Jean Sulivan
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Biographie
Naissance
Décès
Nom de naissance
Joseph Lemarchand
Pseudonyme
Jean SulivanVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Activités
Écrivain, prêtre catholique, poète, enseignant du secondaireVoir et modifier les données sur Wikidata
Autres informations
Distinction
Prix Breizh ()Voir et modifier les données sur Wikidata

Jean Sulivan, pseudonyme de Joseph Lemarchand, est un prêtre et écrivain français né le à Montauban (aujourd'hui Montauban-de-Bretagne), en Ille-et-Vilaine, et mort le à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine).

Biographie

Joseph Lemarchand naît dans une famille bretonne d'exploitants agricoles. Son père est tué à la guerre en 1916, en Argonne. Ne pouvant mener seule l'exploitation agricole en tant que métayère, sa mère se remarie en 1919. Joseph est l'enfant unique issu du premier mariage de sa mère. Il est « mis en pension, au petit séminaire de Chateaugiron »[1], puis il entre au grand séminaire de Rennes. Il est ordonné prêtre en 1938 [2].

Jeune prêtre, il est aumônier des étudiants de Rennes pour lesquels, après la Seconde Guerre mondiale, il organise un ciné-club et ouvre une bibliothèque de prêt en littérature. Il crée aussi un journal mensuel, Dialogues Ouest[2].

Il quitte son poste d'enseignant dans un lycée catholique en 1958, à l'âge de quarante-cinq ans, pour se consacrer à l'écriture. En vingt-deux ans, il écrira presque trente livres[2].

Il est renversé par une voiture à Paris et meurt une semaine plus tard le [3].

Son nom de plume est emprunté au film de Preston Sturges, Les voyages de Sullivan (1942), rapporte Pádraig Ò Gormaile en se fondant sur un passage de Matinales, Itinéraire spirituel de l'écrivain. Il ajoute: « “Sulivan”, avec un seul “l”, dénote une touche de singularité [...]. Ce nouveau nom représente pour lui une renaissance »[2].

Jean Sulivan a également été directeur de collection chez Gallimard (Collection « Voies ouvertes »[4]), puis chez Desclée de Brouwer (Collection « Connivence »[5]).

L'écrivain et prêtre

Une page de synthèse littéraire de manuel scolaire, intitulée « Roman et idéologies d'après-guerre » au paragraphe « Orthodoxies et création » du volume Littérature XXe siècle de la collection Henri Mitterand - « Textes et documents », situe Jean Sulivan au chapitre « Années 1950... Hussards et Chevau-légers », 2. « Romans de mal du siècle », en tant que romancier inspiré par le christianisme, aux côtés de Pierre-Henri Simon, Luc Estang, Paul-André Lesort, Roger Bésus, Henri Queffélec ou Gilbert Cesbron[6]...

En 1964, Jacques Madaule aurait dit de Sulivan qu'il était « un auteur capable de continuer Bernanos »[7].

Dans un article de 2011 du journal La Croix, Bruno Frappat considère Jean Sulivan plutôt comme un « contemporain » qui « s'engagea dans la voie de la littérature en se libérant, mais sans rupture, de son statut d'ecclésiastique affecté à des missions sacerdotales ». Selon lui, l'entrée tardive en écriture, telle une « seconde naissance » ouvrit à Jean Sulivan « la voie d'une liberté intérieure et de la promotion de cette liberté spirituelle qui est le fil conducteur de ses écrits ». Il s'agissait aussi d'une « liberté par rapport à l'Église institutionnelle, sans négliger pourtant que celle-ci avait sa fonction : la parole de l'Évangile », car, interrogeait l'écrivain, « sans l'Église l'aurions-nous entendue ? ». Mais « cette reconnaissance de dette », poursuit Frappat en citant encore Sulivan, n'empêchait pas celui-ci « d'exprimer un sévère appel à une Église qui “cesse d'apparaître comme cette énorme coiffe de plomb à organiser les apparences” »[8].

Situation de dissidence cléricale en Bretagne (1960-1990)

Dans le cadre d'une étude intitulée « Abchristianisation. Écarts et départs dans le clergé breton (1960-1990) », l'historien Yvon Tranvouez évoque à propos de la dissidence cléricale en Bretagne à cette époque, l'une des « deux figures de premier plan, dont l’influence sur les élites catholiques est unanimement attestée », en la personne de l'abbé Joseph Lemarchand, alias Jean Sulivan (1913-1980), prêtre du diocèse de Rennes : celui-ci, observe-t-il, « n’a jamais abandonné le sacerdoce, dont il n’a pas non plus été exclu bien qu’il ait, selon ses propres termes, quitté le “service actif” en 1967, poursuivant dès lors à Paris une carrière aléatoire d’écrivain et de directeur de collection chez deux éditeurs de renom. Peu porté aux confidences, il s’en est quand même expliqué incidemment, au détour de plusieurs livres de portée plus générale, dont l’un à l’enseigne de La Traversée des illusions (1977) »[9]. Sulivan « perçoit son parcours comme une succession de nouvelles naissances, dans les montagnes d’Engadine sur les traces de Nietzsche, en Italie du Sud sur celles de Rilke, mais l’illumination survient en Inde du Sud, en 1964, dans l’ashram du bénédictin Henri Le Saux, où “cela” lui arrive en marchant sur les bords du fleuve Cavéry », Yvon Tranvouez le cite[9] :

« Soudain la chose est là, bondit, vous coupe le souffle, vous tord, un vent de panique vous secoue comme un arbre, vous dépouille, la fulgurante intuition de la contingence, de l’inimportance de tout, du vide, tandis qu’une joie inexplicable se déplie, vous ouvre… Il faut s’asseoir, se laisser aller tant le choc est brutal […] Cette nuit-là, remis d’aplomb, je marchai encore longtemps avant de m’étendre sur le sable pour dormir au ras de l’eau. Une seule parole rythmait mes pas : il n’y a pas de mort, il n’y a pas de mort. Des impulsions me soulevaient : il faudra payer le prix, Sulivan, payer le prix »

— Jean Sulivan, Le plus petit abîme, 1965, p. 258-259

Comme pour ceux qui restent dans l’institution, même si leur croyance s'est modifiée, la situation est incommode. Le « prix » à payer n’est pas qu’existentiel, commente l'historien : Édith Delos, qui a bien connu Sulivan à Paris, parle à son sujet d'« une vie assez marginale, hors sécurité matérielle »[10],[9].

