Antoine de Rivarol
Portrait d'Antoine de Rivarol par Melchior Wyrsch.
Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 47 ans)
BerlinVoir et modifier les données sur Wikidata
Pseudonymes
Salomon, Citoyen actif, Auteur du Petit dictionaire, comte de BarruelVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Activités
Fratrie
Claude-François de Rivarol (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Conjoint
Louise de Rivarol (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
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Œuvres principales

Antoine de Rivarol, ou simplement Rivarol, né Antoine Rivaroli le à Bagnols-sur-Cèze et mort le à Berlin, est un écrivain, journaliste, essayiste et pamphlétaire disciple de Voltaire. Il est connu pour avoir défendu des positions monarchistes pendant la Révolution française.

Biographie

Origines

Antoine Rivaroli était d’origine modeste. Son père tenait une auberge à Bagnols-sur-Cèze, à l’enseigne des Trois Pigeons avant de devenir commis des fermes. Il fit ses études au séminaire Sainte-Garde à Avignon, porta le petit collet, grâce à la bienveillance de Bonaventure Baüyn, évêque d'Uzès, et fut quelque temps précepteur à Lyon. Mais il ne tarda pas à renoncer à l’état ecclésiastique auquel sa famille le destinait pour choisir la carrière des lettres.

Il se faisait lui-même appeler « comte Antoine de Rivarol » et prétendait appartenir à une famille de la noblesse italienne. Certains affirment que son nom véritable était « Riverot »[1]. En réalité, il était issu d’une famille piémontaise et son grand-père portait le nom de « Rivaroli », que son père francisa en « Rivarol » en s’installant en France. Il utilisa plusieurs autres pseudonymes : « auteur du Petit Dictionnaire », « comte de Barruel », « un citoyen actif ci-devant rien », « chevalier de Kermol », « R.V.R.L. » et « Salomon ».

Carrière

En 1776, il se rendit à Paris et s’anoblit en se faisant appeler le chevalier de Parcieux[1]:5 — sa grand-mère maternelle était en effet apparentée au mathématicien Antoine Deparcieux, dont la particule était d’ailleurs également usurpée — puis le comte de Rivarol. Il fut présenté à Voltaire et collabora au Mercure de France. Il fréquenta les salons, où son esprit brillant et polémiste faisait merveille. Cela lui attira très tôt de nombreux et virulents ennemis, dont le moindre ne fut pas le duc de Choiseul. Il vécut toujours séparé de sa femme d’origine anglaise, Louise Mather-Flint[2],[3]. Très lié avec Grimod de La Reynière, il aurait, selon un pamphlet anonyme de l’époque, partagé, ainsi que le chevalier de Champcenetz[4], le goût pour les hommes, allant, la nuit venue, les solliciter dans l’allée d’Argenson au Palais-Royal. La Satyre universelle le dit « Ami précoce de l’antithèse et des travestissemens » et qu’« on l’accusa de trop bien instruire ses élèves[1]:5 ». Imbert de Boudeaux affirme même dans son Recueil de lettres secrètes (1783), qu’il s’est prostitué, dans le jardin du Palais-Royal, à ses débuts à Paris[5]. Delille, quant à lui, se vengea cruellement des critiques de Rivarol, en faisant attribuer par l’Académie française, dont il était, le prix de vertu à Mme Lespanier, qui avait « soigné » l’épouse de Rivarol. C'était insinuer on ne peut plus clairement à quel point celui-ci négligeait sa femme. Selon Arsène Houssaye en 1876, il aurait négligé sa femme pour vivre d’abord avec une certaine Manette, puis avec une noble dame, la princesse Olgorouska[6].

Sainte-Beuve écrit à son sujet, dans ses Causeries du lundi du  :

« Une figure aimable, une tournure élégante, un port de tête assuré, soutenu d’une facilité rare d’élocution, d’une originalité fine et d’une urbanité piquante, lui valurent la faveur des salons […] Rivarol semblait ne mener qu’une vie frivole, et il était au fond sérieux et appliqué. Il se livrait à la société le jour et travaillait la nuit. Sa facilité de parole et d’improvisation ne l’empêchait pas de creuser solitairement sa pensée. Il étudiait les langues, il réfléchissait sur les principes et les instruments de nos connaissances, il visait à la gloire du style. Quand il se désignait sa place parmi les écrivains du jour, il portait son regard aux premiers rangs. Il avait de l’ambition sous un air de paresse. »

