Camp de concentration de Dora | ||
![]() Photo prise à l'occasion de l'inspection de militaires américains de l'armée de l'air dans le complexe souterrain de Dora Mittelwerk, après la libération du camp en 1945. | ||
Présentation | ||
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Nom local | Dora-Mittelbau (commune de Nordhausen) | |
Type | Camp de concentration | |
Gestion | ||
Date de création | ||
Géré par | SS | |
Dirigé par |
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Date de fermeture | ||
Victimes | ||
Nombre de détenus | 60 000 prisonniers de vingt et un pays différents | |
Morts | 29 350 morts | |
Géographie | ||
Pays | ![]() |
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Commune d'Allemagne | Nordhausen | |
Coordonnées | 51° 32′ 07″ nord, 10° 44′ 55″ est | |
Géolocalisation sur la carte : Allemagne (1937)
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Le camp de concentration de Dora, également appelé Nordhausen-Dora, est un camp de concentration nazi créé en comme dépendance du camp de Buchenwald et destiné à la fabrication de missiles V2. Il devient un camp de concentration autonome en octobre 1944 sous le nom de Dora-Mittelbau.
Environ 60 000 prisonniers de vingt-et-un pays y sont passés et on estime que plus de 20 000 y sont morts.
Plusieurs des scientifiques ayant travaillé dans ce camp ont par la suite travaillé au service des Américains, des Soviétiques et des Français dans le cadre des recherches en balistique et pour l'exploration spatiale.
Depuis que l'Allemagne est menacée, en particulier après la bataille de Stalingrad (début 1943), le ministère de l'armement et la SS collaborent étroitement afin de mobiliser toute la main-d'œuvre disponible pour la guerre totale. Les détenus des camps de concentration et les travailleurs forcés doivent eux aussi être employés dans l'industrie de l'armement.
Les 17 et , le centre de recherche sur les fusées (« armes de représailles » (armes V) prônées par Joseph Goebbels) de Peenemünde sur la mer Baltique est bombardé ; aussi, la décision est prise de placer l'usine d'assemblage des fusées dans un lieu protégé souterrain. Dès la fin du mois, un site est choisi près de Nordhausen, sur la colline du Kohnstein, non loin du camp de Buchenwald sous la dépendance duquel le camp de Dora est placé. Un vaste réseau de tunnels existe déjà dans la colline, qui est un gisement d'anhydrite.
La SS est responsable des travaux d'aménagement. L'« État-major Kammler », dirigé par Hans Kammler, est compétent pour l'ensemble du « Sperrgebiet Mittelbau » (« zone interdite Mittellbau »), qui s'étend au nord jusqu'à Göttingen, au sud jusqu'à Bad Langensalza et à l'est presque jusqu'à Eisleben.
Des détenus de Buchenwald sont affectés à Dora pour aménager les lieux afin d'y installer une usine dénommée Mittelwerk (« usine du centre »). Elle appartient à la SARL Mittelwerk, propriété du ministère de l'armement du Reich.
Mittelwerk est installé dans deux tunnels parallèles sinusoïdaux reliés entre eux par quarante-six tunnels transverses[1](cf. plans[2],[3]). Chaque tunnel est suffisamment large pour recevoir une double voie ferrée[1].
Ces hommes sont enfermés jour et nuit dans les tunnels où les conditions de vie et de travail sont atroces. Au total 5 882 prisonniers meurent, dont 3 000 détenus trop faibles pour travailler dans les tunnels lors de marches en direction des camps de Maïdanek et Bergen-Belsen[4].
La production commence en afin de fournir « le polygone d’essai » du camp polonais de Blyzna[4].
C'est seulement au printemps 1944 qu'un camp de baraques est construit à la surface dans le but de fournir de la main-d'œuvre pour la fabrication des fusées[4] organisée en deux équipes (une de jour et une de nuit) travaillant chacune douze heures[1].
Entre septembre 1944 et février 1945, un total de 5 300 V2 sont fabriqués à Mittelwerk, 2 800 sont lancés dont la moitié environ atteignent leur cible : 1 050 tombent sur l’Angleterre, tuant 2 754 personnes et blessant 6 523 autres, détruisant 400 000 maisons, en endommageant plus de 4 000 000. La Belgique connaît le même sort. Tous pays confondus, Anvers sera la ville la plus visée par les lancements de V2[5]. En , Londres reçoit vingt-cinq V2 par jour et Anvers dix. Le tir le plus meurtrier tombe sur Anvers le : 561 personnes sont tuées dans un cinéma[6].
En , le camp de Dora obtient, sous le nom de Dora-Mittelbau, son autonomie. Il se développe en tant que centre d'un vaste complexe avec plus de quarante camps extérieurs et kommandos de travail (Ellrich, Harzungen...), dans presque tous les lieux de la région, réseau de camps et d'installations souterraines renforcé en permanence jusque dans les dernières semaines de la guerre.
Seulement un dixième des prisonniers de Dora sont employés dans l'usine souterraine, où, sous la direction de l'équipe des spécialistes des fusées (Wernher von Braun, Arthur Rudolph), ils travaillent avec des ingénieurs et des travailleurs civils allemands.
