On entend généralement par cause d'un fait ce qui le produit ou du moins qui participe à sa production. En cas de cause complexe, on nomme facteurs les éléments qui y participent. Donner sa cause revient à rendre un fait intelligible en répondant à la question : « Pourquoi ce fait a-t-il lieu ? »

La donnée des causes peut être conçue comme l'« explication » du fait par excellence. Les notions de cause et causalité sont liées à celle de déterminisme.

Qu'est ce qu'une cause ?

Différence entre implication et causalité

En logique, quand « A implique B », on dit que « A est une condition suffisante pour B ». Mais B pourrait être vraie sans que A le soit. A n'est donc pas une condition nécessaire pour B.

En revanche, quand « A implique B », B est une conséquence nécessaire pour A.

Dans l'implication logique il n'y a, à strictement parler, aucune relation causale.

La « cause » en sciences physiques

On peut poser la question de la cause d'un fait physique expérimental, dès lors qu'on peut dire clairement si ce fait a eu lieu ou non. À la question « pourquoi tel fait est-il observé ? » la réponse est toujours un ensemble de conditions initiales du système étudié et de lois physiques. Ces conditions sont-elles nécessaires ? Il est souvent difficile de le savoir car le fait pourrait certainement être produit autrement. Sont–elles suffisantes ? Oui, mais prises ensemble : tout le dispositif expérimental suffit à produire le résultat, ce qui exclut de pouvoir répondre à la question « pourquoi ? » de manière simple. L’explication scientifique se ramène donc à la donnée d’un dispositif expérimental qui suffit à produire le fait observé, sans que ce dispositif soit nécessaire.

Pour affiner la compréhension du phénomène, le physicien va donc dépouiller son dispositif pour le réduire au minimum nécessaire à produire le fait, c'est dans ce minimum qu'il va trouver ce qu'il appellera les causes du phénomènes. On en revient à l'exigence du suffisant et nécessaire qui satisfait la demande d'explication, comme en mathématiques.

La « cause » en probabilités

Une observation étant affectée d'une incertitude, il arrive fréquemment qu'un modèle de causalité simple ne suffise pas à le déterminer. Un résultat est accompagné d'un indice de fréquence, tandis que plusieurs phénomènes, plus ou moins fréquents, pourraient avoir concouru à l'évènement.

L'inférence bayésienne détermine la probabilité des causes possibles pour une observation.

La « cause » au quotidien

Il faut souligner que les faits dont il est question dans notre expérience quotidienne ne sont souvent pas aussi simples à expliquer qu'une expérience en physique. Ainsi, la simple affirmation «Le fait a eu lieu.» peut soulever des difficultés insurmontables. Par exemple, on peut dire : « Il fait beau » pour tout une gamme de conditions météorologiques qui dépendent du lieu, de la saison et de l'humeur de celui qui produit le jugement.

Mais, comme en physique, l’ensemble explicatif auquel nous avons recours en guise de « cause » est un agglomérat de conditions qui ne sont pas toutes nécessaires, mais qui sont suffisantes (puisque le fait s’est produit). Mais cet agglomérat peut être totalement insatisfaisant pour l’esprit (on se doutait bien que l’état du monde avait produit le fait) s'il n'est pas suffisamment restreint. Nous sommes alors contraints de sélectionner dans cet ensemble une « cause principale », une « explication » qui sera suffisamment particulière pour satisfaire notre curiosité. Souvent, cette cause ne sera ni nécessaire, ni suffisante. Pourtant elle nous semblera une explication satisfaisante.

On le voit, la donnée des causes d'un fait au quotidien revient presque toujours à isoler dans l'incroyable complexité du monde un fait antérieur notable qui semble être suffisant à produire le fait à expliquer, le reste du monde fonctionnant comme d'habitude. Alors survient le vécu de compréhension.

Cause et déterminisme

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Il faut distinguer causalité, cause, déterminisme.

La cause en philosophie et en épistémologie

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La causalité platonicienne

Platon énonce le principe de la causalité : « Sans l'intervention d'une cause, rien ne peut être engendré »[1] ; dans sa cosmologie[2], Platon fait intervenir cinq facteurs : le démiurge (qui symbolise le pouvoir causal, le principe organisateur de l'univers), les Idées (à imiter), la matière informe (χώρα / khora, l'emplacement), l'Âme du monde, le corps du monde. Plus tôt, dans la République, il emploie le même schéma, avec en tête la Cause, « l'Idée de Bien » (508 d, 509 b), Père du visible (509 b), puis les Idées (les Formes intelligibles), puis les êtres mathématiques (510 b), enfin, en bas les êtres visibles (les réalités sensibles), sans parler des simulacres (509 e).

La causalité aristotélicienne

Article détaillé : Quatre causes.