Ce n’est pas vraiment l’avis de Mademoiselle Mars qui rapporte l’anecdote suivante dans ses Mémoires (t. 1-2) :

« Beaumarchais disait le soir de la première du Mariage de Figaro, le 27 avril 1784, à ce même Rivarol : — Plaignez-moi un peu, mon cher ! j’ai tant couru ce matin auprès des ministres, auprès de la police, que j’en ai les cuisses rompues !
— Quoi, déjà ! repartit Rivarol, toujours méchant. » Il faisait évidemment allusion au supplice de la roue, infligé aux criminels, dont on rompait les membres. »

Chateaubriand dans ses Mémoires d'outre-tombe raconte sa seule entrevue avec Rivarol à Bruxelles, au cours de l'émigration :

« Je fus invité à dîner avec mon frère chez le baron de Breteuil ; j’y rencontrai la baronne de Montmorency, alors jeune et belle, et qui meurt en ce moment ; des évêques martyrs, à soutane de moire et à croix d’or ; de jeunes magistrats transformés en colonels hongrois, et Rivarol que je n’ai vu que cette unique fois dans ma vie. On ne l’avait point nommé ; je fus frappé du langage d’un homme qui pérorait seul et se faisait écouter avec quelque droit comme un oracle. L’esprit de Rivarol nuisait à son talent, sa parole à sa plume. Il disait, à propos des révolutions : « Le premier coup porte sur le Dieu, le second ne frappe plus qu’un marbre insensible. » J’avais repris l’habit d’un mesquin sous-lieutenant-d’infanterie ; je devais partir en sortant du dîner et mon havresac était derrière la porte. J’étais encore bronzé par le soleil d’Amérique et l’air de la mer ; je portais les cheveux plats et noirs. Ma figure et mon silence gênaient Rivarol ; le baron de Breteuil, s’apercevant de sa curiosité inquiète, le satisfit : « D’où vient votre frère le chevalier ? » dit-il à mon frère. Je répondis : « De Niagara. » Rivarol s’écria : « De la cataracte ! » Je me tus. Il hasarda un commencement de question : « Monsieur va... ? — Où l’on se bat », interrompis-je. On se leva de table[7]. »

Mort

Espérant rentrer en France sous le Directoire, il fut près d’y parvenir après le coup d'État du 18 brumaire, mais il tomba malade et mourut en exil à Berlin, le , à l'âge de 47 ans. Il préparait un grand ouvrage intitulé : Théorie du corps politique, dont il n'est resté que le plan et quelques pensées disséminées dans l'ouvrage Pensées inédites de Rivarol[8]. Il fut enterré dans le cimetière de Dorotheenstadt, où le site de sa tombe a été oublié[9].

Ouvrages

Son premier ouvrage, Lettre du président de *** à M. le comte de *** (1782), était dirigé contre le poème des Jardins de l’abbé Delille, qui venait alors de paraître. Il détonna dans le concert de louanges qui avait accueilli ce poème, et l’auteur se fit, à cette occasion, quelques ennemis.

Le , il remporte ex-aequo avec Johann Christoph Schwab le prix de l'Académie des sciences de Berlin pour son Discours sur l’universalité de la langue française ; cette victoire lui vaut une grande célébrité. Frédéric II de Prusse fit de l’auteur un membre associé de l’Académie. Rivarol insistait sur la qualité principale du français, la clarté, et lui prêtait les qualités qui semblaient alors appartenir à l’esprit français : « Dégagée de tous les protocoles que la bassesse invente pour la vanité et le pouvoir, elle en est plus faite pour la conversation, lien des hommes et charme de tous les âges, et puisqu’il faut le dire, elle est de toutes les langues la seule qui ait une probité attachée à son génie. Sûre, sociale, raisonnable, ce n’est plus la langue française, c’est la langue humaine. »

L’année suivante, Rivarol fit paraître sa traduction de L’Enfer de Dante Alighieri, commencée cinq années plus tôt. Le goût de l’époque n’était pas prêt à accepter une traduction exacte de ce chef-d’œuvre du Moyen Âge. Aussi s’agit-il davantage d’une adaptation.

En 1788, il publia, en collaboration avec Champcenetz, de la Comédie-Française le Petit Almanach de nos grands hommes, satires sous forme d’éloges des écrivains à la mode. Ce livre suscita, de nouveau, de nombreuses inimitiés aux deux auteurs.