Parmi les prêtres qui « partent », tout en continuant de s’inscrire, d’une manière ou d’une autre, dans l’horizon chrétien, en adoptant ce que Yann Raison du Cleuziou[11] nomme une posture de « fidélité paradoxale », Jean Sulivan, d'après Tranvouez, se défait de toute posture critique ou revendicatrice et s’en tient à un « christianisme d’incertitude » qu’il partage avec ceux qui, comme lui, « se sentent “étrangers parmi les ruines anciennes ou nouvelles” »[12],[9]. Mais le sentiment d’un écart entre le message de l’Évangile et le visage de l’Église dont ils se trouvent être les représentants officiels est de plus en plus mal vécu par ces prêtres dissidents. Dans l’un de ses premiers livres, Provocation [1959], Jean Sulivan exprime son « exaspération face aux pesanteurs d’un système ecclésial dont l’image est contre-productive »[9]. En 1959, il « fustige la prédication ordinaire, qui ne s’élève guère au-dessus des formules du petit catéchisme, et reproche au clergé de soumettre les fidèles à “un régime d’arriérés mentaux” »[13],[9]. Et si l'âge le rendra plus indulgent à l’égard de ses confrères, il n'en restera pas moins sceptique sur la performance du langage ecclésiastique[9].

Œuvres

Autres publications de Jean Sulivan

Archives de Jean Sulivan

Au début de l'année 2011, les archives de Jean Sulivan ont été déposées par Édith Clanet-Delos, légataire de Jean Sulivan, à l'I.M.E.C. (Institut mémoires de l'édition contemporaine).

Association des Amis de Jean Sulivan

L'Association des Amis de Jean Sulivan, fondée en 1985 et présidée par Édith Delos, a publié 13 numéros de sa revue Rencontres avec Jean Sulivan. Sa dissolution, estimée nécessaire, a été prononcée lors de sa dernière assemblée générale en [8].

Notes et références

  1. Jusqu'au milieu du XXe siècle, le petit séminaire représentait souvent « l’un des seuls moyens de s’instruire pour les enfants vivant à la campagne et dont les parents avaient de faibles ressources ». Repérés par les curés de paroisse, les enfants doués pouvaient y étudier: l'Église prenait leurs études en charge. « La discipline y était rigoureuse ». Le petit séminaire de Châteaugiron fut fermé en 1971 et remplacé par un établissement scolaire. (Source documentaire: « L'ensemble Sainte-Croix », Les circuits du patrimoine, site consulté le 14 octobre 2017: [1]).
  2. a b c et d Ò Gormaile Pádraig, « Littérature et spiritualité : l'aventure de Jean Sulivan ». In: Cahiers de l'Association internationale des études françaises, 1993, no 45, p. 135-138. [lire en ligne]
  3. Biographie de Jean Sulivan sur le site de l'Association des Amis de Jean Sulivan (dissoute en 2010), page d'archive consultée le 15 octobre 2017 [2]
  4. « Jean Sulivan, directeur de la collection « Voies ouvertes » chez Gallimard », sur data.bnf.fr (consulté le ).
  5. « Jean Sulivan, directeur de la collection « Connivence » chez Desclée de Brouwer », sur catalogue.bnf.fr (consulté le ).
  6. Collection Henri Mitterand, Littérature Textes et Documents XXe siècle, p. 525.
  7. Eamon Maher, Jean Sulivan (1913- 1980) ; la marginalité dans la vie et l'œuvre, Paris, L'Harmattan, 2008: « Jacques Madaule a dit de lui dans Témoignage chrétien du 30 avril 1964 qu'il était “un auteur capable de continuer Bernanos” » (Quatrième de couverture du livre).
  8. a et b Bruno Frappat, « Jean Sulivan contemporain », La Croix, [lire en ligne]
  9. a b c d e f et g Yvon Tranvouez, « Abchristianisation. Écarts et départs dans le clergé breton (1960-1990) », Ethnologie française, 2012/4 (Vol. 42), p. 761-770. DOI : 10.3917/ethn.124.0761. [lire en ligne]
  10. Édith Delos, « Jean Sulivan : biographie », Approches. Questions sur l’homme, questions sur Dieu, 1991, 70 : p. 20-30, référence donnée par Yvon Tranvouez.
  11. Yann Raison du Cleuziou, De la contemplation à la contestation, socio-histoire de la politisation des dominicains de la Province de France (1950-1980). Contribution à la sociologie de la subversion d’une institution religieuse, thèse de doctorat en science politique (Michel Offerlé, dir.), Université Paris 1, 2008.
  12. Jean Sulivan, L'instant l'éternité, Entretiens avec Bernard Feillet, Ed. du Centurion, 1978, p. 84
  13. Jean sulivan, Provocation ou la faiblesse de Dieu, Plon, 1959, p. 50.

Voir aussi

Bibliographie et documents

Anthologies

Sources bibliographiques de l'article

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Bibliographie complémentaire

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