Cheikh Ahmadou Bamba
Ahmadou Bamba en 1913.
Fonctions
Juriste, Théologien
Biographie
Naissance
Décès
Nationalité
Activités
Père
Mame mor Anta Saly Mbacké
Mère
Enfants
Autres informations
Religion
Ordre religieux

Cheikh Ahmadou Bamba (de son nom complet Ahmad Ibn Muhammad Ibn Habiballah), dit Khadimou ar-Rassoul (en arabe : « خادم ال رسول, Serviteur du Messager » et Serigne Touba (chef religieux, fondateur de Touba), né en 1853 à Mbacké-Baol (Sénégal) et mort le à Diourbel, est un musulman sunnite, théologien acharite, juriste malékite, fondateur de sa propre voie soufi. Il est l'une des figures les plus importantes du soufisme au Sénégal et en Afrique noir en qualité de fondateur du large confrérie des Mourides.

Biographie

L'île de Mayumba au Gabon où Ahmadou Bamba est déporté.
Mausolée d'Ahmadou Bamba à Touba.

Ahmadou Bamba est né à Mbacké-Baol au nord-est du Sénégal, ville fondée par son arrière-grand-père Maharam Mbacké dans le royaume de Baol. Il est plus connu sous l'appellation de cheikh Ahmadou Bamba, du nom de son homonyme cheikh Ahmadou Sall (un saint qui résidait dans la localité de Bamba, dans la région du Saloum). Son père, Momar Anta Saly Mbacké, était un savant et un cadi respecté par les rois de son époque. Sa mère Mame Diarra Bousso, plus connue sous le nom de Diarratou Allah (la protégée d'Allah) était une sainte reconnue tant par les Sénégalais que les Mauritaniens.

À l'âge de 7 ans, il est confié par son père à son oncle Thierno Mboussobé afin d'apprendre le Coran. Ce dernier le confie à Serigne Tafsir Mbacké Ndoumbé, l'oncle de sa mère, afin de compléter ses études coraniques. Lorsque Tafsir Mbacké meurt, Ahmadou Bamba retourne à l'école de son père. Du vivant de son père, il versifie les écrits sur le Tawhid notamment Oum al Barahim d'Abdallah Sanoussi qu'il intitule Mawahib al Qoddous. Cet ouvrage de 600 vers pousse son père Momar Anta Saly à l'introduire dans le programme de son école. Ahmadou Bamba écrit d'autres livres parmi lesquels Tazawudou Cikhar (« Le Viatique des jeunes ») et Jawharou Nafis (« Le Joyau précieux ») qui est un commentaire en vers de l'imam Abd al-Rahman Al-Akhdari. Dans le soufisme, Ahmadou Bamba versifie Bidayat al Hidaya, petit traité de l'imam Ghazâli qu'il intitule Moulayyinou Soudour. Il compose également des odes et des panégyriques exclusivement dédiés à Allah et au prophète Mahomet. Son père quitte Patar Page d'aide sur l'homonymie pour aller fonder un autre village appelé Mbacké Cayor où il meurt trois ans plus tard en 1881[1].

Ahmadou Bamba resta à Mbacké Cayor pendant deux ans dans le dessein d'aider les disciples de son père à approfondir leurs connaissances. Il affirma que le prophète Mahomet lui est apparu et lui a demandé de ne plus éduquer ses disciples par l'étude mais par la ferveur spirituelle (Tarbiya). Il rassembla l'ensemble de ces étudiants qui étaient dans la daara (école coranique) de son père et leur dit : « si vous voulez seulement étudier, vous pouvez aller trouver les nombreux maitres de ce pays. Que ceux qui veulent être éduqué pour atteindre la proximité divine restent à mes cotés ». Après ces propos il les laissa prendre leur décision, à la fin il ne resta que quelques personnes dans sa daara qui était l'une des plus grandes du pays.

C'est la naissance de la mouridiyyah (la voie qui mène vers Allah). Il fonde Touba (Sénégal) en 1888, un lieu isolé situé à l'intérieur de la forêt de Mbaffar où il resta pendant sept ans.

Début des épreuves

En 1889, après avoir constaté que trop de personnes lui vouaient un serment d'allégeance, le gouverneur français Clément Thomas donne l'ordre à Ahmadou Bamba de renvoyer ses disciples chez eux, mais ses directives demeurent sans effet. Une persécution générale s'ensuit et les mourides sont dépossédés de leurs biens, si bien qu'un exode vers Touba est organisé[Par qui ?].

