Jacques IV (empereur d'Haïti)

Cincinnatus Leconte
Illustration.
Photographie de Cincinnatus Leconte.
Titre
Président à vie d'Haïti

(11 mois et 25 jours)
Prédécesseur François Antoine Simon
Successeur Tancrède Auguste
Secrétaire d'État des Travaux publics et de l'Agriculture

(4 ans, 4 mois et 29 jours)
Président Tirésias Simon Sam
Prédécesseur Jean-Chrisostome Arteaud
Successeur Démosthène Césarions
Biographie
Dynastie Famille Dessalines
(branche Leconte)
Nom de naissance Jean-Jacques Dessalines Michel Cincinnatus Leconte
Date de naissance
Lieu de naissance Saint-Michel de l'Attalaye (Haïti)
Date de décès (à 57 ans)
Lieu de décès Port-au-Prince (Haïti)
Nature du décès Assassinat
Père Cinna Leconte
Mère Élisabeth-Florélia Grand-Jean
Conjoint Reine-Joséphine Laroche
Enfants Marie-Euphémie Leconte (fille illégitime)
Religion Catholicisme

Cincinnatus Leconte
Présidents à vie d’Haïti

Jean-Jacques Dessalines Michel Cincinnatus Leconte dit Cincinnatus Leconte, né le à Saint-Michel de l'Attalaye et mort le à Port-au-Prince[1], est un homme politique et un militaire haïtien qui fut président à vie du 14 août 1911 à sa mort.

Arrière-petit-fils de l’empereur Jacques Ier Dessalines, il étudia a l'université de Mayence[2] avant d'entamer une carrière politique. Après l’exécution de son père, Cinna Leconte, en 1872, il maintient les prétentions de sa famille au pouvoir, tout en rivalisant avec ses cousins de la branche des Soulouque. À la tête d’une armée rebelle, il renverse le dictateur Antoine Simon et suspend la législature le 2 août 1911, avant de prendre les pleins pouvoirs et de s’attribuer le titre de président à vie le 14 août suivant. Son règne prend fin le par un terrible attentat perpétré par des opposants politiques. Cette action qui n'avait pour but initial que de mettre en garde Cincinnatus Leconte, entraîna le décès de celui-ci ainsi que de plusieurs membres de sa famille et de nombreux soldats, ainsi que la destruction du Palais national.

Après la mort de Leconte, le Conseil des Secrétaires d'État composé de Tancrède Auguste, Edmond Lespinasse, Antoine Constantin Sansaricq, Jacques Nicolas Léger, John Déjoie Laroche et Tertullien Guilbaud dirige le pays pendant quelques heures, puisque ce même jour, le conseil désigne Tancrède Auguste entant que président à vie.

L'un de ses neveux, Joseph Laroche[3], était le seul passager noir à bord du mythique Titanic, qui a coulé dans la nuit du 14 au [4].

Les premières années

Famille

L’empereur Jacques Dessalines, arrière grand-père de Cincinnatus Leconte.

Fils de Cinna Leconte (1828-1872), lui-même fils de la princesse Marie-Noël Dessalines (1800-1867), et de son épouse Élisabeth-Florélia Grand-Jean (1826-1887)[5], Jean-Jacques Cincinnatus est l’arrière-petit-fils du premier empereur d’Haïti, Jean-Jacques Dessalines, ainsi que le petit-neveu de Faustin Soulouque et le petit cousin de Florvil Hyppolite.

Jeunesse

À peine âgé de 20 ans, il assiste à la tentative de coup d’État de son père. Ce dernier et une dizaine d'exilés politiques opposés à la Constitution républicaine, las de souffrir en exil, débarquèrent au Carénage et s'emparèrent de l'arsenal du Cap-Haïtien (nuit du 15 mars 1872). Dans l'appel aux armes qu'il répandit aussitôt, Cinna Leconte, en tant que petit-fils de Dessalines par sa mère, s'intitula empereur en déclarant : « J'avance, ô mes sujets, et partout où je porterai mes pas, suivez l'éclair de l'épée de 1804 ». Le lendemain, un autre petit-fils de souverain, le général Pierre Nord Alexis (petit-fils du roi Henri Christophe), après s'être rallié à la République, reprit l'arsenal du Cap-Haïtien. Cinna Leconte et trois conjurés furent arrêtés et exécutés en face de l'arsenal de la ville.  