Pour Aristote, causes (αἰτία / aitia) et effets sont simultanés. Pour tout être ou toute chose, il distingue quatre causes qui agissent ensemble. Le chapitre 3 du livre II de sa Physique leur est entièrement consacré.

« On appelle cause, en un premier sens, la matière immanente [la cause matérielle] dont une chose est faite : l'airain est la cause de la statue... Dans un autre sens, la cause, c'est la forme et le paradigme [la cause formelle], c'est-à-dire la définition de la quiddité [l'essence qui se devait d'être réalisée]... La cause est encore le principe premier du changement ou du repos [la cause efficiente ou encore la cause motrice] : l'auteur d'une décision est cause de l'action, et le père est la cause de l'enfant... La cause est aussi la fin, c'est-à-dire la cause finale ; par exemple, la santé est la cause de la promenade » (Aristote, Métaphysique, Livre Δ (Delta), 2, 1013 a 24).

La cause matérielle et la cause formelle sont immanentes ; le moteur et la fin sont des causes extérieures. Par exemple, pour une maison :

Mais la fin c’est la forme (la maison à bâtir et l’idée de maison) et c’est aussi celle qui agit dans le moteur (l’idée de maison dans l’esprit de l’architecte)[3]. Dans l’Éthique à Nicomaque et dans La Physique, Aristote met l'accent sur la cause finale, et montre comment toutes les autres s'y ramènent : la finalité est d'atteindre son essence propre (sa forme) et les causes efficientes servent à rendre réel ce dessein. Seule la cause matérielle ne peut se réduire à la finalité. On reproche souvent à Aristote d'avoir confondu la « cause » au sens physique (que ne recouvre que partiellement la notion de cause efficiente) avec la « raison », au sens éthique et métaphysique, qui correspond à la cause finale.

La scolastique accepte les quatre causes d'Aristote, en les regroupant en "causes intrinsèques" (matérielle, formelle) et "causes extrinsèques" (efficiente, finale). Elle en ajoute d'autres.

Les modernes expliqueront la stagnation des sciences physiques au Moyen Âge par la contrainte qu'exerçait la philosophie aristotélicienne adoptée par la théologie scolastique.[réf. nécessaire]

La remise en question de la notion de cause physique coïncidera avec la constitution des sciences physiques en tant que science indépendante de la métaphysique, et avec la révolution copernicienne.

Le mécanisme

Le mécanisme au XVIIe siècle vise à réduire tous les phénomènes physiques à des chocs entre particules ayant des propriétés mécaniques très simples telles que l'élasticité parfaite, la sphéricité,... Ainsi, la température d'un système correspond à la vitesse moyenne des particules qui le composent, la pression au choc de ces particules contre la frontière du système, ... L'explication mécaniste ne laisse ainsi aucun mystère sur les relations cause-effet : il s'agit de chocs dont les lois sont parfaitement connues et expriment la conservation de la quantité de mouvement. Ayant suscité l'espoir de comprendre la nature de la connexion causale, ce mécanisme constitue un modèle « indépassable » d'explication scientifique satisfaisante pour l'esprit. Malheureusement, le mécanisme ne viendra jamais à bout des phénomènes de gravitation, contrairement à la théorie newtonienne qui, elle, admet l'idée (un peu mystérieuse) d'action à distance.[réf. nécessaire]

La « cause » empiriste : l'analyse de David Hume

Quand un événement en cause un autre, on pense bien souvent savoir ce qu'il en est de la connexion entre les deux termes de la causalité, connexion censée faire suivre le second terme du premier. Or, David Hume remarque que nous ne percevons rien d'autre dans une série d'événements que les événements qui la constituent ; autrement dit, notre connaissance d'une connexion nécessaire n'est pas totalement empirique. Mais alors d'où, hormis de la perception, pourrions-nous tenir cette connaissance ? Hume nie que nous puissions avoir une idée de la causalité autrement que par le fait que deux événements se sont toujours succédé : nous formons alors une sorte d'anticipation, qui nous représente que le second terme doit se produire, quand le premier se produit. Cette conjonction constante de deux événements et l'attente ou anticipation qui en résulte pour nous est tout ce que nous pouvons connaître de la causalité, i.e. nos idées ne peuvent pénétrer plus avant dans la nature de la relation de la cause à effet.

La difficulté présentée par Hume est telle que des « humiens » comme Bertrand Russell ont entièrement rejeté l'idée de causalité, cette idée relevant, selon eux d'une sorte de « superstition populaire ». Mais, quoi qu'il en soit, le problème demeure de savoir ce qui justifie notre croyance en la connexion causale et en quoi cette connexion consiste. Pour Hume, cette croyance est une sorte d'instinct, fondé sur le développement de nos habitudes et de notre système nerveux. Cette croyance est donc indéracinable, mais elle ne peut être prouvée par aucune sorte d'argument (déductif ou inductif).