Après plusieurs tentatives infructueuses pour inviter Ahmadou Bamba à se présenter à Saint-Louis, les convocations deviennent menaçantes mais ne donnent aucune suite. Ahmadou Bamba quitte Touba pour s'installer à Mbacké Bari dans le Djolof à 50 km au nord de Touba en . Il décide le d'aller répondre à la convocation du gouverneur en quittant Mbacké Bari et rencontre sur le chemin l'armée coloniale à Djéwol. Il est arrêté et amené à Coki puis à Louga afin de prendre le train en direction de Saint-Louis. À Saint-Louis il est placé au siège du gouverneur de l'Afrique-Occidentale française (AOF). Le jeudi , le conseil privé dirigé par le gouverneur général Louis Mouttet convoque une assemblée à l'issue de laquelle la décision d'envoyer Ahmadou Bamba vers le Gabon est adoptée. Son frère Mame Thierno Birahim Mbacké supplée à son absence auprès de sa famille et de la communauté mouride. L'administration coloniale justifie alors sa décision en affirmant : « Il ressort clairement du rapport que l'on n'a pu relever contre Ahmadou Bamba aucun fait de prédication de guerre sainte, mais son attitude, ses agissements, et surtout ceux de ses principaux élèves sont en tous points suspects. »

Il est embarqué le dans un paquebot brésilien, le Pernambuc, à destination du Gabon où il passe sept années dont cinq ans à Mayumba et deux ans à Lambaréné. À Mayumba, il est pratiquement livré à la nature dans des endroits inhabités, sans abri, ni nourriture, à la merci des bêtes sauvages, des intempéries des saisons de la région. L'objectif visé par l'autorité coloniale était sa suppression pure et simple[2].

Retour d'exil

Le , le navire Ville de Maceio où avait embarqué Ahmadou Bamba, arriva à Dakar au bout de 15 jours de navigation. Il fut accueilli par ses disciples et acclamé par la foule[2], alors que beaucoup pensaient qu'il était décédé. Il décida d'aller rendre visite à certains de ses disciples. Il fonda avec eux le village de Darou Marnane. Sa principale préoccupation dans cette zone était l'éducation spirituelle de ses talibés. À Darou Marnane beaucoup de gens vinrent lui rendre visite, de tous les coins du pays[2]. Ces mouvements de foule inquiétèrent à nouveau l'administration coloniale qui décida de l'arrêter, et de l'exiler en Mauritanie auprès d'un érudit maure, Sidia Baba. En 1904 à Sarsara, Ahmadou Bamba affirma avoir vu le prophète en veille et que ce dernier lui aurait remis son propre wird nommé "Al Wird'ul Maahuuzu". Ahmadou Bamba resta en Mauritanie jusqu'au soit 4 ans et reçut de l'administration coloniale l'autorisation de revenir au Sénégal. Dès son retour il fut assigné en résidence surveillée à Thiéyène. Dans cet endroit Ahmadou Bamba et son entourage sont discrètement surveillés et les visites de ses disciples limitées[3].

Après avoir obtenu l'autorisation de retourner au Baol par une lettre que le gouverneur général du Sénégal Henri François Charles Cor avait adressée au gouverneur de l'AOF William Merlaud-Ponty, Ahmadou Bamba quitte Thiéyène le pour arriver à Diourbel le . Il s'installa en février 1913 sur un site choisi par lui-même qu'il nomme la maison bénite (buuq'at al-mubâraka), ou en wolof Keur gou Mak. Les autorités françaises réalisent qu'Ahmadou Bamba ne désire pas la guerre. Dès lors, puisque la doctrine d'Ahmadou Bamba les sert, elles décident de collaborer avec lui. Pour sa contribution à la Première Guerre mondiale Ahmadou Bamba est honoré par le gouverneur, qui lui décerne en janvier 1919, le diplôme et la croix de chevalier de la légion d'honneur. Le marabout accepta le diplôme, mais refusa de porter la Croix de la Légion d'honneur dans la mesure où ses principes religieux s'y opposaient. En 1921, le cheikh organisa publiquement pour la première fois l'anniversaire de son départ en exil. Il recommanda ensuite aux mourides de rendre grâce à Dieu chaque année à cette date par l'adoration de Dieu, la lecture du Coran et la distribution des repas.