Les débuts en politique

Malgré la répression, Cincinnatus continue de faire valoir ses droits au pouvoir suprême. Habile en politique, il se rallie au régime de Nord Alexis, devenu président à vie, et devient même ministre de l’Intérieur. Avec la chute de ce dernier et l’avènement de François Antoine Simon, Leconte est contraint à l'exil en Jamaïque après la révolution de 1908[6].

De retour d'exil en 1911 après l'amnistie du dictateur Simon, Leconte entre dans l'opposition. Il prend la tête d'un mouvement populaire et contraint Simon à renoncer au pouvoir[7]. Le 7 août 1911, Leconte s’attribue les pleins pouvoirs et fait valider son coup d’État à l'unanimité[8]. Le 14 août suivant, il devient officiellement président à vie. Son revenu annuel entant que chef suprême de l’État est alors fixé à 24 000 $ par an[9].

Président à vie

Début de règne

Cincinnatus Leconte.

À son arrivée au pouvoir, le nouvel homme fort du pays a institué un certain nombre de réformes: pavage des rues, augmentation des salaires des enseignants, installation de lignes téléphoniques et diminution de la taille de l'armée. Collier's Weekly a soutenu en août 1912 qu'il était « généralement admis » que l'administration de Leconte était « le gouvernement le plus habile et le plus propre qu'Haïti ait eu en quarante ans »[10]. Zora Neale Hurston, écrivant dans les années 1930 après des recherches approfondies en Haïti, a souligné que Leconte était « crédité d'avoir entamé de nombreuses réformes et avoir généralement pris des mesures positives »[11].

Le cas des Syriens

Leconte a mené une politique discriminatoire à l'égard de la population syrienne locale (migrants chrétiens de Syrie ottomane), un groupe minoritaire déjà persécuté[12]. Avant d'accéder au pouvoir, Leconte avait promis de débarrasser Haïti de sa population syrienne[13]. En 1912, le ministre des Affaires étrangères a publié une déclaration déclarant qu'il était « nécessaire de protéger les nationaux contre la concurrence déloyale des Orientaux dont la nationalité est incertaine »[14]. Une loi de 1903 (visant spécifiquement les Syriens) limitant les niveaux d'immigration et les activités commerciales des étrangers a été relancée, et le harcèlement des Syriens qui avait prévalu dans les premières années des années 1900 a repris. L'administration a cependant continué de traiter les plaintes déposées par des Syriens persécutés par le gouvernement de l’ancien dictateur Nord Alexis[15]. Lorsque que ce dernier meurt subitement en 1912, un certain nombre de Syriens célèbrent son décès et sont emprisonnés en conséquence, tandis que d'autres sont déportés. Sa politique « syrienne » sera néanmoins poursuivie par ses successeurs[16].

Attentat et mort

Malgré sa prise de pouvoir et sa mainmise sur le pays, le règne de Leconte fut de courte durée. Le 8 août 1912, une violente explosion détruit le Palais national, tuant le chef de l’État, son épouse et plusieurs centaines de soldats[17]. Un rapport d' Associated Press à l'époque notait :

« La force de l'explosion était si grande, qu'un certain nombre de petits canons, des fragments de fer et d'obus ont été lancés sur de longues distances dans toutes les directions, et de nombreux agents du palais ont été tués. Chaque maison de la ville a été violemment secouée et toute la population, très alarmée, s'est précipitée dans la rue[18]. »