Les prisonniers sont traités de manière inhumaine. Il y a toutefois de grandes différences de traitement entre les spécialistes, souvent des Français, qui sont affectés à des postes nécessitant une bonne maitrise technique, et les personnes affectées aux transport des pièces, généralement des Russes, Polonais ou Ukrainiens qui, mal nourris et obligés d'exercer des travaux de force, succombent rapidement à ce régime[1].
Les brutalités sur les prisonniers, les exécutions des saboteurs réels ou présumés par des pendaisons publiques et l'assassinat des détenus mal vus en particulier politiquement sont chose courante dans la phase finale.
Le , à partir de 15 h, l'aviation anglo-américaine, qui croyait qu'il s'agissait d'un camp militaire, l'a massivement bombardé. Sur les 4 000 prisonniers, 400 ont survécu aux bombes et à l'incendie. Le lendemain matin à 9 h, l'aviation est revenue bombarder la ville voisine de Nordhausen qui a été entièrement rasée.
Le , des unités du 7e corps de la 1re armée américaine libèrent le camp. Ils trouvent quelques centaines de prisonniers vivants, et 1 200 morts et mourants.
Dans son livre, intitulé The War Time Journal of Charles A, Lindberg, Charles Lindbergh raconte sa visite, le , du camp de Dora et des installations souterraines destinées à la production des V1 et V2. Des centaines de V2 sont sur les chaînes d'assemblage. L'aviateur, alors qu'il avait probablement eu quelques sympathies pour l'idéologie nazie avant guerre, est choqué des traitements infligés aux prisonniers. Il lui semble impossible que des hommes civilisés puissent s'abaisser ainsi.
Sur un peu plus de 60 000 détenus du camp de concentration Mittelbau-Dora et des établissements environnants, on estime que 26 500 ont péri abattus ou battus à mort ou morts de maladie ou de famine : dont 15 500 dans les camps ou durant les transports (la plupart d'entre eux dans les kommandos de construction : 9 000 d'épuisement au travail, 350 pendus dont 200 pour sabotage[7]) et 11 000 durant l'évacuation organisée par les nazis pour fuir l'avance des troupes alliées[1],[7].
Jusqu'à la fin du mois de , des ingénieurs américains sauvegardent les installations de production souterraines et récupèrent documents, machines et fusées complètes, qu'ils transfèrent avec les principaux ingénieurs aux États-Unis.
En , à la suite des accords de Potsdam, l'administration militaire soviétique responsable de la zone d'occupation orientale, prend en charge les installations encore existantes.
L'ancien camp de baraques sert jusqu'en 1946 de camp pour les réfugiés et est ensuite presque complètement rasé. Les tunnels sont détruits en 1949.
En 1946, l'administration militaire soviétique érige un premier monument commémoratif dans la zone du crématoire. En 1949, celui-ci est transféré aux autorités de la ville de Nordhausen.
En 1954, est inauguré un « Monument aux morts du camp de concentration de Dora », transformé dans les années 1960 en « Lieu de mémoire et de commémoration antifascistes » : en 1966 « Lieu de mémoire et de commémoration du camp de concentration de Dora », et en 1975 « Lieu de mémoire et de commémoration Mittelbau ») ; il est actuellement sous la responsabilité de l'arrondissement (Landkreis) de Nordhausen.
Plusieurs des scientifiques nazis qui ont travaillé à Dora (sachant comment étaient traités les prisonniers[réf. souhaitée]) ont ensuite été « récupérés » par les Américains et les Soviétiques et ont contribué à l'élaboration de la filière balistique puis à l'exploration spatiale pendant la guerre froide (opération Paperclip du côté américain, département 7 côté soviétique).
Un des plus connus est Wernher von Braun (1912-1977)[13],[14],[15], ingénieur et dirigeant du camp de Dora. Il n'a jamais admis sa responsabilité dans son livre autobiographique, minimisant sa position dans le camp et ne reconnaissant pas les crimes commis sous ses yeux[16].
Au total, entre 1945 et 1950 : « 5 000 savants allemands ont été embauchés par les Soviétiques et 3 000 par les États-Unis » et d'autres par les Français[17],[18]. « C'est là que la conquête spatiale a commencé » déclare ainsi Robert Carrière, résistant toulousain, rescapé de Dora[19].
Un projet de recherche associant 72 bénévoles pendant sept ans[20], chargés d'éplucher les archives de l’amicale Dora-Ellerich des anciens déportés entreposées à la coupole d'Helfaut[20], un bunker de la Seconde Guerre mondiale, aujourd'hui centre d'histoire et de mémoire, près de Saint-Omer (département du Pas-de-Calais), afin de pouvoir les recouper avec les dossiers de déportation, de transferts entre camps, les registres d’état-civil français, avec le soutien du conseil départemental du Pas-de-Calais[20]. Ces bénévoles, pour la plupart des enseignants à la retraite[20], coordonnés par l'historien Laurent Thiery[20], travaillent avec une base de données compilant archives, livres, extraits d’actes de naissance, PV de gendarmerie et parfois s’adressent aux familles, ou cherchent des témoignages laissés par les déportés eux-mêmes[20]. Un livre « Le livre des 9000 déportés de France à Mittelbau-Dora » de Laurent Thiery (Auteur), Aurélie Filippetti (Préface)[21] est paru en 2020.