Ahmadou Bamba meurt le mardi à son domicile de Diourbel. Son corps fut transporté par voiture le lendemain à Touba et fut inhumé dans sa maison, rattachée aujourd'hui à la grande mosquée de Touba[4]. Il est remplacé officiellement par son fils aîné, Mouhamadou Moustapha Mbacké, à la tête de la confrérie mouride[5]. Son tombeau est par la suite, devenu un lieu de pèlerinage[6].

Croyance et doctrine

Ahmadou Bamba était de croyance traditionnelle sunnite. Ainsi il dit au début de son livre Mawâhibou l-Qouddoûs : « Il (Allâh) n’a pas de semblable, Il ne dépend pas du temps, Il est exempt du genre et Il est sans endroit.»[7]. Son mysticisme soufi s'inscrit ainsi dans le cadre du fiqh et une vision orthodoxe du sunnisme[8].

Reprenant la charge de l'école de Mbacké Cayor après la mort de son père, il organise un système d'enseignement articulé autour de trois piliers : l'instruction (taalim), l'éducation (tarbiyya) et l’entraînement à la vie (tarqiyya). Le premier correspond à l'enseignement religieux et traditionnel des écoles coraniques alors que les deux autres répondent à des objectifs alors nouveaux. La taarbiyaa repose sur la soumission volontaire du mouride à un maître. Elle prévilégie l’action et vise à corriger les adeptes, par exemple en enjoignant à des « nobles » (geer) d'effectuer des tâches dévolues aux personnes castées (les ñeeño) afin de leur apprendre l'humilité. Elle comprend également des prêches et des échanges informels. Lors de la tarqiyya, qui marque la fin de l'enseignement, le disciple aide son marabout dans la gestion de son domaine, et celui-ci en retour l'introduit à la vie réelle, et lui apprend à se débrouiller face aux aléas du quotidien. Ce programme éducatif visait à retrouver l'esprit des établissements soufis[9].

Photographies

Ahmadou Bamba (1918).

En 2020, 6 photographies d'Ahmadou Bamba, prises probablement à Diourbel en 1918, apparaissent sur Internet. Après enquête, la confrérie mouride valide leur authenticité et les rachète 55 000 euros. Les photographies sont remises en à la confrérie mouride par l'ambassadeur du Sénégal en France[10].

Œuvres littéraires

Le nombre de ses écrits est estimé à plusieurs milliers[réf. nécessaire]. Fernand Dumont (dans La pensée religieuse d'Amadou Bamba, p. 11-32) a recensé quarante-et-un ouvrages du cheikh couramment publiés au Sénégal, mais il en existe encore d'autres, la plupart étant conservés à la bibliothèque de Daaray Kamil à Touba. Parmi les plus diffusés on trouve ceux-ci :

Ouvrages d'Ahmadou Bamba traduits en français et publiés :

Notes et référence

  1. Malick Sy, Ravane Mbaye, Pensée et action, t. 1, Vie et œuvre, Albouraq, 2003, p. 294
  2. a b et c Emmanuel Brisson, Reportage sur la confrérie Mouride (page 3), 2008, sur le site de Grand reportage.
  3. Jean-Pierre Bat, « Cheikh Ahmadou Bamba à travers les archives », sur Africa4, Libération, (consulté le )
  4. Guèye 2002, p. 82.
  5. Guèye 2002, p. 100.
  6. Oissila Saaïdia, « Islam et ordre colonial dans les Empires britannique et français : entre collaboration et contestation », Histoire, Monde & Cultures religieuses, vol. 1, no 25,‎ , p. 75-105 (lire en ligne, consulté le )
  7. « Le Chaykh Ahmadou Bamba confirme que Allâh existe sans endroit », Islam Sunnite,‎ (lire en ligne, consulté le )
  8. Dumont 1975, p. 223.
  9. Mbacké Bambou 1997, p. 12-15.
  10. Pauline Le Troquier, « Des photos inédites du fondateur de la confrérie mouride remises à l'ambassade du Sénégal à Paris », Radio France internationale,

Voir aussi

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Bibliographie

Sources primaires

Ouvrages

Thèses

Articles

Liens externes