Marie-Joseph Chénier, qui y était malmené, y répliqua par une virulente satire, dont Rivarol se vengera sous la Révolution française en le surnommant « le frère d’Abel Chénier » (on insinuait alors volontiers que Marie-Joseph, personnage en vue de la Révolution française, avait contribué à envoyer son frère André à la guillotine). Il polémiqua également avec Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais puis avec Félicité de Genlis.

Il fit paraître, en 1788, deux Lettres à M. Necker, dans lesquelles il répondait aux ouvrages de celui-ci sur l'Importance des opinions religieuses et sur La Morale. Il y professait un épicurisme élevé, soutenant la possibilité d’une morale indépendante de toute religion.

Sous la Révolution française, Rivarol s’engagea dès 1789 dans la défense de la monarchie. Il fut l’un des principaux rédacteurs du Journal politique et national de l’abbé de Castres. Un recueil de ses articles fut publié plus tard sous le titre de Mémoires. Il collabora également avec Jean-Gabriel Peltier, Champcenetz et Mirabeau cadet aux Actes des Apôtres subsidiés par la liste civile, et attaqua avec une ironie mordante les principes et les hommes de la Révolution française, justifiant dans une certaine mesure l’enthousiasme d’Edmund Burke qui l’appelait « le Tacite de la Révolution ».

En 1791, il conseilla à Louis XVI, pour lutter contre les révolutionnaires, de prendre la tête de la Révolution en s'appuyant sur la bourgeoisie fidèle à la monarchie et en réformant la monarchie sur le modèle anglais. Pour ce faire, il fallait commencer par « perdre » le duc d’Orléans. Le roi fit décliner la proposition après l'avoir examinée, faute d'équipe pour savoir l'appliquer, lui fit-il dire.

Le , Antoine de Rivarol émigra, passant à Bruxelles, Amsterdam, La Haye, Londres, Hambourg et Berlin. De Bruxelles, il fit paraître une Lettre au duc de Brunswick et une Lettre à la noblesse française et la Vie politique et privée du général La Fayette à qui il donna le surnom de « général Morphée », rappelant son sommeil du 6 octobre 1789. Jean-Gabriel Peltier répondit à son pamphlet sur La Fayette par un article de 10 pages dans Dernier tableau de Paris.

À Hambourg, il publia en 1797 le Discours préliminaire d’un projet de dictionnaire de la langue française. À Berlin, il représenta le futur roi Louis XVIII.

Il publia encore le Dialogue entre M de Limon et un homme de goût et le Portrait du duc d’Orléans et de Mme de Genlis en 1793. En 1797, il réfuta l’ouvrage De l’influence des passions de Germaine de Staël.

Œuvres

Reconnaissance

Notes et références

  1. a b et c La Satyre universelle : prospectus dédié à toutes les Puissances de l’Europe, Paris, Rue de l'Échelle, , 35 p., in-8° (OCLC 561678237, lire en ligne), p. 4.
  2. Fortunée Briquet, Dictionnaire historique, littéraire et bibliographique des Françaises et des étrangères naturalisées en France, article « Louise Mather Flint ».
  3. Page vj de la Notice de l'ouvrage Pensées inédites de Rivarol (1836)
  4. Les Enfans de Sodome à l’Assemblée nationale, 1790.
  5. Guillaume Imbert de Boudeaux (dir.) et Paule Adamy, Recueil de lettres secrètes : année 1783, t. 476, Genève, Droz, coll. « Textes littéraires français », , 394 p., 18 cm (ISBN 978-2-600-00196-0, ISSN 0257-4063, OCLC 805729136, présentation en ligne), p. 96-7.
  6. Arsène Houssaye, Galerie du XVIIIe siècle : la Révolution, Paris, Édouard Dentu, , 356 p., 4 pl (lire en ligne), p. 386.
  7. Livre 9, chapitre 8.
  8. Page ix de la Notice de l'ouvrage Pensées inédites de Rivarol (1836).
  9. Ernst Jünger, Rivarol, 1956 (citation en allemand chez books.google.de) ; article en allemand chez (de) « Tödliche Pointen flirren durch die Pariser Salons », Wolf Lepenies, Die Welt, 4 août 12.
  10. Alain de Benoist, Ernst Jünger une bio-bibliographie, Guy Trédaniel éditeur, 1997, p. 122.

Bibliographie

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