène un nouveau riche racontant une Bar Mitsva délirante, pour laquelle il a fait venir en jet privé un grand-rabbin pour son fils.
  65. Les Contes de grand-père Schlomo ont été publiés en 1981 par les éditions Stock.
  66. La vérité, ma mère. Les aventures de Supfermann, par Olivier Ranson.
  67. Viktor A. Pogadaev, The Origin and Classification of Russian Anecdotes as a Folklore Genre, Université Chulalongkorn, Bangkok 2009 et Université de Malaya, Kuala-Lumpur 2012.
  68. (en) David A. Chapin, The road from Letichev : the history and culture of a forgotten Jewish community in Eastern Europe, Writer's showcase presented by Writer's digest, (ISBN 0-595-00666-3, 978-0-595-00666-3 et 0-595-00667-1, OCLC 54826031, lire en ligne), p. 79
  69. (en): Élie Wiesel; 1978; Four Hasidic masters and their struggle against melancholy: (Quatre maîtres hassidiques et leur combat contre la mélancolie); Univ. of Notre Dame Press; p. 54-56
  70. (en): R. Learsi; 1961; Filled with Laughter: A Fiesta of Jewish Folk Humor: (Rempli de rires: une fiesta de l'humour populaire juif); Thomas Yoseloff; p. 183-184.
  71. a b et c (en) Michael C. Steinlauf, « YIVO | Theater: Polish Theater », sur yivoencyclopedia.org (consulté le )
  72. (pl) Encyklopedia teatru polskiego, « Feliks Schober », sur Encyklopedia teatru polskiego (consulté le )
  73. (en) Edna Nahshon et Michael C. Steinlauf, Jewish Theatre : A Global View, Leiden/Boston (Mass.), BRILL, , 305 p. (ISBN 978-90-04-17335-4, lire en ligne), p. 65-79
  74. « Inscription « À la mémoire de ma mère chérie, assassinée par les Allemands quelque part dans les ghettos de Pologne… ». Hitler, Göring, Goebbels et Himmler sont rassemblés autour d'une table sur laquelle est imprimé « La Gestapo rapporte 2 000 000 de Juifs exécutés. Heil Hitler. » Derrière eux est accrochée une banderole à tête de mort intitulée « Coprospérité européenne ». Les visages présentés ici montrent des signes de mécontentement. Seulement deux millions ? L’Europe a besoin de plus de prospérité que cela ! « Nous manquons de Juifs… ». Ink&Blood, un livre de dessins. Planche XXIII. New York : Heritage Press, 1946. PM Newspaper. 20 juillet 1943. Der Morgen Journal. 21 juillet 1943 ; Der Morgen Journal. 23 juillet 1944. Army and Navy Review. Vendredi 19 janvier 1945. Art et politics of Arthur Szyk. USHMM, p. 101. »
  75. a et b « HAHAHA 2ième partie - Grandeur et misère du rire polonais », sur lepetitjournal.com, (consulté le )
  76. Un don rare et précieux
  77. « Les anecdote de Ba-Mouchy Motty », in La Ha Conte, Folklore judéo-tunisien, Paris, Editions Ivrit, 1929, p. 45 et 47
  78. Jackie Schwartz et Sharon Boutboul, « Ashkénazes vs Tunisiens, le combat des groupes Facebook – Jewpop », (consulté le )
  79. Richard Zéboulon, Le Zéboulon. Opus 2, Citations : de Karl à Groucho Marx en passant par : Petite anthologie de l'humour juif, Bord de l'eau, , 143 p. (ISBN 9782915651454, OCLC 1280727645, lire en ligne)

Voir aussi

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie

En français
Autres langues

Articles connexes

Liens externes