Un compte rendu de 1912 de l'explosion du Political Science Quarterly a rapporté qu'un « allumage accidentel de magasins de munitions a causé la mort de Cincinnatus Leconte »[19] tandis qu'un article de 1927 dans le même journal considérait sa mort comme un « assassinat ». Les histoires orales circulant en Haïti – dont certaines ont été relatées par Hurston dans les années 1930 dans son livre Tell My Horse: Voodoo and Life in Haiti and Jamaica – diffèrent considérablement de la plupart des récits écrits. Comme l'explique Hurston, « les livres d'histoire disent tous que Cincinnatus Leconte est mort dans l'explosion qui a détruit le palais, mais les gens ne le disent pas de cette façon. Aucune personne, haute ou basse, ne m'a jamais dit que Leconte avait été tué par l'explosion. Il est généralement admis que la destruction du palais devait couvrir le fait que son excellence était déjà morte. » Selon Hurston, il y avait « de nombreuses raisons invoquées pour le présumé assassinat », mais les principaux acteurs du complot supposé étaient des hommes « ambitieux et susceptibles de gagner le pouvoir politique par la mort de Leconte »[20].

Quelques mois seulement avant la mort de Leconte, son neveu, Joseph Laroche, avait été l'un des 2200 passagers et membres d'équipage à bord du RMS Titanic pour son premier voyage. Alors que l'épouse et les filles de Laroche ont survécu au naufrage du paquebot, Laroche lui-même, le seul homme d'origine africaine à bord du navire, a péri dans la catastrophe.

Notes et références

  1. Paul H. Douglas, « The American Occupation of Haiti I », Political Science Quarterly, vol. 42, no 2,‎ , p. 232 (DOI 10.2307/2142787)
  2. « Cincinnatus Leconte sa présidence », Le Nouvelliste, no 4196,‎ , p. 1-2 (lire en ligne)
  3. Zondra Hughes, « What Happened to the Only Black Family on the Titanic », sur Ebony, (consulté le )
  4. Rosny Ladouceur, « Joseph Laroche, Haïtien, « le seul passager noir du Titanic » », Loop Haiti,‎ (lire en ligne)
  5. « Généalogie de Élisabeth-Florélia Grand-Jean », sur Geneanet (consulté le )
  6. William Henry Ferris, The African Abroad,: Or, His Evolution in Western Civilization, Tracing His Development Under Caucasian Milieu, V. 2, The Tuttle, Morehouse & Taylor press, , 624–625 p. (lire en ligne)
  7. Hugh Chisholm, The Britannica year book, The Encyclopædia Britannica Company, , 1086 (lire en ligne) :

    « Cincinnatus Leconte. »

  8. « Leconte in Haiti's Capital; Revolutionary Leader Takes Possession of National Palace », The New York Times,‎ , p. 4 (lire en ligne [PDF], consulté le )
  9. Horace Greeley, The Tribune Almanac and Political Register (The Tribune Association, 1912), p. 502
  10. William Henry Ferris, The African Abroad,: Or, His Evolution in Western Civilization, Tracing His Development Under Caucasian Milieu, V. 2, The Tuttle, Morehouse & Taylor press, , 624–625 p. (lire en ligne)
  11. Zora Neale Hurston, Tell My Horse: Voodoo and Life in Haiti and Jamaica, New York City, Harper & Row, , p. 104
  12. In 1905 the Syrian population of Haiti was estimated to be 15,000.
  13. Brenda Gayle Plummer, « Race, Nationality, and Trade in the Caribbean: The Syrians in Haiti, 1903–1934 », The International History Review, vol. 3, no 4,‎ , p. 517–518 (DOI 10.1080/07075332.1981.9640260)
  14. Charles Arthur and J. Michael Dash, A Haiti Anthology: Libète (Markus Wiener Publishers, 1999), p. 219
  15. Plummer, pp. 522–23, 533.
  16. Plummer, p. 536.
  17. Mark Danner, « To Haiti, With Love and Squalor », The New York Times,‎ (lire en ligne, consulté le )
  18. William Henry Ferris, The African Abroad,: Or, His Evolution in Western Civilization, Tracing His Development Under Caucasian Milieu, V. 2, The Tuttle, Morehouse & Taylor press, , 624–625 p. (lire en ligne)
  19. Carlton H. Hayes et Edward M. Sait, « Record of Political Events », Political Science Quarterly, vol. 27, no 4,‎ , p. 752 (DOI 10.2307/2141264)
  20. Hurston, p. 103.