La « cause » comme concept pur de l'entendement chez Kant

Emmanuel Kant n'est pas satisfait par la conception de Hume : pour lui, l'idée de causalité ne peut venir de l'expérience et de l'habitude. Elle fait partie des concepts a priori qui sont eux-mêmes le fondement de l’expérience.[réf. nécessaire]

Le déterminisme scientifique

La cause en philosophie des sciences : même si, on l’a vu, la causalité en physique est à manier avec précaution, elle tient une place importante en philosophie de la physique. Car si on peut lire des livres entiers de théories physiques sans qu’il n’y soit jamais fait mention de « cause », l’épistémologie est au contraire « obsédée » par la causalité. L’idée fondamentale de toute science véritable est que les faits n’arrivent pas par hasard, que leur production est la conséquence de faits qui l’ont précédés. La science refuse de croire que les faits se produisent sans causes, spontanément. Poussé à l’extrême, cette position s’exprime dans le déterminisme : étant donné un état du monde à un instant donné, alors son état dans un instant ultérieur est alors entièrement déterminé (sans qu’il soit forcément possible de le connaître, ce qui nécessiterait des moyens dépassant les capacités humaines, et qui seraient même peut-être théoriquement impossibles). « Déterminé » signifie qu’aucun autre état ne serait possible étant donné l’état antérieur.[réf. nécessaire]

Cause et raison en philosophie

Pour un rationaliste, cause et raison sont identiques. Causa sive ratio : la cause, ou raison. La causalité donne de l'intelligibilité. « La charge de la rationalité incombe principalement, sinon exclusivement, à la causalité. La cause permet de rendre raison de la chose : du fait qu'elle soit, de ce pourquoi elle est, de ce qu'elle est et de ses changements. Cette thèse en suppose une autre : la causalité ne confère l'intelligibilité qu'en portant sur tout étant[9]. » On trouve l'équivalence peut-être chez Descartes, certainement chez Spinoza, Leibniz. Spinoza : « Pour toute chose, on doit pouvoir assigner une cause ou raison qui explique pourquoi elle existe ou pourquoi elle n'existe pas. Par exemple, si un triangle existe, il faut qu'il y ait une raison, une cause de son existence. S'il n'existe pas, il faut encore qu'il y ait une raison, une cause qui s'oppose à son existence, ou qui la détruise. Or cette cause ou raison doit se trouver dans la nature de la chose, ou hors d'elle. Par exemple, la raison pour laquelle un cercle carré n'existe pas est contenue dans la nature même d'une telle chose, puisqu'elle implique contradiction[10]. » Leibniz aboutit au principe de raison suffisante : « Le principe de raison suffisante pose que toute proposition vraie, qui n'est pas connue par soi, reçoit une preuve a priori, c'est-à-dire que l'on peut rendre raison de toute vérité, ou encore — pour le dire vulgairement — que rien n'arrive sans cause[11]. » On ne trouve jamais la cause exacte de vérités contingentes, non nécessaires, mais on peut en trouver une raison suffisante, qui suffit à justifier l'existence de telle chose plutôt que telle autre.

L'acausalité

Hubert Reeves

Hubert Reeves[12] cite quatre expériences de physique qui semblent mettre à mal la notion de cause, faire entrer « dans le monde acausal » :

Michel Cazenave

Michel Cazenave ajoute des phénomènes psychologiques :

Carl Gustav Jung

Notes et références

  1. Timée, 28 a.
  2. Timée, 29-50.
  3. Léon Robin, Aristote, P.U.F., 1944, p. 150.
  4. Philippe-Marie Margelidon et Yves Floucat, Dictionnaire de philosophie et de théologie thomistes, Parole et Silence, 2011, p. 59-61.
  5. Thomas Litt, Les corps célestes dans l'univers de saint Thomas d'Aquin, Louvain, 1963.
  6. Thomas d'Aquin, Les principes de la réalité naturelle, chap. V : Diverses manières d'être des causes, trad., Nouvelles éditions latines, 1963.
  7. Thomas d'Aquin, Les principes de la réalité naturelle, chap. V.
  8. Gilson, Le thomisme, Vrin, 1997, p. 231. Thomas d'Aquin, Compendium theologiae, chap. 198.
  9. Vincent Carraud, Causa sive ratio. La raison de la cause, de Suarez à Leibniz, PUF, 2002.
  10. Spinoza, Éthique, I, prop. XI, autre démonstration.
  11. Leibniz, Specimen inventorum de admirandis naturae generalis arcanis. Des découvertes prouvant qu'il faut admirer les secrets de la nature, in Philosophischen Schriften, t. VII, p. 309. Trad. Sarah Carvallo-Plus, Leibniz, Hachette, 2001, p. 47.
  12. Hubert Reeves, "Incursion dans le monde acausal", apud La synchronicité, l'âme et la science (1984), Albin Michel, 1995, p. 11-19.
  13. [1]

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

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